Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... G... E... et Mme F... D..., épouse G... E..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Par un jugement n° 2205730 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Toulouse a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ces conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023, M. et Mme G... E..., représentés par Me Vacarie, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 février 2023 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif de Toulouse ne pouvait leur opposer le jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier dès lors que celui-ci n'avait pas été notifié et que le premier n'était pas lié par ce qu'avait jugé le second ;
- ils sont en droit de demander le rattachement de leur fille majeure à leur foyer fiscal dès lors que celle-ci était étudiante et n'avait procédé que par erreur et sur une seule année à une déclaration fiscale en son nom propre ;
- l'administration fiscale n'était pas fondée à refuser la déduction de leurs frais de déplacement dès lors que la réalité de ceux-ci est établie ;
- la majoration pour manquement délibéré est infondée dès lors qu'ils sont de bonne foi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 8 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
- et les observations de Me Vacarie, représentant M. et Mme G... E....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme G... E... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration fiscale leur a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire, son intention de mettre à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2015, 2016 et 2017. À la suite des observations des contribuables, l'intention du service de mettre à la charge de ces derniers les suppléments d'impositions précités a été maintenue dans sa réponse à ces observations. Le service ayant rejeté leur réclamation présentée le 26 décembre 2019 par une décision du 8 décembre 2020, les intéressés ont saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une requête tendant à la décharge de ces impositions, rejetée par ordonnance du président de la 1ère chambre de ce tribunal. Après annulation de celle-ci par la présente cour et renvoi de l'affaire au tribunal administratif de Toulouse, celui-ci a jugé, par un jugement du 7 février 2023 dont M. et Mme G... E... relèvent appel, qu'il n'y avait plus lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour juger qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge dont il était saisi, le tribunal administratif de Toulouse a considéré que ces conclusions avaient perdu leur objet en raison de l'intervention d'un jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 21 octobre 2022 rejetant une demande présentée ultérieurement par les intéressés et portant sur les mêmes impositions et les mêmes années. Toutefois, l'intervention en cours d'instance de ce jugement n'était pas de nature, alors même qu'il avait été rendu dans le cadre d'une instance présentant une identité de parties, de cause et d'objet, à priver d'objet la requête présentée devant le tribunal administratif de Toulouse par M. et Mme G... E..., qui n'avaient pas obtenu satisfaction devant le tribunal administratif de Montpellier. Dès lors, M. et Mme G... E... sont fondés à soutenir que le jugement est irrégulier et doit, dans cette mesure, être annulé.
3. Il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. et Mme G... E... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à la décharge des suppléments d'impositions mis à leur charge.
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " (...) 3. Toute personne majeure âgée de moins de vingt et un ans, ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études (...) peut opter, dans le délai de déclaration et sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du 2° du II de l'article 156, entre : / 1° L'imposition de ses revenus dans les conditions de droit commun ; / 2° Le rattachement au foyer fiscal dont elle faisait partie avant sa majorité, si le contribuable auquel elle se rattache accepte ce rattachement et inclut dans son revenu imposable les revenus perçus pendant l'année entière par cette personne (...) ". Aux termes de l'article 170 du même code : " 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'une personne majeure entrant dans le champ d'application du 3 de l'article 6 du code général des impôts peut opter, dans le délai de déclaration, pour l'année entière et pour l'ensemble de ses revenus, entre une imposition de ses revenus dans les conditions de droit commun et le rattachement, avec l'accord du contribuable, au foyer fiscal de ses parents ou de l'un de ses parents, selon le cas et en suivant les règles fixées par ces dispositions. À l'expiration du délai de déclaration, l'option exercée est irrévocable pour l'année au titre de laquelle elle a été souscrite.
6. Pour remettre en cause le rattachement au foyer fiscal de M. et Mme G... E... de leur fille C..., majeure et étudiante au cours des années en litige, le service fait valoir, d'une part, que cette dernière a souscrit en 2016 en son nom propre une déclaration d'impôt au titre des revenus perçus en 2015, optant ainsi pour l'imposition personnelle de ses revenus, et, d'autre part, qu'elle n'a fait aucune demande expresse de rattachement au foyer fiscal de ses parents ni au titre de cette année, ni au titre des années suivantes. M. et Mme G... E... ne contestent pas qu'aucune demande de rattachement expresse et contemporaine des années en litige n'a été formulée par leur fille, qui doit être regardée, dès lors, comme ayant nécessairement opté pour son imposition selon les conditions du droit commun. Une telle option étant irrévocable une fois passé le délai de déclaration, la circonstance que leur fille indique, dans un courrier daté du 11 mars 2019, avoir à tort procédé à une déclaration de ses revenus au titre de l'année 2015 et n'avoir pas redéposé de déclaration au titre des années suivantes, n'est pas de nature à remettre en cause le rehaussement en litige.
7. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 82 du code général des impôts : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés (...) ". Aux termes de l'article 83 de ce code : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. / La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut (...). / Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels (...). / Les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète. / Lorsque les bénéficiaires de traitements et salaires optent pour le régime des frais réels, l'évaluation des frais de déplacement, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d'intérêts annuels afférents à l'achat à crédit du véhicule utilisé, peut s'effectuer sur le fondement d'un barème forfaitaire fixé par arrêté du ministre chargé du budget en fonction de la puissance administrative du véhicule, retenue dans la limite maximale de sept chevaux, et de la distance annuelle parcourue (...) ".
8. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ". Le ministre fait valoir sans être contesté que M. et Mme G... E... ont accepté le rehaussement résultant de la remise en cause des frais de déplacement déclarés par M. G... E.... Dès lors, les appelants supportent la charge d'établir le caractère exagéré des impositions mises à leur charge.
9. Pour justifier le montant des frais de déplacement déclarés, M. et Mme G... E... produisent un ensemble d'attestations émanant de l'ancien chef du pôle de psychiatrie adulte et d'un cadre de santé à la Fondation du Bon Sauveur d'Alby où travaillait M. G... E..., psychiatre, au cours des années en litige, dont il résulte que l'activité à temps plein de l'intéressé imposait une présence sur place six jours par semaine sur l'ensemble de l'année, auxquels s'ajoutaient six gardes de week-end par an et une à deux gardes de semaine par mois. Toutefois, alors que ces attestations ne précisent pas le nombre de jours de congés ou d'arrêt de travail dont l'intéressé a pu bénéficier au cours des années 2015 à 2017, M. et Mme G... E... n'apportent aucune explication probante sur la différence entre le nombre revendiqué de 50 688 kilomètres parcourus - au demeurant inférieur à celui de 52 480 kilomètres initialement déclaré - et les kilométrages retenus par l'administration à hauteur de 39 477 en 2015, 42 144 pour 2016 et 44 139 en 2017, calculés sur la base des kilométrages réels apparaissant sur les factures d'entretien du véhicule Toyota Verso, seul désigné lors des opérations de contrôle comme ayant servi aux déplacements professionnels de M. G... E.... Si les demandeurs versent au dossier, en outre, quelques pièces relatives au véhicule Suzuki Splash appartenant à Mme G... et à un véhicule Xsara Picasso leur appartenant, pièces afférentes à l'année 2014 s'agissant de ce dernier, ils ne formulent aucun argumentaire en lien avec ces véhicules et ne justifient pas que M. G... E... aurait effectué une partie de ses déplacements professionnels à l'aide de ces véhicules au cours des années en litige. Dès lors, ils n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, de l'exagération des impositions mises à leur charge au titre de leurs frais réels.
10. En troisième lieu, si M. et Mme G... E... contestent le montant des revenus fonciers retenu par l'administration, il résulte de l'instruction que le service a déjà tenu compte de ces observations et n'a mis en recouvrement l'imposition que sur la base des montants mentionnés par leur conseiller en gestion de patrimoine.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
12. Pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré, l'administration fiscale relève que les inexactitudes ou omissions reprochées, qui ont eu pour effet de minorer le montant de l'impôt sur le revenu dont M. et Mme G... E... étaient redevables, ont porté sur plusieurs éléments de leurs déclarations de revenus, dont ils avaient nécessairement connaissance, et ont été réitérées sur trois années consécutives. Il ressort effectivement des éléments versés au dossier qu'outre le rattachement à tort de leur fille à leur foyer fiscal et l'exagération importante de leur frais réels, M. et Mme G... E... se sont abstenus de déclarer des revenus fonciers ainsi que, pour l'année 2015, des remboursements de frais déjà pris en compte dans les frais réels, l'ensemble des rehaussements en résultant conduisant à tripler l'impôt dû en 2015 et doubler celui dû en 2016 et 2017. De leur côté, M. et Mme G... se bornent à affirmer leur bonne foi sans apporter aucune explication sur l'origine des erreurs qu'ils auraient commises. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que l'administration fiscale a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge de pénalités pour manquement délibéré.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme G... E... ne sont pas fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. L'État n'étant pas partie perdante, les conclusions de M. et Mme G... E... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2205730 du 7 février 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la requête de première instance de M. et Mme G... E... sont rejetées ainsi que le surplus des conclusions de leur requête d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et F... G... E... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00809