Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 mai 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de six mois.
Par un jugement n° 2302726 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 27 mai 2024 sous le n° 24TL01311, M. B..., représenté par Me Rosé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 10 mai 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de six mois ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle, le préfet n'ayant fait état d'aucun élément relatif à son insertion socio-familiale en France et à sa situation personnelle ;
- elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'activité professionnelle qu'il exerce en France lui permet de bénéficier d'un droit au séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 27 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits quant à la caractérisation d'une menace d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ;
- elle est disproportionnée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle méconnaît l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence d'urgence à procéder à son éloignement ;
- elle est entachée d'un détournement de procédure destiné à le priver de son droit à un recours effectif.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen exhaustif de sa situation personnelle ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle porte atteinte à sa liberté de circulation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 26 avril 2024.
Par une ordonnance du 24 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2024, à 12 heures.
II. Par une requête, enregistrée le 27 mai 2024, sous le n° 24TL01312, M. B..., représenté par Me Rosé, demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement du 21 septembre 2023 rendu par le tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de l'arrêt statuant au fond dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables tirées de l'atteinte disproportionnée portée à sa vie privée et familiale en cas de mise à exécution de son éloignement ;
- la requête en appel par laquelle il a saisi la cour comporte des moyens sérieux de nature à justifier, en l'état de l'instruction, l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté préfectoral du 10 mai 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 26 avril 2024.
Par une ordonnance du 24 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant espagnol né le 25 octobre 1983, déclare être entré en France en 2011. Le 9 mai 2023, il a été placé en garde à vue pour des faits de violence avec arme, de conduite d'un véhicule à moteur sans permis et menaces de mort réitérées. Par un arrêté du 10 mai 2023, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de six mois. Sous le n° 24TL01311, M. B... relève appel du jugement du 21 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral. Sous le n° 24TL01312, il demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes n° 24TL01311 et n° 24TL01312 sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 24TL01311 :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, il ne ressort pas de la décision en litige, en particulier de sa motivation exhaustive, que l'autorité préfectorale, qui a mentionné les éléments relatifs à la situation familiale et personnelle de M. B... sans être tenue de détailler l'ensemble des informations portées à sa connaissance, se serait abstenue de procéder à un examen particulier de sa situation.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
5. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette la personne concernée à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
6. Enfin, toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant une mesure d'éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été édictée après les déclarations de M. B... recueillies par les services de la compagnie de gendarmerie départementale de Pézenas le 9 mai 2023. Au cours de son audition, l'intéressé a été mis en mesure de présenter des observations au sujet de sa situation administrative, personnelle et médicale. En particulier, il ressort du procès-verbal d'audition établi le même jour que l'appelant a été spécifiquement interrogé sur la perspective d'une mesure d'éloignement, tandis qu'il n'établit ni même n'allègue ne pas avoir été en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et du droit d'être entendu doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 (...), les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'État. (...). Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. (...) ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers et des demandes de visa ou d'autorisation de voyage prévus aux articles L. 312-1, L. 312-2 et L. 312-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux ". Dès lors que la consultation du fichier relatif aux traitements des antécédents judiciaires n'a pas été réalisée dans le cadre d'une procédure de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, M. B... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français en litige, de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. Pour les mêmes motifs, il ne peut utilement se prévaloir de la circonstance selon laquelle le vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale l'a privé d'une garantie.
9. En quatrième lieu, la décision en litige vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. B..., en particulier l'article L. 251-1 de ce code, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, et mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressé. Elle précise les motifs pour lesquels son comportement personnel peut être regardé comme constitutif, du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française. La mesure d'éloignement en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, dès lors, suffisamment motivée.
10. En cinquième lieu, aux termes des dispositions du 1° de l'article L. 233-1 du même code : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier des avis d'impôt sur le revenu produits à l'appui de la requête, que M. B..., qui indique s'être installé en France en 2011, n'a déclaré aucun revenu professionnel entre 2011 et 2017. Au titre des années 2017 à 2021, il ne produit pas de justificatif probant permettant de caractériser l'exercice d'une activité professionnelle. En outre, si l'intéressé se prévaut de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée depuis le 10 octobre 2022, il produit seulement quelques bulletins de salaire dont la valeur probante demeure limitée. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., lequel n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre des dispositions précitées de l'article L. 233-1, aurait acquis un droit au séjour permanent sur le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
11. En sixième lieu, la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres détermine les conditions dans lesquelles ceux-ci peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union européenne ou d'un membre de sa famille. L'article 27 de cette directive prévoit que, de manière générale, cette liberté peut être restreinte pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, sans que ces raisons puissent être invoquées à des fins économiques. Ce même article prévoit que les mesures prises à ce titre doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées sur le comportement personnel de l'individu concerné, lequel doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. L'article 28 de la directive impose la prise en compte de la situation individuelle de la personne en cause avant toute mesure d'éloignement, notamment de la durée de son séjour, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine.
12. L'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui transpose ces dispositions en droit interne dispose que : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes :1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) ".
13. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du 29 avril 2004, notamment de ses articles 27 et 28 mentionnés au point 11. Il appartient à l'autorité administrative d'un État membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre État membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... est défavorablement connu des services de police et de gendarmerie pour des faits de faux et d'usage de faux, de recel de bien provenant d'un vol et d'entrée et de séjour irrégulier en France commis en 2005. Au cours des années 2015 et 2018, l'intéressé s'est défavorablement fait connaître des services de police pour des actes de violence commis en réunion suivis d'une incapacité n'excédant pas huit jours et pour des faits d'outrage à personne chargée d'une mission de service public dans un établissement scolaire à l'occasion de l'entrée ou de la sortie des élèves. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que M. B... a été interpellé en 2020 pour conduite d'un véhicule à moteur sous l'emprise et de stupéfiants. Au cours de la même année, l'intéressé s'est encore signalé pour des faits de violences suivies d'une incapacité n'excédant pas huit jours sur mineur de quinze ans par ascendant. En outre, de manière plus récente, au cours de l'année 2021, l'intéressé a fait l'objet d'une procédure judiciaire pour des faits de dégradation volontaire du bien d'autrui et, à deux reprises en 2021 et en 2022, il a été interpellé pour des faits de menaces de mort réitérées. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B... a persisté dans son comportement délictueux ainsi qu'en témoigne son placement en garde à vue, le 9 mai 2023, pour des faits de violence avec usage d'une arme suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours, de conduite d'un véhicule à moteur malgré une suspension du permis de conduire et, enfin, de menaces de mort réitérées, ce qui lui a valu d'être condamné le 10 mai 2023 en comparution immédiate à un an d'emprisonnement ferme pour les faits commis en mai 2023.
15. Eu égard au caractère répété des atteintes aux personnes et aux biens commises par M. B..., en particulier à l'endroit de ses propres descendants et à l'endroit de membres de la communauté éducative investis d'une mission de service public, sur une période de surcroît très courte, sa présence sur le territoire français est, dans les circonstances de l'espèce et malgré l'intégration socio-professionnelle alléguée, de nature à constituer, du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. Pour les mêmes motifs, la décision en litige est pleinement proportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Par suite, le préfet de l'Hérault n'a ni entaché sa décision d'inexactitude matérielle ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en édictant à l'encontre de l'appelant l'obligation de quitter le territoire français en litige.
16. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
17. M. B... se prévaut de son installation en France depuis l'année 2011, de la présence et de la scolarisation de ses quatre enfants respectivement nés en 2010, 2016, 2018 et 2020. Il se prévaut également de l'exercice d'une activité professionnelle sur le territoire français et de la présence de son épouse, de nationalité marocaine, titulaire d'un titre de séjour pluriannuel. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 14 et 15, eu égard à la menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française que représente son comportement, l'autorité préfectorale n'a pas, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. En outre, les éléments dont se prévaut M. B... ne permettent pas d'attester de l'ancienneté, de la stabilité et l'intensité des liens privés et familiaux qu'il a développés en France au regard de ceux qu'il a conservés en Espagne. Par ailleurs, compte tenu du jeune âge de ses enfants, lesquels pourront poursuivre leur scolarité en Espagne et du fait que l'épouse de M. B..., de nationalité marocaine n'exerce pas d'activité professionnelle, il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans cet État membre. Dans ces conditions, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
18. En huitième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision. / L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence et ne peut l'allonger qu'à titre exceptionnel ". Eu égard à la gravité et au caractère répété des faits qui lui sont reprochés, et notamment à la réitération des menaces de mort qu'il a proférées et du risque de récidive en résultant, le préfet de l'Hérault a pu légalement estimer qu'il y avait urgence à procéder à l'éloignement de M. B... du territoire français et, par voie de conséquence, lui refuser un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
20. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige aurait été prise dans un but autre que celui en vue duquel la procédure prévue par les articles L. 251-1 et L. 251-3 du code de la sécurité intérieure a été instituée, M. B... ayant été en mesure d'exercer son droit au recours effectif en saisissant le tribunal administratif de Montpellier. Par suite, le détournement de procédure allégué n'est pas établi.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :
21. En premier lieu, aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans ". La décision en litige, après avoir visé et mentionné les textes applicables, en particulier l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, précise l'ensemble des faits au regard desquels le comportement personnel de M. B... a été regardé comme constitutif d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française, et, d'autre part, indique qu'après un examen approfondi de la situation de M. B... au regard de ses déclarations et des éléments produits, une interdiction de circulation sur le territoire français doit être édictée. La décision en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, par suite, suffisamment motivée.
22. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. B....
23. En troisième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant, ainsi qu'il a été dit aux points 3 à 18, pas illégale, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait, par voie de conséquence, illégale ne peut qu'être écarté.
24. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 251-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispositions transposant l'article 27 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres : " Le sixième alinéa de l'article L. 251-1 et les articles L. 251-3, L. 251-7 et L. 261-1 sont applicables à l'interdiction de circulation sur le territoire français ". Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 251-1 du même code : " L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine "
25. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre du citoyen de l'Union européenne soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de circulation sur le territoire français et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de circulation et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de circulation sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rendus applicables aux citoyens de l'Union européenne sur renvoi de l'article L. 251-6 du même code, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
26. M. B... se prévaut des conséquences disproportionnées sur sa situation personnelle et familiale s'attachant à l'interdiction de circuler sur le territoire français édictée à son encontre. En particulier, il se prévaut du fait qu'une séparation de six mois avec sa femme et ses enfants préjudicierait gravement à l'équilibre familial. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux retenus points 10, 14, 15 et 17 et en l'absence de circonstances particulières, ces éléments ne permettent pas, à eux seuls, de regarder l'appelant comme justifiant de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de circulation sur le territoire français alors que, ainsi qu'il a été dit, il s'est défavorablement fait connaître des services de police et de gendarmerie à de plusieurs reprises sur une période courte. Dès lors que le comportement de M. B... représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française et que sa situation ne fait pas apparaître de motifs humanitaires particuliers, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles renvoient celles de l'article L. 251-6 du même code, et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, en prenant à l'encontre de M. B... une interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de six mois.
27. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 17.
28. En sixième et dernier lieu, dès lors que le comportement de M. B... représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française et qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai fondée sur les dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité préfectorale pouvait légalement limiter sa liberté de circulation en vue de garantir la préservation de l'ordre public et de la sécurité publique. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige, d'une durée limitée à six mois, imposerait à l'appelant des restrictions excédant les nécessités liées à la préservation de l'ordre public et la sécurité publique, et ne serait ainsi pas adaptée, nécessaire et proportionné aux finalités poursuivies. Par suite, en édictant une interdiction de circulation sur le territoire français six mois à l'endroit de M. B..., le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte excessive à sa liberté de circulation.
29. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 10 mai 2023.
Sur la requête n° 24TL01312 :
30. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2302726 du 21 septembre 2023 du tribunal administratif de Montpellier, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet.
Sur les frais de l'instance :
31. Il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête n° 24TL01311 de M. B... est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée dans le cadre de la requête n° 24TL01312.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 24TL01311 - 24TL01312