Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel la présidente du conseil départemental du Gard lui a infligé un blâme, d'enjoindre au département du Gard de reconstituer sa carrière et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2103903 du 24 novembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 janvier 2023, M. C... B..., représenté par Me Lemoine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes du 24 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel la présidente du conseil départemental du Gard lui a infligé un blâme ;
3°) d'enjoindre au département du Gard de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
4°) de mettre à la charge du département du Gard la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux ;
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé en ce qu'il ne mentionne pas précisément les faits lui étant reprochés ;
- il a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors que le courrier du 4 septembre 2021 portant convocation à un entretien disciplinaire ne lui a été notifié que le 8 septembre 2021, alors que cet entretien était prévu le 17 septembre 2021 ; il n'a ainsi disposé que de six jours ouvrés pour pouvoir consulter son dossier individuel ; ce courrier ne mentionnait pas précisément les faits lui étant reprochés ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2023, le département du Gard, représenté par le cabinet Goutal, Alibert et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel la sanction disciplinaire de blâme lui a été infligée n'étant pas susceptible d'entraîner la reconstitution de sa carrière, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au département de procéder à une telle reconstitution de carrière sont constitutives d'une demande d'injonction à titre principal et sont par suite irrecevables ;
- l'arrêté litigieux est suffisamment motivé ;
- M. B... a disposé d'un délai de neuf jours, dont sept jours ouvrés pour consulter son dossier individuel avant l'entretien disciplinaire en date du 17 septembre 2021 ; ce délai est suffisant au sens de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ; M. B... avait en tout état de cause déjà consulté son dossier le 6 août 2021, avant-même que ce courrier de convocation ne lui soit adressé ; ce courrier, qui indique les faits lui étant reprochés, répond aux exigences fixées par l'article 4 du même décret ; l'intéressé pouvait en outre présenter de nouvelles observations entre cet entretien et l'édiction de l'arrêté litigieux, soit entre le 17 et le 30 septembre 2021 ;
- les faits reprochés à M. B... figurent dans le rapport rédigé par son supérieur hiérarchique, qui mentionne l'intégralité des comportements inappropriés de l'intéressé entre le 21 mai 2019 et le 21 avril 2021 ; ce rapport fait notamment état du comportement agressif et insultant de M. B... envers un de ses collègues le 15 janvier 2021 ; il mentionne également de façon détaillée la versatilité de l'intéressé, sa constante suspicion, ses critiques et questionnements permanents sur le fonctionnement du service, son refus de collaboration avec d'autres agents et les critiques répétées envers certains de ses coéquipiers ; M. B... n'apporte aucun élément probant permettant de remettre en cause la matérialité de ces faits, qui sont de nature à justifier la sanction de blâme lui ayant été infligée.
Par une ordonnance du 17 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lemoine, représentant M. B... et de Me Neige-Garrigues, représentant le département du Gard.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., adjoint technique principal de 1ère classe du département du Gard, a été affecté à compter du 1er février 2019 au service " moyens et environnement de travail " comme manutentionnaire. Par un arrêté du 30 septembre 2021, la présidente du conseil départemental du Gard lui a infligé un blâme. M. B... relève appel du jugement du 24 novembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des termes du jugement attaqué que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a suffisamment répondu, au point 3 du jugement, au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 2° Infligent une sanction ; / (...) ". Selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté litigieux vise les textes dont la présidente du conseil départemental du Gard a entendu faire application. De plus, il mentionne les faits reprochés à M. B..., consignés dans un rapport circonstancié du 25 mai 2021, à savoir son comportement agressif envers un collègue de travail qu'il a insulté, de l'anxiété systématique et une certaine versatilité, un refus de collaboration avec certains de ses collègues, une acceptation des conseils et des directives de la part du seul chef d'équipe, un isolement quelques fois sans motif particulier, une victimisation chronique, sa jalousie excessive vis-à-vis de ses collègues, ses questionnements permanents sur " les hommes, le service, l'organisation, les droits, les avantages, les promotions, les frais de déplacement ", sa suspicion systématique quant à l'ensemble des tâches entreprises et la critique négative portée sur les activités du pôle manutention dont il fait partie. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, cette décision n'avait pas à mentionner de manière précise chacun des faits se rapportant aux éléments précités. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret susvisé du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. (...). ".
6. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ;/ (...) ".
7. Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S'agissant des sanctions du premier groupe, dont fait partie, pour les fonctionnaires territoriaux, le blâme en vertu des dispositions précitées de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée, et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition légale ou principe général qu'avant l'édiction d'une sanction du premier groupe, un agent doit être mis à même de présenter des observations orales.
8. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 4 septembre 2021, la présidente du conseil départemental du Gard a informé M. B... qu'elle envisageait de lui infliger une sanction disciplinaire du premier groupe et dans cette perspective, l'a informé de ses droits à la communication de son dossier individuel dans son intégralité, à la communication du rapport écrit des faits lui étant reprochés, à l'assistance d'un ou plusieurs conseils de son choix et de la possibilité lui étant offerte de présenter des observations et l'a convoqué à un entretien prévu le 17 septembre 2021 à 11 heures. Ce courrier informait également l'intéressé que sauf empêchement majeur, passée la date du 1er octobre 2021, il serait réputé avoir renoncé à l'exercice de ses droits et que la procédure disciplinaire pourrait suivre son cours. Si M. B... soutient que l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'il n'a disposé que de six jours ouvrés pour prendre connaissance de son dossier disciplinaire avant l'entretien disciplinaire du 17 septembre 2021, il ressort des pièces du dossier que le courrier du 4 septembre 2021 lui a été notifié le 8 septembre 2021. Ainsi, M. B... a disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance de son dossier et organiser sa défense, conformément aux dispositions précitées. De plus, la mention contenue dans ce courrier selon laquelle une sanction disciplinaire du premier groupe était envisagée en raison de ses " agissements inappropriés et répétés envers ses collègues de travail " était suffisamment précise. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux aurait été édicté en méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.
9. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du signalement au registre " santé sécurité au travail " effectué par M. D... responsable du pôle intervention le 22 avril 2021, que le 21 avril 2021 à 11 heures, M. B... a vivement interpellé cet agent, qui était alors son supérieur hiérarchique, au sujet des difficultés qu'il rencontrait avec d'autres agents du service en lui indiquant qu'il allait voir son médecin et que cela " allait [lui] coûter cher " et l'a, à la fin de cette conversation, menacé en lui indiquant qu'il avait chez lui un " coupe coupe " et " qu'il ne faudrait pas s'étonner si un matin il venait avec ". De plus, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport circonstancié établi le 23 avril 2021 que le 25 septembre 2020, à la suite de remarques adressées à l'ensemble des agents du service que M. B... avait prises personnellement, l'intéressé a invectivé M. A..., chef du service " moyens et environnement de travail ", devant six autres agents. Il ressort également de ce rapport détaillé que quelques mois après son affectation dans ce service, M. B... a commencé à adopter un comportement inapproprié, sollicitant régulièrement des entretiens en urgence avec ses supérieurs, au cours desquels il critiquait et dévalorisait d'autres agents du service, a remis en cause avec insistance auprès de ses supérieurs l'organisation de la tournée de collecte du papier à recycler en critiquant à plusieurs reprises ses deux collègues en étant chargés ou encore qu'il adoptait de façon générale un comportement nuisant au bon fonctionnement du service et à la cohésion d'équipe. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le 15 janvier 2020, M. B... a insulté un autre agent, puis qu'une altercation a eu lieu entre M. B... et un troisième agent ayant pris la défense de son collègue qui venait de se faire insulter par l'intéressé. Ces faits, dont la matérialité n'est pas sérieusement contestée par l'appelant, constituent des fautes de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.
11. Si la décision litigieuse mentionne également que sont reprochés à M. B... son anxiété, sa versatilité, son isolement dans le service ou encore sa " victimisation chronique ", ces faits ne sauraient être regardés comme fautifs. Toutefois, il résulte de l'instruction que la présidente du conseil départemental aurait pris la même décision si elle n'avait retenu que les faits mentionnés au point précédent pour infliger un blâme à M. B..., cette sanction du premier groupe ne présentant pas de caractère disproportionné. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur d'appréciation doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Les conclusions à fin d'annulation présentées par l'appelant étant rejetées, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également l'être, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le département du Gard.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département du Gard présentées en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Gard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au département du Gard.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL00256