Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Towerlink France et la société anonyme Bouygues Telecom ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le maire de Muret a refusé d'accorder un permis de construire à la première de ces sociétés pour la construction d'un bâtiment destiné à accueillir un " site de collecte télécom " sur un terrain situé n° 18 chemin des Boutbouilhes.
Par un jugement n° 2101465 rendu le 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 22 janvier 2021 et a mis à la charge de la commune de Muret une somme totale de 1 500 euros à verser aux deux sociétés requérantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2023, la commune de Muret, représentée par la SCP Bouyssou et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 novembre 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par les sociétés Towerlink France et Bouygues Telecom devant le tribunal administratif de Toulouse ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Towerlink France et Bouygues Telecom une somme de 2 000 euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a estimé que l'arrêté en litige n'était pas suffisamment motivé alors que ledit arrêté mentionnait les éléments de droit et de fait justifiant le refus du permis et qu'il se référait à la déclaration présentée au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le projet ne méconnaissait pas le caractère général de la zone UD du plan local d'urbanisme de la commune alors que ledit projet, par son aspect extérieur et par les nuisances qu'il engendrerait, serait incompatible avec la vocation principale d'habitat résidentiel aéré assignée à cette zone ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que le projet ne méconnaissait pas l'article UD 1 du règlement du plan local d'urbanisme alors que le bâtiment en litige est destiné à une activité économique présentant des nuisances pour les riverains ;
- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que le projet ne méconnaissait pas l'article UD 2-3 du même règlement alors que l'installation prévue n'est ni compatible avec le milieu environnant ni nécessaire à la vie du quartier et de la cité ;
- à supposer que la cour confirme la censure des motifs précédents, le refus de permis aurait pu être fondé sur la méconnaissance de l'article UD 1-1 du même règlement dès lors que le bâtiment constitue un entrepôt qui ne peut être autorisé dans cette zone ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés, notamment le moyen tenant à la méconnaissance de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme en raison de l'insuffisance du rapport de présentation du plan local d'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2023, les sociétés Towerlink France et Bouygues Telecom, représentées par Me Hamri, concluent au non-lieu à statuer sur la requête présentée par la commune de Muret.
Elles font valoir que le projet en litige a été abandonné et que la commune en a été informée par un courrier du 3 avril 2023.
Par une ordonnance en date du 4 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- et les observations de Me Sire, représentant la commune appelante.
Une note en délibéré, présentée par la commune de Muret, représentée par la SCP Bouyssou et Associés, a été enregistrée le 14 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. La société Towerlink France a présenté, le 20 novembre 2020, dans le cadre d'un partenariat avec la société Bouygues Telecom, une demande de permis de construire pour la réalisation d'un bâtiment destiné à accueillir un " site de collecte télécom ", sur un terrain situé n° 18 chemin des Boutbouilhes sur le territoire de la commune de Muret (Haute-Garonne). Par arrêté du 22 janvier 2021, le maire de cette commune a refusé de lui accorder ce permis. Par la présente requête, la commune de Muret relève appel du jugement du 25 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande des sociétés Towerlink France et Bouygues Telecom, prononcé l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2021 et mis à la charge de ladite commune une somme totale de 1 500 euros à verser aux deux sociétés requérantes sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur l'exception de non-lieu à statuer :
2. Les sociétés intimées concluent au non-lieu à statuer en faisant valoir qu'elles ont renoncé au projet de construction en litige et qu'elles en ont informé le maire de Muret par une lettre adressée le 3 avril 2023. Toutefois, eu égard aux effets qui s'attachent à l'annulation d'un acte administratif, la seule circonstance que la personne qui a poursuivi et obtenu cette annulation déclare ultérieurement renoncer à se prévaloir du jugement intervenu en ce sens est sans influence sur une telle annulation, laquelle ne peut être regardée comme ayant disparu de l'ordonnancement juridique du seul fait de cette renonciation. L'arrêté de refus de permis en litige ayant été et restant annulé, la requête de la commune de Muret tendant à l'annulation du jugement prononçant l'annulation de cet acte conserve donc son objet. Par voie de conséquence, l'exception de non-lieu à statuer invoquée par les sociétés intimées doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a annulé un acte intervenu en matière d'urbanisme, de se prononcer sur le bien-fondé des motifs d'annulation retenus par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie l'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.
4. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet porté par la société Towerlink France est situé en zone UD du plan local d'urbanisme de la commune de Muret. Selon le préambule du règlement de ce plan applicable à cette zone : " La zone UD a pour vocation principale l'accueil d'habitat de type résidentiel aéré, partiellement desservi par le réseau d'assainissement collectif. / (...) / Les dispositions règlementaires établies pour cette zone ont comme objectifs essentiels : / - de préserver le caractère résidentiel de la zone, / - de protéger le caractère paysager dans les zones d'habitat résidentiel mitoyennes des zones naturelles, / - de limiter le développement pour des raisons qualitatives d'environnement. ".
5. L'article UD 1 du même règlement dispose, en son point 1, que sont notamment interdites au sein de la zone UD : " Les nouvelles constructions destinées à accueillir des activités industrielles, agricoles ou des entrepôts, ainsi que les constructions qui accueillent des activités économiques nuisantes pour les habitations riveraines. (...) ". L'article UD 2 de ce même règlement mentionne par ailleurs, en son point 3, que : " (...) Les installations classées pour la protection de l'environnement ne sont autorisées qu'à la condition qu'elles soient compatibles avec le milieu environnant et nécessaires à la vie du quartier et de la cité. (...) ".
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / (...) ". Aux termes de l'article A. 424-3 du même code : " L'arrêté indique, selon les cas : / (...) / b) Si le permis est refusé ou si la déclaration préalable fait l'objet d'une opposition ; / (...). ". Selon l'article A. 424-4 de ce code : " Dans les cas prévus aux b) à f) de l'article A. 424-3, l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision (...) ".
7. L'arrêté de refus de permis de construire en litige vise les textes applicables ainsi que la déclaration déposée par la société Towerlink France le 13 novembre 2020 au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Le maire y indique, d'une part, que " l'article UD 2-3 [du règlement du plan local d'urbanisme] précise que les installations classées pour la protection de l'environnement ne sont autorisées qu'à la condition qu'elles soient compatibles avec le milieu environnant et nécessaires à la vie du quartier " et, d'autre part, que " la zone a pour vocation principale l'accueil d'habitat de type résidentiel " en ajoutant que " les dispositions règlementaires établies pour cette zone ont comme objectif essentiel de préserver le caractère résidentiel de la zone ". Le maire y estime enfin que " le projet, qui prévoit la construction d'un site de collecte télécom, installation classée pour l'environnement, ne respecte pas le caractère de la zone, ni les articles UD 1 et UD 2 du plan local d'urbanisme ". Faute de caractériser les nuisances susceptibles de résulter du projet en litige pour le milieu résidentiel environnant, alors que le règlement du plan local d'urbanisme n'interdit pas de manière générale et absolue l'implantation des installations classées pour la protection de l'environnement en zone UD, l'arrêté contesté n'a pas mis la société Towerlink en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles le maire a rejeté sa demande de permis. La seule circonstance que l'arrêté visait la déclaration déposée au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement n'était notamment pas suffisante pour permettre à la société pétitionnaire de connaître la nature des nuisances prises en compte par le maire. Par suite et ainsi que l'a estimé à bon droit le tribunal administratif de Toulouse, l'arrêté de refus de permis en litige se trouve entaché d'une insuffisance de motivation.
8. En deuxième lieu, si le préambule du règlement du plan local d'urbanisme régissant la zone UD mentionne que ladite zone a une vocation principale d'accueil d'habitat de type résidentiel que les auteurs du plan ont entendu préserver, la vocation ainsi décrite ne présente néanmoins pas un caractère exclusif et l'article UD 2 du même règlement y autorise d'ailleurs, sous réserve de certaines conditions, la réalisation de bâtiments ayant une destination autre que l'habitat. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que la construction projetée par la société pétitionnaire, prévue pour être implantée sur une parcelle longeant une voie ferrée, ne présente pas des dimensions excessives et serait partiellement masquée par la végétation existante. Elle s'insèrerait correctement dans le secteur résidentiel environnant grâce à sa toiture en tuiles et ses murs recouverts d'un enduit de teinte " chaux naturelle ". Le projet de construction en cause n'est par ailleurs soumis qu'à un régime de déclaration au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement et ce uniquement en raison de la présence d'un groupe électrogène et d'accumulateurs. Les seuls impacts négatifs susceptibles de résulter de cette installation classée seraient, selon la déclaration déposée le 13 novembre 2020, les rejets d'eaux liés aux condensats de climatisation et les rejets de fumées d'échappement du groupe électrogène, lequel respecterait les émissions règlementaires et serait pourvu d'un filtre à particules. La commune requérante n'avance aucun élément circonstancié de nature à établir que l'installation envisagée pourrait engendrer d'autres nuisances que celles ainsi décrites. Dès lors, le projet en litige ne peut être regardé ni comme portant atteinte à la vocation principalement résidentielle de la zone UD, ni comme visant à accueillir une activité économique " nuisante " pour les habitations riveraines. Dans ces conditions et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'opération projetée par la société Towerlink ne méconnaît ni le caractère général de la zone UD, ni les dispositions précitées de l'article UD 1 du règlement du plan local d'urbanisme.
9. En troisième lieu, s'il résulte de ce qui précède que l'installation litigieuse ne serait pas incompatible avec le milieu environnant pour l'application du point 3 de l'article UD 2 du règlement du plan local d'urbanisme, il ressort des pièces produites par la commune de Muret au soutien de ses écritures en première instance et en appel, notamment de la cartographie établie par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, que le quartier dans lequel se situe le terrain d'assiette du projet et, plus globalement, le territoire de la commune, bénéficient déjà actuellement d'un très bon niveau de couverture par les réseaux de télécommunications. En conséquence et en l'absence de tout élément concret en sens contraire de la part des sociétés intimées, le projet dont s'agit ne peut être regardé comme nécessaire à la vie du quartier ou de la cité au sens de ce même point 3 de l'article UD 2 du règlement du plan local d'urbanisme et c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que le motif ainsi invoqué par la commune n'était pas de nature à justifier le refus du permis. S'il résulte de ce qui vient d'être dit que le refus en litige pouvait être légalement fondé sur ce que l'installation projetée par la société Towerlink ne remplissait pas la seconde condition prévue par le point 3 de l'article UD 2 précité, il se déduit en revanche de ce qui a été indiqué au point 7 du présent arrêt que le moyen tenant à l'insuffisance de motivation de l'arrêté était de nature à justifier, à lui seul, l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Toulouse.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de substitution de motif invoquée par la commune de Muret, laquelle ne peut avoir pour effet de remédier au vice de forme susmentionné entachant l'arrêté en litige, que la commune n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé l'annulation de cet arrêté et a mis à sa charge le versement d'une somme totale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge des sociétés intimées, lesquelles n'ont pas la qualité de parties perdantes au titre de la présente instance, une somme quelconque à verser à la commune de Muret au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Muret est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Muret, à la société par actions simplifiée Towerlink France et à la société anonyme Bouygues Telecom.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00253