Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2206100 du 30 janvier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, et des mémoires enregistrés les 31 mai et 4 octobre 2023 et le 29 mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire, elle est entachée d'erreurs de fait ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'une année n'est pas fondée et présente un caractère disproportionné ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 31 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juillet 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- et les observations de Me Brulé, substituant Me Ruffel, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 12 avril 2001, déclare être entré en France en 2017 et avoir été pris en charge en juillet 2017 par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Gard en qualité de mineur isolé. Par un courrier du 3 avril 2019, il a sollicité auprès des services de la préfecture du Gard son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 22 avril 2021, la préfète du Gard a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Guinée comme pays de destination. Par un jugement du 16 juillet 2021 du tribunal administratif de Nîmes, confirmé par un arrêt n° 22TL00104 du 13 juillet 2023 de la cour administrative d'appel de Toulouse, le recours en annulation présenté par M. A... à l'encontre de cet arrêté, a été rejeté. Par ailleurs, ayant été interpellé par la police le 21 novembre 2022 en situation de travail sur un chantier sans document d'identité et titre de séjour, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation, le
21 novembre 2022, de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'une année. Saisi d'une requête tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 30 janvier 2023 dont M. A... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Si M. A... se prévaut de sa présence en France depuis cinq années à la date de la décision attaquée, il ressort cependant des pièces du dossier que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, présentée en 2019 sur le fondement de l'ancien article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a fait l'objet d'une décision de rejet prise par la préfète du Gard le 22 avril 2021 qui a été assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par ailleurs, s'il a noué une relation sentimentale avec une ressortissante de nationalité française et qu'il justifie de son intégration au sein de la famille de sa compagne, sa vie commune avec cette dernière n'a cependant commencé que postérieurement à la décision attaquée. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que le couple n'a pris une location commune pour un logement situé à Nîmes que le 23 novembre 2022. La compagne de M. A... a d'ailleurs déclaré aux organismes sociaux que sa vie maritale avait débuté à cette date. De plus, l'enregistrement par le couple, le 23 mars 2023, d'une déclaration conjointe comme partenaires de pacte civil de solidarité et la naissance, le 27 janvier 2024, de leur enfant constituent des événements postérieurs à la décision attaquée. Si, enfin, M. A... a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle " carreleur mosaïste " le 6 juillet 2020 et un brevet professionnel spécialisé dans ce domaine le
4 octobre 2022, il ne justifie pas, à la date de la décision attaquée, d'une embauche régulière pour l'exercice de ce métier. Compte tenu de ces éléments, le préfet de l'Hérault, qui n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect d'une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cet arrêté, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
4. En deuxième lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) "
6. Si M. A... produit un certificat médical du 25 septembre 2023 du docteur B..., praticienne du service des maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier universitaire de Nîmes, il ne ressort cependant pas de ce certificat que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. De plus, ce certificat, peu circonstancié, ne se prononce pas sur l'accès au traitement médicamenteux prescrit à M. A... à base de Triumeq ou à un traitement équivalent dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. " Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "
8. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Hérault a fondé la décision refusant un délai de départ volontaire à M. A... sur l'existence du risque que ce dernier se soustrait à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre en se fondant sur plusieurs motifs, à savoir, l'entrée irrégulière du requérant sur le territoire français et son absence de demande de délivrance d'un titre de séjour depuis 2019, son intention explicite de ne pas se conformer à cette mesure d'éloignement, sur ses garanties de représentation insuffisantes et sur son absence d'exécution de la précédente mesure d'éloignement du 22 avril 2021. La seule circonstance qu'il se trouvait dans le cas visé au 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile suffisait à justifier légalement la décision de refus de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
9. Pour les motifs exposés aux points 3 et 6, la décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) "
11. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.
12. D'une part, pour les motifs exposés au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... entretenait, à la date de la décision attaquée, des liens personnels ou familiaux d'une ancienneté, d'une stabilité ou d'une intensité particulière en France. De plus, même s'il ne représentait pas une menace pour l'ordre public, il est constant qu'il avait fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à l'exécution de laquelle il s'est soustrait. D'autre part, M. A... ne peut être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires de nature à faire obstacle au prononcé d'un interdiction de retour. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le préfet, qui a pris en considération l'ensemble des critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvait légalement prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'une année.
13. En second lieu, pour les motifs exposés au point 3, la décision prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an à l'encontre de M. A... n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2022. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00478