Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée unipersonnelle Sunauto 81 a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er avril 2015 au 31 octobre 2016 et de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015.
Par un jugement n° 2025492 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier, à qui le dossier a été transféré, a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de la société tendant à la décharge de la cotisation précitée d'impôt sur les sociétés à concurrence du dégrèvement d'un montant de 4 107 euros prononcé en cours d'instance par le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2023, la société Sunauto 81, représentée par Me Serée de Roch, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er avril 2015 au 31 octobre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le vérificateur ne lui a pas indiqué, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des traitements informatiques envisagés sur sa comptabilité, en méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- l'administration ne pouvait à la fois rejeter sa comptabilité comme non probante et utiliser une partie de ses éléments pour fonder les redressements ;
- elle a commis un détournement de procédure, dès lors que l'objectif poursuivi était la prorogation de la durée légale de la vérification de comptabilité ;
- les opérations de contrôle sur place ont excédé la durée légale de trois mois ;
- les documents obtenus de tiers par le service n'ont pas été soumis à un débat oral et contradictoire ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- l'administration a rejeté une hypothétique réclamation et émis un avis de mise en recouvrement avant que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne se prononce ;
- le nouvel avis de mise en recouvrement, émis le 28 février 2020, n'a pas été précédé d'une mise en demeure en méconnaissance de l'article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales ;
- elle apporte la preuve, qui est libre, de l'exportation de véhicules automobiles vers la Suisse, permettant une exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des articles 262 du code général des impôts et 74 de l'annexe III à ce code ;
- le crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 124 300 euros dont elle dispose permet l'exercice d'une compensation en application de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales ;
- elle doit être déchargée des intérêts de retard en conséquence du caractère infondé des rectifications et compte tenu de sa bonne foi ;
- les intérêts de retard et pénalités ne sont pas motivés ;
- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;
- le montant de l'assiette retenue pour cette majoration est erroné.
Par un mémoire, enregistré le 27 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante sont inopérants ou ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Sunauto 81 fait appel du jugement du 5 décembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er avril 2015 au 31 octobre 2016. Ce complément procède de la remise en cause, à l'issue de la vérification de comptabilité de son activité de commerce de voitures et de véhicules automobiles légers, de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait appliquée sur le fondement de l'article 262 du code général des impôts, qui concerne les livraisons de biens expédiés ou transportés en dehors de la Communauté européenne.
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification (...) / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration, dans les quinze jours suivant la formalisation par écrit de son choix, les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (...) ".
3. Il résulte de l'instruction, notamment du contenu de la proposition de rectification adressée le 24 juillet 2017 à la société Sunauto 81, que le vérificateur s'est borné à consulter par simple lecture et à analyser les documents comptables qui lui avaient été remis sous forme dématérialisée, sans procéder à des traitements informatiques au sens du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Par suite, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'administration ne lui a pas délivré les informations prévues par ces dispositions en cas de traitements informatiques envisagés.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ; / (...) / II. - Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : / (...) / 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. / (...) / III. - En cas de mise en œuvre du I de l'article L. 47 A, les délais de trois ou six mois prévus, respectivement, au I et au 4° du II du présent article sont suspendus jusqu'à la remise de la copie des fichiers des écritures comptables à l'administration (...) ".
5. D'une part, le service vérificateur a constaté, lors des opérations de contrôle sur place, plusieurs anomalies dans la numérotation des factures, un défaut d'identification des paiements, l'absence de comptabilisation de véhicules immatriculés par la société Sunauto 81 et de production des justificatifs de nombreuses ventes qualifiées d'exportations. L'ensemble de ces éléments, dont la preuve est apportée par l'administration et qui ne sont pas contestés en tant que tels, caractérise l'existence de graves irrégularités privant la comptabilité de la société Sunauto 81 de valeur probante au sens du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. La circonstance que l'administration a retenu le caractère non probant de la comptabilité présentée, sans procéder à une quelconque reconstitution, mais en retenant des éléments tirés de cette comptabilité pour opérer les redressements, n'est pas de nature à révéler l'existence d'un détournement de procédure et à remettre en cause la possibilité d'étendre la vérification de comptabilité sur une durée maximale de six mois.
6. D'autre part, il est constant que les opérations de vérification de comptabilité ont effectivement débuté le 5 janvier 2017, date de la première intervention sur place du vérificateur et de la remise des fichiers des écritures comptables. La dernière visite sur place a eu lieu le 30 janvier 2017. Il ne résulte pas de l'instruction que des documents comptables auraient été examinés au cours de la réunion de synthèse organisée dans les locaux de l'administration le 6 juillet 2017, au-delà du délai de six mois requis. Dans ces conditions, à supposer même que les opérations se seraient poursuivies les 3 et 16 mars 2017, soit moins de six mois après le début de la vérification de comptabilité, le moyen tiré de ce qu'elle aurait excédé la durée prévue à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales doit être en tout état de cause écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". L'obligation issue de ces dispositions n'implique pas que le vérificateur soit tenu de faire part au contribuable, lors des interventions sur place, de ce qu'il a demandé à des tiers des renseignements concernant la société vérifiée et des éléments qu'il a pu recueillir dans le cadre de ces investigations. Par ailleurs, si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en œuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le vérificateur n'était en tout état de cause pas tenu de soumettre les documents identifiant les véhicules immatriculés et assurés par la société Sunauto 81, obtenus par l'exercice de son droit de communication auprès d'une compagnie d'assurance et de la préfecture du Tarn et qui ne constituaient pas des documents comptables, à un débat oral et contradictoire avec le contribuable ou même de lui en indiquer l'origine, lors des opérations de vérification. En conséquence et alors d'ailleurs qu'il n'est pas établi, ni même d'ailleurs allégué, que le vérificateur se serait refusé, au cours de ses visites sur place, à tout échange de vues, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en méconnaissant l'obligation de tenir avec elle un débat oral et contradictoire.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
10. La proposition de rectification que le service a adressée le 24 juillet 2017 à la société Sunauto 81 comportait les mentions exigées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, en particulier les références des textes fondant les rectifications envisagées, les bases d'imposition, les périodes et les montants rappelés, permettant à la contribuable de présenter utilement ses observations. Elle indiquait explicitement que les rappels notifiés selon la procédure de rectification contradictoire correspondaient à une remise en cause de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue en matière d'exportation, à défaut de production des justificatifs correspondants. Elle détaillait également les transactions en cause, par date de facturation, ainsi que le calcul des compléments envisagés. La seule circonstance que la société Sunauto 81, qui relève du régime réel normal d'imposition, souscrivait mensuellement ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, n'impliquait pas pour le service d'avoir à motiver mois par mois les rappels proposés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification, justifiant l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, doit être écarté.
11. En cinquième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". L'article R. 59-1 du même livre dispose que : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59 (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration n'est tenue, à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, de donner suite à une demande formulée par le contribuable dans le délai prescrit et tendant à la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que lorsque persiste entre elle-même et le contribuable, à cette étape de la procédure, un désaccord entrant dans le champ de compétence de cette commission.
12. D'autre part, lorsqu'en raison d'une irrégularité, l'administration envisage de recommencer la procédure d'imposition, celle-ci est tenue de prononcer le dégrèvement de l'imposition initiale et d'informer le contribuable de son intention persistante de l'imposer.
13. Il résulte de l'instruction que la société Sunauto 81 a sollicité, le 24 octobre 2017, dans le délai de trente jours suivant la réception de la réponse de l'administration à ses observations, la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Alors même qu'aucune suite n'avait été donnée à cette demande, hormis un accusé de réception du 17 janvier 2018, le complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2015 au 31 octobre 2016 a été mis en recouvrement une première fois le 29 juin 2018. Il a fait l'objet d'une décision de dégrèvement le 23 octobre 2018, qui précisait par ailleurs que " ce dégrèvement, qui ne remet pas en cause le bien-fondé de l'imposition, est effectué pour les besoins de la procédure, qui sera reprise ultérieurement ". À la suite de sa convocation devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, par courrier du 12 février 2019, la société Sunauto 81 a répondu, dans un courrier du 9 avril 2019, que " l'administration étant d'ores et déjà passée au recouvrement des impositions litigieuses, votre convocation pour la séance du 16 avril 2019 n'a plus lieu d'être, l'administration fiscale ayant manifestement et ouvertement violé la procédure applicable en l'espèce ". Dans ces conditions, la société appelante, qui doit être regardée comme ayant été avertie de la persistance de l'intention de l'administration de l'imposer et comme s'étant désistée de sa demande de saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, n'est pas fondée à soutenir que, faute d'avis de cette dernière, les impositions en litige auraient été établies à l'issue d'une procédure irrégulière.
14. Par ailleurs, la circonstance que, par décision du 26 janvier 2018, intervenue alors que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires avait été saisie et antérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses, l'administration a rejeté la demande de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée déclarés par la société Sunauto, au titre des mois de juin à octobre 2015 et pour un montant total de 71 531 euros, au motif qu'ils étaient annulés du fait de leur déduction des impositions supplémentaires que le service proposait de mettre à sa charge, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.
15. En sixième et dernier lieu, la société Sunauto 81 ne peut utilement se prévaloir de ce que l'avis de mise en recouvrement émis le 28 février 2020, après le prononcé, le 23 octobre 2018, du dégrèvement de rappels établis sur les mêmes bases, n'a pas été précédé de la notification de la mise en demeure prévue à l'article L. 257-0 A du livre des procédures fiscales, laquelle constitue une mesure préalable aux poursuites et non à l'émission d'un nouvel avis de mise en recouvrement.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
16. En premier lieu, la circonstance que la comptabilité de la société Sunauto 81 a été regardée comme non probante, qui ne nécessitait d'ailleurs pas de procéder à une quelconque reconstitution, ne faisait pas obstacle à ce que des éléments tirés de cette comptabilité fussent retenus pour opérer des redressements.
17. En second lieu, aux termes de l'article 262 du code général des impôts : " I. - Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; / 2° les livraisons de biens expédiés ou transportés par l'acheteur qui n'est pas établi en France, ou pour son compte, hors de la Communauté européenne, à l'exclusion des biens d'équipement et d'avitaillement des bateaux de plaisance, des avions de tourisme ou de tous autres moyens de transport à usage privé, ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation (...) ". L'article 73 A de l'annexe III au même code dispose que : " Pour bénéficier de l'exonération prévue au I de l'article 262 du code général des impôts en ce qui concerne les transports de marchandises vers un port ou un aéroport en vue de leur transbordement à destination d'un État qui n'appartient pas à la Communauté européenne ou des collectivités et départements d'outre mer, le transporteur doit présenter une attestation délivrée par le propriétaire de la marchandise, par l'expéditeur ou par le commissionnaire de transports, visée par le service des impôts dont ils dépendent et certifiant la destination des produits (...) ". Aux termes enfin de l'article 74 de la même annexe : " 1. Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportés sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : / a. que l'assujetti exportateur, lorsqu'il ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires, inscrive les envois sur le registre prévu au 3° du I de l'article 286 du code général des impôts ; / (...) / c. que l'assujetti exportateur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration et détienne à l'appui de sa comptabilité ou du registre prévu au a l'exemplaire numéro 3 de la déclaration d'exportation visé par l'autorité douanière compétente, conformément au code des douanes communautaires et ses dispositions d'application. (...) / d. que, dans les cas où l'assujetti exportateur ne produit pas les justificatifs prévus au c et, à l'exclusion des opérations mentionnées aux quatrième à huitième alinéas du I de l'article 262 du code général des impôts, il mette à l'appui de sa comptabilité ou du registre mentionné au a l'un des éléments de preuve alternatifs ci-après, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts ou un département d'outre-mer : / 1° La déclaration en douane authentifiée par l'administration des douanes du pays de destination finale des biens ou une attestation de cette administration accompagnée, le cas échéant, d'une traduction officielle ; / 2° Tout document de transport des biens vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts ou un département d'outre-mer ou tout document afférent au chargement du moyen de transport qui quitte la Communauté européenne pour se rendre dans le pays ou le territoire de destination finale hors de la Communauté ; / (...) / 5° Pour tous les produits autres que ceux soumis à accises et lorsqu'il s'agit d'une livraison effectuée dans les conditions prévues au premier alinéa du 2° du I de l'article 262 du code général des impôts, une déclaration du transporteur ou du transitaire qui a pris en charge les biens, accompagnée de la preuve du paiement des biens par le client établi dans un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne, un territoire mentionné au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts ou un département d'outre-mer (...) ".
18. Il résulte de la combinaison des textes cités au point 17 qu'un contribuable ne peut se prévaloir de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 262 du code général des impôts à raison des exportations qu'il soutient avoir réalisées au profit de clients établis en dehors de la Communauté européenne qu'à la condition d'établir la réalité des opérations d'exportation par la production des pièces justificatives mentionnées ci-dessus, notamment de la déclaration d'exportation des biens dûment visée par le service des douanes, ou des éléments alternatifs de preuve cités au d du 1 de l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts.
19. En se bornant à produire la copie de documents de transport établis par une entité belge, mentionnant les numéros de châssis des véhicules transportés et les noms des bateaux utilisés au départ du port d'Anvers, mais dépourvus de référence à la société Sunauto 81 et du cachet d'un bureau de douane, et à se prévaloir de ce que certaines ventes étaient identifiées en comptabilité, la société appelante n'apporte pas la preuve de la réalité des exportations alléguées auprès d'un résident suisse dirigeant d'une entreprise éthiopienne. Il s'ensuit que l'administration a pu, à bon droit, estimer que les livraisons de biens correspondantes ne relevaient pas du champ de l'exonération prévue à l'article 262 du code général des impôts et les soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée.
En ce qui concerne les pénalités :
20. En premier lieu, aux termes du I de l'article 1727 du code général des impôts : " Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard (...) ".
21. D'une part, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ". Les intérêts de retard prévus par le premier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable et n'ont, dès lors, pas le caractère d'une sanction mais d'une réparation du préjudice subi par le Trésor, à raison du non-respect par le contribuable de ses obligations déclaratives même pour la part qui excèderait l'application du taux de l'intérêt légal. Par suite, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de l'absence de motivation des intérêts de retard qui ont été mis à sa charge, lesquels n'entrent pas dans le champ d'application du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
22. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la société Sunauto 81 doit être déchargée des intérêts de retard en conséquence du caractère infondé des impositions contestées doit être écarté.
23. Enfin, les intérêts de retard qui ont été mis à la charge de la société Sunauto 81 indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur son comportement ne sauraient être utilement contestés par la circonstance qu'elle aurait agi de bonne foi.
24. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
25. D'une part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 24 juillet 2017 par l'administration fiscale à la société Sunauto 81 mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts.
26. D'autre part, en relevant que la société Sunauto 81 n'est pas en mesure de justifier de la réalité des exportations remises en cause, alors que ses premières ventes à l'export avaient fait l'objet de déclarations auprès du service des douanes françaises, et que la taxe sur la valeur ajoutée éludée au titre des périodes du 20 avril au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 octobre 2016 représente respectivement 100 % et 97 % de la taxe nette due, l'administration établit le manquement délibéré du contribuable. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée doit être écarté.
27. Enfin, il résulte des dispositions citées au point 24 que la majoration de 40 % qu'elles prévoient s'applique au montant des droits éludés par le contribuable et qui ont été mis à sa charge. Il résulte de l'instruction, notamment des termes de la proposition de rectification du 24 juillet 2017 et des tableaux matérialisant les conséquences financières qui y sont joints, que la majoration pour manquement délibéré a été appliquée au montant des droits de taxe sur la valeur ajoutée éludés par la société Sunauto 81 et des rappels mis à sa charge. La partie des droits éludés, identifiée dans ces tableaux comme des " droits non pénalisables ", correspond à un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée effectué sur demande de la société, lequel ne peut se voir appliquer l'intérêt de retard prévu par les dispositions précitées de l'article 1727 du code général des impôts. En revanche, ces droits entrent dans l'assiette de la majoration pour manquement délibéré. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le montant de l'assiette retenue à ce titre par l'administration fiscale serait erroné.
En ce qui concerne la demande de compensation :
28. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". L'article L. 205 du même livre dispose que : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ". En matière de taxe sur la valeur ajoutée, la compensation ne peut s'effectuer entre des impositions qui ne sont pas dues par le contribuable et des impositions qui avaient été initialement omises par l'administration que lorsque chacune de ces impositions est relative à la période couverte par un même avis de mise en recouvrement.
29. D'une part, la société Sunauto 81 n'est pas fondée à solliciter, sur le fondement de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, la compensation entre le complément de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2015 au 31 octobre 2016 et les crédits de taxe constatés au titre des mois de novembre et décembre 2016, février, avril, mai, juin et août 2017 et juin 2018, dès lors que ce complément et ces excédents ne sont pas relatifs à une période couverte par un même avis de mise en recouvrement.
30. D'autre part, il résulte de l'instruction que les demandes de remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée présentées par la société Sunauto 81 au titre des mois de juin 2015, de septembre 2015 et de janvier 2016 ont été partiellement rejetées et que l'administration a procédé au remboursement effectif du surplus. Elle a également remboursé les crédits de taxe sur la valeur ajoutée déclarés au titre des mois d'août, octobre et novembre 2015 et de février, mars et mai 2016. Enfin, les crédits de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux mois de juin à octobre 2015, qui s'élèvent à 71 531 euros, ont été spontanément déduits par le service vérificateur des impositions supplémentaires mises à la charge de la société appelante.
31. Dans l'ensemble de ces conditions, la société Sunauto 81 n'est pas fondée à demander le bénéfice de la compensation prévue par l'article L. 205 du livre des procédures fiscales.
32. Il résulte de ce qui précède que la société Sunauto 81 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Sunauto 81 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Sunauto 81 et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL00315 2