Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision implicite de rejet, par le préfet de la Haute-Garonne, de sa demande, présentée le 28 février 2022, tendant à la délivrance d'une carte de résident de dix ans. Par un jugement n° 2206280 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Toulouse après avoir requalifié les conclusions de la demande de M. B... D... C... comme tendant à l'annulation de la décision du 25 avril 2023 du préfet de la Haute-Garonne lui refusant de façon expresse l'attribution d'une carte de résident de dix ans, les a rejetées.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 26 mars 2024 sous le n° 24TL00738, M. B... D... C..., représenté par Me Touboul, demande à la cour :
1°) d'être admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Toulouse ;
3°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de délivrance d'une carte de résident de dix ans, ainsi que la décision du 25 avril 2023 du préfet de la Haute-Garonne lui refusant de façon expresse l'attribution de cette carte de résident ;
4°) d'enjoindre à titre principal, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de résident de dix ans ou, à défaut, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du préfet est entachée d'une erreur de fait et de droit au regard de l'article L. 424-3 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa fille mineure a la qualité de réfugiée, et qu'il doit donc bénéficier d'une carte de résident sur le fondement de ces dispositions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M. B... D... C....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II. Par une requête, enregistrée le 26 mars 2024 sous le n° 24TL00739, M. B... D... C..., représenté par Me Touboul, demande à la cour :
1°) d'être admis à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) de surseoir à l'exécution du jugement du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Toulouse dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) d'enjoindre à titre principal, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de résident de dix ans ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où il ne serait pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la requête au fond, par laquelle il a saisi la cour, comporte des moyens sérieux de nature à justifier, en l'état de l'instruction, l'annulation du jugement attaqué , l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de carte de résident et de la décision explicite de rejet de cette demande du 25 avril 2023.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M. B....
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,
- les observations de Me Touboul pour M. B... D... C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D... C..., ressortissant tchadien né le 17 août 1974, est entré en France, le 8 novembre 2020, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de 90 jours avec entrées multiples, valable du 11 février 2019 au 10 février 2022. Le 19 janvier 2021, il a sollicité son admission au séjour pour motif familial. Par un arrêté du 17 juin 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 28 février 2022, M. B... D... C... a sollicité une carte de résident de dix ans en tant que membre de famille d'un bénéficiaire de la protection internationale. Le silence gardé par l'administration sur cette demande pendant une durée de quatre mois après son dépôt a fait naître une décision implicite de rejet. Par un courrier reçu par le préfet le 22 août 2022, M. B... D... C... a sollicité la communication des motifs de cette décision implicite. Par une décision du 25 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne a expressément rejeté sa demande de délivrance d'une carte de résident de dix ans tout en lui accordant, par cette même décision, un titre de séjour portant la mention " visiteur ".
2. Par un jugement du 26 janvier 2024, dont M.B... D... C... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a considéré que les conclusions de la demande de M. B... D... C... devaient être regardées comme dirigées contre la décision du 25 avril 2023 lui refusant de façon expresse l'attribution d'une carte de résident de dix ans, et a rejeté sa demande.
3. Les requêtes n° 24TL00738 et n° 24TL00739 visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
4. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Faute pour l'appelant d'avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle, ses conclusions tendant à ce que lui soit octroyé à titre provisoire le bénéfice de l'aide juridictionnelle doivent être rejetées.
Sur la requête au fond n° 24TL00738 :
5. Si le silence gardé par l'administration sur une demande fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet, intervenue postérieurement, se substitue à la première décision. Dans ces conditions, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé à M. B... D... C... la délivrance d'une carte de résident de dix ans doivent être regardées comme dirigées contre la décision préfectorale du 25 avril 2023 rejetant expressément cette demande.
6. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application du livre V se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans ". Aux termes de l'article L. 424-3 du même code : " La carte de résident prévue à l'article L. 424-1, délivrée à l'étranger reconnu réfugié, est également délivrée à : (...) / 4° Ses parents si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur non marié, sans que la condition de régularité du séjour ne soit exigée. L'enfant visé au présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ".
7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat de naissance, tenant lieu d'acte d'état-civil, délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 3 décembre 2019, que l'appelant est père de l'enfant Touffa A... B... D..., née le 29 juillet 2006, à laquelle la qualité de réfugiée a été accordée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 15 février 2019. Dans ces conditions, M. B... D... C..., en sa qualité d'étranger parent d'un enfant mineur ayant obtenu le statut de réfugié, devait se voir délivrer de plein droit une carte de résident sur le fondement des dispositions du 3°) de l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que la condition de régularité de son séjour en France ne soit exigée ni qu'il ait à justifier de la prise en charge de son enfant depuis sa naissance. Il s'ensuit qu'en rejetant la demande de carte de résident de M. B... D... C..., le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les dispositions législatives précitées.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... D... C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet de la Haute-Garonne du 25 avril 2023 en tant que celle-ci lui refusait l'attribution d'une carte de résident de dix ans. Dès lors, ce jugement doit être annulé, ainsi que la décision du 25 avril 2023 en tant qu'elle refuse à M. B... D... C... l'attribution d'une carte de résident.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, fondé sur ce que M. B... D... C... est parent d'un enfant ayant obtenu le statut de réfugié alors qu'il était mineur, que le préfet délivre à l'appelant une carte de résident, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur la requête à fins de sursis à exécution n° 24TL00739 :
10. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2206280 du 26 janvier 2024, les conclusions de la requête n° 24TL00739 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'État, partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... D... C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions de M. B... D... C... tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont rejetées.
Article 2 : Le jugement n° 2206280 du 26 janvier 2024 du tribunal administratif de Toulouse ainsi que la décision du préfet de la Haute-Garonne du 25 avril 2023, en tant que celle-ci refuse à M. B... D... C... l'attribution d'une carte de résident de dix ans, sont annulés.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée dans la requête n° 24TL00739.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. A... B... D... C... une carte de résident de dix ans dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. A... B... D... C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.
Le rapporteur,
P. Bentolila
La greffière
C. Lanoux
Le président,
F. Faïck
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°s 24TL00738 et 24TL00739 2