Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiées Auchan Hypermarché a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 août 2021 pris par le préfet des Pyrénées-Orientales subordonnant à la présentation d'un " passe sanitaire " l'accès au centre commercial " Claira Salanca " situé dans la commune de Claira et aux centres commerciaux " Espace Polygone " et " Aushopping Porte d'Espagne " situés dans la commune de Perpignan.
Par un jugement n° 2105331 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 9 juin 2023, 23 juillet 2024 et 20 septembre 2024, la société Auchan Hypermarché, représentée par la société d'avocat Cornet-Vincent-Segurel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 août 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard du caractère prétendument adapté de la mesure contestée ; les centres commerciaux ne présentaient pas plus de risques de contamination par la covid-19 que les autres établissements recevant du public dont l'accès n'avait pas été subordonné à la présentation du " passe sanitaire " ; de même, le tribunal a entaché sa décision d'irrégularité en retenant le caractère adapté de la mesure contestée au regard de ses effets incitatifs sur la vaccination ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et méconnaît ainsi les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas procédé à un examen concret de la configuration des lieux, ni vérifié l'existence d'un risque de contamination par la covid-19 inhérent à chaque centre commercial, avant d'édicter l'arrêté contesté ;
- l'arrêté contesté est illégal en raison de l'illégalité des dispositions de l'article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1erer juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de sortie de crise sanitaire, dans leur rédaction issue du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 dès lors que ces dispositions réglementaires méconnaissent le principe d'égalité entre les différents commerces et que leur objectif est d'inciter à la vaccination contre la covid-19 ; les conditions de calcul des surfaces seuil telles que déterminées par ces dispositions sont manifestement illégales ; ces dispositions réglementaires portent une atteinte grave et disproportionnée à la liberté d'entreprendre, à la liberté du commerce et de l'industrie et à la libre concurrence entre les opérateurs du marché de la grande distribution ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation dès lors que la situation sanitaire était en nette amélioration et que les centres commerciaux ne présentaient pas plus de risques de contamination par la covid-19 que les autres établissements recevant du public dont l'accès n'avait pas été subordonné à la présentation du " passe sanitaire " ;
- la mesure imposant la présentation du " passe sanitaire " n'est pas proportionnée et adaptée au regard de l'objectif poursuivi de sauvegarde de la santé publique et porte ainsi atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, à la liberté d'entreprendre, au principe de libre concurrence et à la liberté d'aller et venir ;
- en limitant la mesure prescrivant la présentation du " passe sanitaire " aux seuls commerces et centres commerciaux de plus de 20 000 mètres carrés, l'arrêté contesté méconnaît le principe d'égalité ;
- il porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et au droit à la protection des données personnelles.
Par un mémoire en enregistré le 13 août 2024, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial Pech-de Laclause Escale Knooepffler Huot Piret Joubes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Auchan Hypermarché la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2024, le ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 25 septembre 2024 la clôture de l'instruction a été fixée au 18 octobre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution et notamment son préambule ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;
- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;
- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Faïck, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- les observations de Me Diaz pour le préfet des Pyrénées-Orientales.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 août 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales a subordonné l'accès des trois centres commerciaux du département d'une surface commerciale utile de plus de 20 000 m2 à la présentation, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit du résultat d'un examen de dépistage RT-PCR, d'un test antigénique ou d'un autotest réalisé sous la supervision d'un personnel de santé datant de moins de 72 heures et ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19. La société Auchan Hypermarché, qui exploite un hypermarché dans le centre commercial " Aushopping " à Perpignan, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 août 2021 en tant qu'il subordonne l'accès à son établissement à la présentation de ce " passe sanitaire ". Par un jugement du 18 avril 2023, dont la société Auchan Hypermarché relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société Auchan Hypermarché soutient que le tribunal administratif de Montpellier a entaché sa décision " d'erreurs manifestes d'appréciation " pour avoir jugé que l'arrêté en litige constituait une mesure nécessaire et adaptée alors que les centres commerciaux ne présentaient pas, pour les personnes s'y rendant, davantage de risques de contamination par la covid-19 que d'autres établissements recevant du public dont l'accès n'était pas subordonné à la présentation du " passe sanitaire ", et pour avoir estimé que cet arrêté avait des effets incitatifs sur la vaccination alors qu'un tel objectif n'est pas au nombre de ceux qu'une mesure de police doit poursuivre. Toutefois, ces moyens, qui relèvent de la critique du bien-fondé du jugement et non de sa régularité, ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité de l'arrêté du 9 août 2021 :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable au litige :
3. D'une part, aux termes du point II-A de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction issue de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, applicable à la date de l'arrêté contesté : " A compter du 2 juin 2021 et jusqu'au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 : / (...) 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d'un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 l'accès à certains lieux, établissements (...) où sont exercées les activités suivantes : / (...) f) Sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d'un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport. / Cette réglementation est rendue applicable au public (...) ". Selon les termes du point III du même article : " Lorsque le Premier ministre prend des mesures mentionnées aux I et II, il peut habiliter le représentant de l'Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d'application de ces dispositions. / Lorsque les mesures prévues aux mêmes I et II doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l'Etat dans le département à les décider lui-même. (...) ". Et aux termes du point IV de ce même article : " Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. (...) ".
4. D'autre part, selon les termes de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction issue du décret du 7 août 2021 applicable au litige : " I. - Les personnes majeures doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services (...) présenter l'un des documents suivants : / 1° Le résultat d'un examen de dépistage, d'un test ou d'un autotest (...) réalisé moins de 72 heures avant l'accès à l'établissement, au lieu, au service (...) / 2° Un justificatif du statut vaccinal (...) / 3° Un certificat de rétablissement (...) / A défaut de présentation de l'un de ces documents, l'accès à l'établissement, au lieu, au service (...) est refusé, sauf pour les personnes justifiant d'une contre-indication médicale à la vaccination (...) / II. - Les documents mentionnés au I doivent être présentés pour l'accès des (...) clients (...) aux établissements (...) suivants : / (...) 7° Les magasins de vente et centres commerciaux (...) comportant un ou plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile cumulée calculée est supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu'aux moyens de transport. / La surface mentionnée au précédent alinéa est calculée dans les conditions suivantes : / a) La surface commerciale utile est la surface totale comprenant les surfaces de vente, les bureaux et les réserves, sans déduction de trémie ou poteau et calculée entre les axes des murs mitoyens avec les parties privatives, et les nus extérieurs des murs mitoyens avec les parties communes. La surface est prise en compte indépendamment des interdictions d'accès au public ; / b) Il faut entendre par magasin de vente ou centre commercial tout établissement comprenant un ou plusieurs ensembles de magasins de vente, y compris lorsqu'ils ont un accès direct indépendant, notamment par la voie publique, et éventuellement d'autres établissements recevant du public pouvant communiquer entre eux, qui sont, pour leurs accès et leur évacuation, tributaires de mails clos. L'ensemble des surfaces commerciales utiles sont additionnées pour déterminer l'atteinte du seuil de 20 000 m², y compris en cas de fermeture, même provisoire, de mails clos reliant un ou plusieurs établissements ou bâtiments. (...) ".
En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :
5. L'arrêté contesté, qui doit être motivé en application des dispositions du 7° du II de l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021, vise les dispositions citées aux points précédents dont il fait application. Pour édicter cet arrêté, le préfet s'est fondé sur la situation sanitaire du département des Pyrénées-Orientales, où une recrudescence des contaminations a été constatée en raison de la circulation très active du virus SARS-CoV-2 et notamment de son variant " Delta " présentant une contagiosité accrue. Le préfet a ainsi relevé que le taux d'incidence, le taux d'hospitalisation et le taux d'occupation des lits de réanimation dans le département ont rapidement et constamment augmenté au cours de l'été 2021 et que le risque sanitaire en découlant était d'autant plus avéré compte tenu de l'augmentation de la population observée durant cette période estivale. Le préfet des a ainsi estimé qu'il était nécessaire de compléter les mesures nationales par des mesures locales pour tenir compte du risque d'augmentation des contaminations résultant de la présence simultanée de nombreuses personnes dans les centres commerciaux de plus de 20 000 mètres carrés. Le préfet en a déduit qu'il convenait de subordonner l'accès aux centre commerciaux d'une superficie excédant 20 000 mètres carrés à la présentation d'un " passe sanitaire ". Enfin, le préfet n'a pas omis de préciser, dans les motifs de son arrêté, que l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité demeurait assurée dans des établissements moins importants et accessibles sans " passe sanitaire " à une distance raisonnable des centres commerciaux concernés. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
En ce qui la nécessité et la proportionnalité de l'arrêté :
6. A la suite de la dégradation de la situation sanitaire consécutive à l'épidémie de covid-19 constatée au cours de l'été 2021, la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, qui a modifié celle du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, a permis au Premier ministre d'étendre le champ d'application du " passe sanitaire ", en particulier aux grands magasins et centres commerciaux, sur décision motivée du représentant de l'Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient et dans des conditions garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité.
7. A la date de l'arrêté en litige, l'épidémie de la covid-19 s'était rapidement et constamment étendue sur le territoire national à la suite de l'apparition d'un nouveau variant du virus, devenu prépondérant et beaucoup plus contagieux que les précédents. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des avis scientifiques alors disponibles, que ce nouveau variant était davantage susceptible de causer des formes graves de la maladie. Si la société Auchan Hypermarché se prévaut de divers rapports médicaux, dont celui de l'Institut Pasteur, qui ne tranchent pas la question des risques de contamination dans les centres commerciaux, ces rapports, antérieurs de plusieurs mois à la décision attaquée, alors que la connaissance scientifique du virus et le virus lui-même ont évolué depuis, ne permettent pas d'écarter de tels risques. Dans le contexte d'une recrudescence de l'épidémie, les magasins de vente et centres commerciaux, caractérisés par la concentration de nombreux commerces dans un espace clos, mettaient en présence simultanément un nombre important de personnes et présentaient donc un risque de contamination accru, comme l'a d'ailleurs relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021 par laquelle il a déclaré conforme à la Constitution l'obligation de présentation du " passe sanitaire " pour accéder aux centres commerciaux au-delà d'un certain seuil, en raison tant de la promiscuité des personnes présentes, qu'il s'agisse des clients comme du personnel, que des interactions sociales qui s'y déroulent.
8. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des données fournies par l'agence régionale de santé Occitanie, qu'au cours de la première semaine d'août 2021, et notamment au 9 août 2021, date de l'arrêté en litige, le département des Pyrénées-Orientales présentait un taux d'incidence supérieur à 500 pour 100 000 habitants, et un nombre sans cesse croissant d'hospitalisations en soins critiques depuis la dernière semaine de juillet. A cet égard, l'augmentation de la population, constatée dans le département en période estivale, durant laquelle se produit un brassage de populations d'origine géographique différente, contribue à accroître l'expansion de l'épidémie. Dans ce contexte, le ralentissement de la propagation du virus et la préservation des personnes les plus exposées aux formes graves de la maladie nécessitaient, alors que les vagues précédentes avaient été endiguées par des décisions bien plus rigoureuses telles que le confinement de la population, le couvre-feu et la fermeture d'établissements, des mesures supplémentaires comme l'extension de l'obligation de présenter un " passe sanitaire " pour se rendre aux centres commerciaux de plus de 20 000 mètres carrés. Il convient de relever, à cet égard, que l'octroi du " passe sanitaire " n'est pas limité aux seules personnes vaccinées, mais concerne toute personne justifiant d'un résultat négatif à un test de dépistage virologique ou présentant un certificat de rétablissement après une contamination.
9. Par ailleurs, à elle seule, la garantie de l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité n'imposait pas au préfet des Pyrénées-Orientales de maintenir un tel accès à ces biens et services se trouvant dans l'enceinte des grands magasins et centres commerciaux. Il ressort des pièces du dossier qu'il existe dans le bassin de vie où se trouvent les centres commerciaux concernés par l'arrêté en litige, à une distance raisonnable de ceux-ci, un nombre suffisant d'établissements de commerce alimentaire et pharmaceutique permettant ainsi à la population ne disposant pas d'un " passe sanitaire " d'accéder aux biens de première nécessité.
10. De plus, les effets dans le temps de l'arrêté contesté étaient limités au 15 novembre 2021 en application de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Cet arrêté a d'ailleurs été abrogé, pour tenir compte de l'amélioration de la situation sanitaire, par un nouvel arrêté préfectoral du 7 septembre 2021.
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision contestée du 9 août 2021 méconnaîtrait les principes de nécessité et de proportionnalité, qui s'imposent aux mesures de police, doit être écarté.
En ce qui concerne l'erreur de droit :
12. Contrairement à ce que soutient la société Auchan Hypermarché l'arrêté en litige, et les dispositions réglementaires dont il fait application, n'ont pas pour objet d'inciter la population à la vaccination mais, ainsi qu'il vient d'être dit, de contenir l'épidémie à la suite de l'apparition d'un nouveau variant plus contagieux. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du décret du 7 août 2021 :
13. Les dispositions du décret du 7 août 2021 ont prévu que la surface prise en compte pour le calcul du seuil de 20 000 mètres carrés, au-delà duquel la présentation d'un " passe sanitaire " est obligatoire, est la surface commerciale utile, laquelle comprend les surfaces de vente, les bureaux et les réserves, sans inclure les espaces extérieurs affectés aux points de retrait dits " drive ". Il ressort des pièces du dossier que la surface commerciale utile est une notion déjà reconnue par les professionnels du secteur, favorisant ainsi sa connaissance et la correcte application de ces dispositions, et reflétant le fait que la surface des réserves et des bureaux n'est pas sans lien avec la surface de vente ni avec la fréquentation du centre commercial. Si cette définition ne permet pas d'exclure du calcul du seuil de 20 000 mètres carrés les surfaces non accessibles au public de façon habituelle ou temporaire, elle garantit néanmoins l'application de la règle en fonction d'éléments objectifs ne dépendant pas de décisions prises localement par les responsables des magasins et centres commerciaux concernés. En outre, dès lors que la circulation du personnel, qui peut accéder à ces différentes surfaces, et ses relations avec la clientèle, qui n'a accès qu'à la surface de vente, peuvent favoriser les interactions sociales, la prise en compte de l'ensemble de ces surfaces est adaptée à l'objectif poursuivi de lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19 et ne constitue pas une méconnaissance de la liberté de commerce et de l'industrie alors même que le magasin exploité par la société Auchan Hypermarché aurait connu, du fait de l'exécution de l'arrêté en litige, une perte de clientèle, une diminution du chiffre d'affaires et un alourdissement de ses charges résultant du coût supplémentaire entraîné par la mise en place des procédures de contrôle à l'entrée des magasins. Par suite, la société Auchan Hypermarché n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du décret du 7 juin 2021, en tant qu'il définit le seuil de 20 000 mètres carrés au-delà duquel la présentation d'un " passe sanitaire " est obligatoire, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté en litige.
En ce qui concerne l'atteinte alléguée à la liberté d'aller et venir, à la liberté de commerce et de l'industrie et au droit au respect de la vie privée et familiale :
14. Eu égard à la situation sanitaire dans le département des Pyrénées-Orientales à la date de l'arrêté contesté, telle que rappelée précédemment, et aux caractéristiques propres aux grands magasins et centres commerciaux d'une surface de plus de 20 000 mètres carrés, qui présentaient un risque de contamination accru pour leurs clients, la mesure imposant la présentation d'un " passe sanitaire " pour accéder à ces commerces ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à la liberté d'aller et venir, à la liberté de commerce et de l'industrie et au droit au respect de la vie privée et familiale garantis par la Constitution.
En ce qui concerne le principe d'égalité :
15. Les grands magasins de vente et les centres commerciaux de plus de 20 000 mètres carrés, qui réunissent simultanément un nombre important de personnes dans un même lieu et pour une durée prolongée, présentent un risque important de propagation du virus. Les commerces situés au sein de ces établissements sont donc dans une situation différente de celle des autres commerces qui ne se trouvent pas dans ces centres et dont la superficie est moindre. Dès lors, en prévoyant que l'obligation de présentation d'un " passe sanitaire " s'applique aux seuls grands magasins et centres commerciaux de plus de 20 000 mètres carrés du département des Pyrénées-Orientales, l'arrêté contesté instaure une différence de traitement qui repose sur une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Auchan Hypermarché n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par la société Auchan Hypermarché tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
18. Aux termes de l'article R. 431-12 du code de justice administrative relatif à la représentation des parties devant la cour administrative d'appel : " (...) Les recours, les mémoires en défense et les mémoires en intervention présentés au nom de l'Etat sont signés par le ministre intéressé. ". Aux termes de l'article R. 431-13 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 431-12, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture et porte sur les décisions mentionnées à l'article R. 311-5 relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés. ". Il résulte de ces dispositions que le préfet a qualité pour défendre l'Etat devant la cour administrative d'appel pour les seuls litiges portant sur les décisions mentionnées à l'article R. 311-5 du code de justice administrative au nombre desquelles ne figure pas l'arrêté contesté. Par suite, il incombait au ministre de présenter un mémoire en défense devant la cour et non au préfet des Pyrénées-Orientales dont les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Auchan Hypermarché est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet des Pyrénées-Orientales présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auchan Hypermarché et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président-rapporteur,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL01333 2