La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2024 | FRANCE | N°20TL01186

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 03 décembre 2024, 20TL01186


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le département de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier de constater que les infractions commises par Mme D... C..., veuve A..., constituaient des contraventions de grande voirie prévues et réprimées par l'article L. 2132-36 du code général de la propriété des personnes publiques, par les articles R. 5333-9 et L. 5337-2 du code des transports, de condamner cette dernière au paiement de trois amendes en application de l'article 131-13 du code pénal, et

de lui enjoindre de libérer et de vider les mas conchylicoles occupés sans droit ni t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier de constater que les infractions commises par Mme D... C..., veuve A..., constituaient des contraventions de grande voirie prévues et réprimées par l'article L. 2132-36 du code général de la propriété des personnes publiques, par les articles R. 5333-9 et L. 5337-2 du code des transports, de condamner cette dernière au paiement de trois amendes en application de l'article 131-13 du code pénal, et de lui enjoindre de libérer et de vider les mas conchylicoles occupés sans droit ni titre, de les remettre dans leur état originel et de procéder à l'enlèvement de son bateau.

Par un jugement n° 1805326 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Montpellier a condamné Mme C..., veuve A..., à payer trois amendes de 1 000 euros ainsi que les frais d'établissement des procès-verbaux d'infraction et lui a enjoint de libérer les deux mas conchylicoles et leurs cours situés sur les parcelles ... et de procéder au déplacement du bateau de pêche " saint Claude " en dehors des limites administratives du port de Vendres dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mars 2022, sous le n° 20MA01186, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL01186, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 18 février et 12 mars 2021, le 26 août 2022, les 15 novembre et 18 novembre 2024, ces quatre derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, Mme C..., veuve A..., représentée en dernier lieu par Me Hanocq, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 janvier 2020 ;

2°) de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur les arguments soulevés concernant son incompétence, en particulier sur l'appartenance des biens en cause au domaine privé et sur l'existence de son droit d'occupation.

Sur le bien-fondé du jugement :

- le tribunal était incompétent pour connaître du litige dès lors que les deux mas à usage maritime en cause qui lui ont été vendus le 5 mai 2000 par une personne morale de droit privé ne font pas partie du domaine public d'une personne publique, que ce soit au regard de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques ou au regard de l'article L. 2111-6 de ce même code ; d'une part, ces mas n'appartiennent pas à une personne publique dès lors que le droit de propriété sur les bâtiments est entre ses mains, d'autre part, ils ne concourent pas au fonctionnement d'ensemble des ports maritimes ; enfin, il n'appartenait pas au tribunal de déterminer si la résiliation d'un bail emphytéotique de droit privé est opposable aux sous-locataires titulaires de droits réels ; à tout le moins, le tribunal devait poser une question préjudicielle à la juridiction judiciaire ;

- dès lors qu'elle n'est qu'un tiers par rapport à la résiliation du bail emphytéotique principal, elle est demeurée titulaire de son bail emphytéotique ; en outre, les formes de la résiliation du bail emphytéotique n'ont pas été respectées ; un bail emphytéotique sur le domaine public ne peut qu'être qu'un bail emphytéotique administratif qui demeure hors du champ d'application de la contravention de grande voirie ;

- les procès-verbaux de contravention de grande voirie n'ont pas été dressés par un fonctionnaire assermenté conformément à l'article L. 2132-23 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- les procès-verbaux de contravention de grande voirie doivent être annulés dès lors que les lieux litigieux ne sont pas susceptibles d'être qualifiés de biens appartenant au domaine public.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juin 2020, le 17 mars 2021 et le 13 novembre 2024, ces deux derniers n'ayant pas été communiqués, le département de l'Hérault, représenté par Me Rosier, conclut :

1°) au rejet de la requête,

2°) à ce qu'il soit enjoint à Mme C..., veuve A... et tout occupant de son chef de libérer les deux mas conchylicoles et leurs cours situés sur les parcelles cadastrées section BC n° 287 et BC 288, de procéder au déplacement du bateau de pêche " Saint Claude " en dehors des limites administratives du Port de Vendres et de remettre les lieux en état, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à ce que l'administration soit autorisée, en cas d'inexécution par Mme C..., veuve A..., des injonctions prononcées par le tribunal administratif de Montpellier à son encontre, de faire procéder d'office à ses frais, risques et périls, au besoin avec le concours de la force publique, à son évacuation forcée des lieux et à leur remise en état ;

4°) et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C..., veuve A..., le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits les 21 novembre 2018 et 27 décembre 2019 par Mme C..., veuve A....

Sur le bien-fondé du jugement :

- le juge administratif est seul compétent pour connaître des procès-verbaux de contravention de grande voirie ; la circonstance, à la supposer établie, que les parcelles objets des procès-verbaux litigieux, ne relèveraient pas du domaine public, si elle pourrait justifier une relaxe de l'appelante, n'est toutefois pas de nature à exclure la compétence du juge administratif à qui il appartient d'apprécier la consistance et les limites du domaine public ;

- en ce qui concerne l'appartenance des mas conchylicoles édifiés sur les parcelles cadastrées section BC n° 287 et BC 288, le propriétaire du sol devient propriétaire des constructions à l'expiration du bail emphytéotique par l'effet de la théorie dite de l'accession ; à compter de la résiliation du bail signé le 13 décembre 1993, intervenue les 12 et 13 septembre 2013, le département de l'Hérault est devenu propriétaire de l'ensemble des constructions conchylicoles, en application du bail et par l'effet de la théorie de l'accession ;

- les parcelles litigieuses appartiennent au domaine public portuaire ; d'une part, la propriété du sol des parcelles est celle du département de l'Hérault depuis le 14 septembre 2011 et la propriété des mas conchylicoles est également la sienne depuis la résolution du bail emphytéotique ; d'autre part, les parcelles litigieuses comme leurs constructions doivent être regardées comme étant affectées au service public du port conchylicole départemental " Le Chichoulet " et comme ayant été aménagées en vue de cette affectation ; lesdits biens se situent dans les limites administratives du port conchylicole départemental et en aval de la limite transversale de la mer ;

- le signataire des procès-verbaux de contravention de grande voirie, surveillant de port du département de l'Hérault, était assermenté conformément à la loi, et a prêté serment devant le tribunal de grande instance de Montpellier.

Par un arrêt du 18 octobre 2022, la cour administrative d'appel de Toulouse, après avoir retenu la compétence de la juridiction administrative et écarté le moyen d'irrégularité du jugement, a sursis à statuer sur la requête de Mme C..., veuve A..., jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Béziers se soit prononcé sur la question de savoir si les constructions conchylicoles implantées sur les parcelles cadastrées section BC n° 287 et BC 288 appartiennent au département de l'Hérault ou à Mme C..., veuve A....

Par un jugement n° RG 23/03140 du 16 septembre 2024, le tribunal judiciaire de Béziers s'est prononcé sur cette question.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par lettre du 13 novembre 2024, que la cour est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions du département de l'Hérault tendant au concours de la force publique pour l'évacuation des lieux de Mme C... dès lors que ces conclusions ont été présentées pour la première fois en appel.

Une réponse à ce moyen a été présentée le 14 novembre 2024 pour le département de l'Hérault.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Becquevort, substituant Me Rosier, représentant le département de l'Hérault.

Considérant ce qui suit :

1. À la suite de deux procès-verbaux établis les 13 novembre 2017 et 26 mars 2018 par le surveillant du port départemental " Le Chichoulet " situé à Vendres (Hérault), le président du conseil départemental de l'Hérault a déféré au tribunal administratif de Montpellier, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, Mme C..., et lui a demandé de la condamner au paiement de trois amendes en application de l'article 131-13 du code pénal ainsi que des frais d'établissement des procès-verbaux, et de lui enjoindre de libérer et de vider les mas conchylicoles occupés sans droit ni titre et de les remettre dans leur état originel et de procéder à l'enlèvement de son bateau. Mme C..., veuve A..., relève appel du jugement du 16 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à payer trois amendes de 1 000 euros ainsi que les frais d'établissement des procès-verbaux d'infraction et lui a enjoint de libérer les deux mas conchylicoles et leurs cours situés sur les parcelles cadastrées section ... et de procéder au déplacement du bateau de pêche " saint Claude " en dehors des limites administratives du port de Vendres.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, d'une part, il appartient au juge administratif de déterminer la consistance du domaine public, sous réserve des questions préjudicielles à poser au juge judiciaire lorsque, à l'appui de la contestation, sont invoqués des titres privés dont l'examen soulève une question sérieuse. En particulier, il appartient au juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie de reconnaître les limites du domaine public et de dire si les terrains sur lesquels ont été commis les faits reprochés se trouvent ou non dans ces limites.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2111-10 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public fluvial artificiel est constitué : (...) 4° À l'intérieur des limites administratives des ports maritimes, des biens immobiliers situés en amont de la limite transversale de la mer, appartenant à l'une de ces personnes publiques et concourant au fonctionnement d'ensemble de ces ports, y compris le sol et le sous-sol des plans d'eau lorsqu'ils sont individualisables ". Aux termes de l'article L. 5337-1 du code des transports : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, tout manquement aux dispositions du chapitre V du présent titre, à celles du présent chapitre et aux dispositions réglementant l'utilisation du domaine public, notamment celles relatives aux occupations sans titre, constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre. (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable à la conclusion du bail emphytéotique litigieux : " Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet, en faveur d'une personne privée, d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence. / Un tel bail peut être conclu même si le bien sur lequel il porte, en raison notamment de l'affectation du bien résultant soit du bail ou d'une convention non détachable de ce bail, soit des conditions de la gestion du bien ou du contrôle par la personne publique de cette gestion, constitue une dépendance du domaine public, sous réserve que cette dépendance demeure hors du champ d'application de la contravention de voirie ". Aux termes de l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. (...) ". Aux termes de l'article L. 451- 7 de ce code : " (...) Si le preneur fait des améliorations ou des constructions qui augmentent la valeur du fonds, il ne peut les détruire, ni réclamer à cet égard aucune indemnité ". Aux termes de l'article L. 451-10 du même code : " L'emphytéote profite du droit d'accession pendant la durée de l'emphytéose ". Il résulte de ces dispositions que si le preneur à bail emphytéotique obtient un droit réel immobilier de jouissance qu'il peut céder, sous-louer ou hypothéquer, la fin ou la résiliation du bail emphytéotique entraîne toutefois l'extinction automatique et immédiate des droits réels conférés par l'emphytéose. À l'issue du bail, l'emphytéote qui ne détient aucun droit au maintien dans les lieux, doit les libérer afin que le bailleur recouvre son bien libre de toute occupation. Par ailleurs, les constructions et améliorations réalisées par l'emphytéote dont il a détenu la propriété pendant toute la durée du bail, deviennent alors la propriété du bailleur.

5. Il résulte de l'instruction que, par un arrêté préfectoral du 24 juillet 1990, un port conchylicole départemental a été créé au lieu-dit " Le Chichoulet ", situé à Vendres. D'une part, les parcelles cadastrées section BC 2n° 87 et BC 288, sur lesquelles ont été édifiées les constructions conchylicoles litigieuses, sont situées à l'intérieur des limites administratives du port maritime " Le Chichoulet " et en amont de la limite transversale de la mer. En outre, les mas conchylicoles édifiés sur les parcelles précitées concourent directement au fonctionnement de ce port, dont l'activité conchylicole demeure prioritaire par rapport à l'activité de plaisance et d'amarrage.

6. D'autre part, la propriété du sol de ces parcelles, qui appartenaient initialement au syndicat mixte pour l'aménagement et le développement de la basse vallée de l'Aude a été transférée au département de l'Hérault par un acte des 13 et 14 septembre 2011. À cet égard, la conclusion du bail emphytéotique du 13 décembre 1993 par le syndicat mixte au profit de la commune de Vendres n'a pas eu pour effet de transférer la propriété du sol des parcelles cadastrées section ... au profit des emphytéotes successifs. Ainsi, depuis le 14 septembre 2011, la propriété du sol des parcelles litigieuses appartient au département de l'Hérault.

7. Enfin, il résulte de l'instruction et en particulier de l'acte de vente du 5 mai 2000 que la construction des mas conchylicoles implantés sur les parcelles ... a été initiée par la commune de Vendres dans le cadre du bail emphytéotique consenti en sa faveur le 13 décembre 1993 par le syndicat mixte pour l'aménagement et le développement de la basse vallée de l'Aude, puis poursuivie par la coopérative maritime et conchylicole de Vendres, expressément autorisée par la commune de Vendres en sa qualité de titulaire du bail emphytéotique. Profitant du droit d'accession pendant la durée de l'emphytéose, la commune de Vendres, en sa qualité d'emphytéote, puis les emphytéotes successifs, et en dernier lieu, Mme C... et M. A..., ont détenu la propriété de ces constructions pendant toute la durée du bail emphytéotique. La résiliation du bail emphytéotique intervenue les 12 et 13 septembre 2013, qui présente un caractère définitif, a cependant entraîné le transfert de la propriété de ces constructions conchylicoles au profit du bailleur emphytéotique, à savoir le département de l'Hérault qui a acquis du bailleur initial, le syndicat mixte, les 13 et 14 septembre 2011, les terrains d'assiette des parcelles cadastrées section ....

8. Il résulte des points 6 et 7 que les constructions conchylicoles implantées sur les parcelles cadastrées section ... doivent en principe être regardées comme appartenant au département de l'Hérault depuis la résiliation du bail emphytéotique. En outre, dès lors que, comme il a été dit au point 5, ces constructions sont situées à l'intérieur des limites administratives du port maritime " Le Chichoulet ", en amont de la limite transversale de la mer, et qu'elles concourent directement au fonctionnement de ce port, elles doivent également être présumées appartenir au domaine public fluvial du département de l'Hérault au sens de l'article L. 2111-10 du code général de la propriété des personnes publiques.

9. Même si Mme C..., veuve A..., est titulaire d'un titre de propriété en date du

5 mai 2000 portant sur les mas conchylicoles litigieux, qui lui ont été vendus, ainsi qu'à son mari, par la société Méditerranée immobilier au prix de 350 000 francs (53 357,16 euros) et qui constituent sa résidence principale, le tribunal judiciaire de Béziers a, par un jugement du

16 septembre 2024, dit pour droit que le département de l'Hérault est propriétaire des constructions conchylicoles implantées sur les parcelles cadastrées section ... situées sur le port maritime " Le Chichoulet " de la commune de Vendres.

10. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les mas conchylicoles implantés sur les parcelles ... ne constituent pas des dépendances du domaine public fluvial appartenant au département de l'Hérault, ne peut qu'être écarté. Il s'ensuit que le département de l'Hérault était fondé à poursuivre devant le tribunal administratif Mme C..., veuve A..., comme prévenue d'une contravention de grande voirie, laquelle résultait de l'occupation, sans droit ni titre, d'une dépendance du domaine public fluvial.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5337-1 du code des transports : " Sans préjudice des sanctions pénales encourues, tout manquement aux dispositions du chapitre V du présent titre, à celles du présent chapitre et aux dispositions réglementant l'utilisation du domaine public, notamment celles relatives aux occupations sans titre, constitue une contravention de grande voirie réprimée dans les conditions prévues par les dispositions du présent chapitre. " Aux termes de l'article L. 5337-2 de ce code : " Ont compétence pour constater les contraventions de grande voirie prévues par les dispositions du présent titre et les textes pris pour leur application : (...) ; 2° Les surveillants de port mentionnés à l'article L. 5331-13 ; ". Aux termes de l'article L. 5331-13 de ce code : " Dans les ports où il est investi du pouvoir de police portuaire, l'exécutif de la collectivité territoriale ou du groupement compétent peut désigner, en qualité de surveillants de port, des agents qui appartiennent à ses services. Les surveillants de port exercent les pouvoirs attribués aux officiers de port et aux officiers de port adjoints par les dispositions du présent titre et les règlements pris pour leur application. "

12. Ainsi que le magistrat désigné l'a justement mentionné, il ressort des termes mêmes des procès-verbaux des 13 novembre 2017 et 26 mars 2018 que leur signataire, M. B..., a la qualité de surveillant de port du conseil départemental de l'Hérault et a été assermenté conformément à la loi par une décision du tribunal de grande instance de Montpellier dont la référence exacte y était reproduite. Les mentions de ces procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire, ne sont pas sérieusement contredites par Mme C..., veuve A.... De plus, le département de l'Hérault a versé à l'instance la prestation de serment de M. B..., en qualité de surveillant du port départemental " Le Chichoulet ", réalisée le 27 novembre 2008 devant le tribunal de grande instance de Montpellier. Par suite, le moyen tiré de ce que les procès-verbaux de contravention de grande voirie litigieux n'auraient pas été établis par un agent assermenté ne peut qu'être écarté.

13. En troisième lieu, le bail emphytéotique portant sur les parcelles cadastrées

... conclu initialement le 13 décembre 1993 par le syndicat mixte pour l'aménagement et le développement de la basse vallée de l'Aude au profit de la commune de Vendres, qui l'a cédé à la caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon, laquelle a sous-loué les parcelles précitées au profit de Mme C... et de M. A..., a été résilié les 12 et 13 septembre 2013. La résiliation de ce bail a emporté, par voie de conséquence, la résiliation de la sous-location consentie à l'appelante. De plus, si l'acte de résiliation du bail prévoit que " le département de l'Hérault fera son affaire personnelle des divers occupants du Port souhaitant conclure avec ces derniers un acte conforme à la réglementation et aux intérêts des activités économiques exercées sur le Port ", il est constant qu'aucun nouveau bail n'a été conclu entre le département de l'Hérault et Mme C..., veuve A.... Dès lors que Mme C... veuve A... était tierce au bail emphytéotique résilié les 12 et 13 septembre 2013 et qu'au surplus cette résiliation présente un caractère définitif, le moyen tiré du non-respect allégué des formes et des procédures de cette résiliation est sans incidence sur le prononcé de la contravention de grande voirie en litige et ne peut qu'être écarté.

14. En dernier lieu, la nature juridique d'un contrat s'apprécie à la date de sa conclusion.

15. le bail emphytéotique conclu le 13 décembre 1993, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 24 février 1996, relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales, qui a notamment créé l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales régissant le bail emphytéotique administratif, ne peut être regardé comme un bail emphytéotique administratif, mais comme un bail emphytéotique de droit privé soumis aux dispositions du code rural et de la pêche maritime. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article de L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, lesquelles permettent de conclure un bail emphytéotique sur le domaine public sous réserve que la dépendance concernée " demeure hors du champ d'application de la contravention de grande voirie ", qui est inopérant, doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., veuve A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à payer trois amendes de 1 000 euros, les frais d'établissement des procès-verbaux d'infraction, et lui a enjoint de libérer les deux mas conchylicoles ainsi que leurs cours situés sur les parcelles ... et de procéder enfin au déplacement du bateau de pêche " saint Claude " en dehors des limites administratives du port de Vendres, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Sur les conclusions tendant au concours de la force publique pour l'évacuation d'office de l'occupante :

17. Dès lors qu'il n'entre pas dans l'office du juge administratif d'autoriser le département de l'Hérault, sur le fondement des dispositions du code des procédures civiles d'exécution ou de toute autre disposition, à recourir au concours de la force publique pour l'exécution de la présente décision, les conclusions présentées en ce sens par l'intimé, qui au demeurant portent sur un litige distinct de la présente procédure relative à la répression d'une contravention de grande voirie, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de l'Hérault, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par Mme C..., veuve A..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C..., veuve A... le versement au département de l'Hérault d'une somme sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de Mme C..., veuve A..., est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de l'Hérault présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du département de l'Hérault est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., veuve A..., et au département de l'Hérault.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président de chambre,

M. Bentolila, président assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL01186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL01186
Date de la décision : 03/12/2024
Type de recours : Contentieux répressif

Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : ACTAH & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-03;20tl01186 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award