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19/11/2024 | FRANCE | N°22TL21170

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 19 novembre 2024, 22TL21170


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Les Saveurs de Lattes a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la société Oc'Via à lui verser la somme de 61 089 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2019 et capitalisation, en réparation des préjudices résultant des dommages de travaux publics subis lors de la réalisation des travaux du contournement ferroviaire entre Nîmes et Montpellier, et de mettre à la charge de la société Oc

'Via la somme de 14 883,88 euros au titre des frais d'expertise.

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Les Saveurs de Lattes a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la société Oc'Via à lui verser la somme de 61 089 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2019 et capitalisation, en réparation des préjudices résultant des dommages de travaux publics subis lors de la réalisation des travaux du contournement ferroviaire entre Nîmes et Montpellier, et de mettre à la charge de la société Oc'Via la somme de 14 883,88 euros au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1903838 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société Oc'Via à verser au GAEC Les Saveurs de Lattes la somme de 20 536,53 euros hors taxes avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 19 juillet 2020, a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires, et a mis les frais d'expertise à la charge définitive du GAEC Les Saveurs de Lattes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2022, et un mémoire non communiqué du 29 octobre 2024, le GAEC Les Saveurs de Lattes, représenté par Me Gras demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes et mis à sa charge définitive les frais d'expertise ;

2°) de condamner la Société Oc'Via à lui verser la somme de 35 552, 40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2019, du fait des dégâts causés en 2014 à ses cultures par la dispersion des poussières de chaux et en 2015 par les inondations, la somme de 5 000 euros pour " résistance abusive " et d'assortir ces sommes de la capitalisation des intérêts à compter du 19 juillet 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la société Oc'Via les frais d'expertise s'élevant à la somme de 14 883,88 euros au titre des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de la Société Oc'Via la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le GAEC Les Saveurs de Lattes soutient que :

- en ce qui concerne la dispersion de poussières de chaux, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la réparation des dommages subis par la serre n°2 pour l'année 2014 dès lors qu'ils n'ont pas précisé les raisons pour lesquelles le constat d'huissier du 29 mai 2014 serait insuffisant pour établir la réalité du préjudice ; au contraire, le procès-verbal de constat est précis, factuel et circonstancié, et il a permis à son expert de procéder au chiffrage de ce préjudice ; la seule circonstance, relevée par les premiers juges, selon laquelle il n'a fait état de ce préjudice que lors de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif ne saurait suffire à en remettre en cause la réalité ; d'autant qu'en réalité, il a sollicité la réparation des préjudices afférents à la serre n° 2 dès le 1er février 2015, soit bien avant sa demande de référé expertise devant le tribunal ; les dommages ont été relevés par l'expert désigné par le tribunal administratif, et la motivation des premiers juges selon laquelle l'expert de la Société Oc'Via serait mieux qualifié que l'expert du GAEC Les Saveurs de Lattes ne repose sur aucun fondement ; le préjudice subi par les cultures abritées sous la serre n°2 au titre de l'année 2014 s'élève à la somme de 2 845 euros ;

- en ce qui concerne les préjudices liés aux inondations survenues le 23 août 2015, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à la réparation des préjudices y afférents après avoir estimé que les dommages invoqués n'avaient pas pour cause les travaux publics exécutés dans le cadre du contournement ferroviaire Nîmes - Montpellier ; en effet, les dommages subis lors de l'épisode pluvieux du 23 août 2015 ont pour cause l'absence de transparence hydraulique des ouvrages publics créés lors de la réalisation de la ligne ferroviaire ; si le tribunal s'est fondé sur le classement des parcelles sur lesquelles ses serres ont été construites en zone rouge de précaution et en zone rouge de danger par le plan de prévention des risques inondation, il s'avère que ces parcelles sont situées en zone rouge d'aléa modéré (zone rouge de précaution) dans laquelle les inondations se produisent avec des hauteurs d'eau inférieures à 0, 50 cm, et des vitesses inférieures à 0,5 m/s ; par ailleurs, le plan de prévention des risques inondation a été établi sur la base d'une hypothèse de débordement du Lez faisant suite une crue d'occurrence centennale, laquelle correspond à un débit de 900 m3/ s, et non sur un risque lié à un ruissellement ; or, les inondations du 23 août 2015 n'ont pas conduit à un débordement du Lez ; dès lors le classement des parcelles en zone rouge par le plan de prévention des risques d'inondation ne peut à lui seul expliquer la survenance des inondations ; par ailleurs c'est également à tort que les premiers juges, pour rejeter ses conclusions, se sont fondés sur l'intervention de deux arrêtés de catastrophe naturelle, à la suite des pluies du 29 septembre 2014 et 23 août 2015, pour estimer que les dommages subis n'étaient pas liés à l'ouvrage public, d'autant que l'évènement de 2015 n'a pas fait l'objet d'un arrêté au titre des calamités naturelles ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, il n'existe pas de lien entre ses résultats comptables en 2004 et 2011 et les inondations qui se sont produites au titre de ces années ; c'est à tort que les premiers juges ont écarté l'attestation d'une voisine selon laquelle sa maison d'habitation, ainsi que celle du GAEC Les Saveurs de Lattes, n'auraient jamais été inondées avant la mise en place de l'ouvrage public concerné par le présent litige ; par ailleurs, le tribunal administratif a reconnu que l'expert judiciaire avait relevé des manquements à la transparence hydraulique de l'ouvrage, lors des phases de travaux en 2014 et 2015, sans prendre en compte, comme il aurait dû le faire, les éléments produits par le GAEC quant à l'incidence des travaux publics réalisés dans la survenance des dommages ; or, une telle incidence est établie par le procès-verbal de constat d'huissier du 24 août 2015 ; si les parcelles du GAEC sont situées dans une plaine, il existait, avant les travaux, des fossés permettant l'écoulement des eaux ; les inondations du 23 août 2015 ont impacté les cultures du GAEC, au niveau des serres et des tunnels sur les parcelles cadastrées section BX n° 134 et 145, 205, 208 et 210 ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre la société Oc'Via tendant à sa condamnation pour résistance abusive dès lors que le GAEC a été contraint de solliciter, devant le tribunal, une expertise, alors que la société n'a pas répondu à ses demandes de communication de documents, ce qui a également contraint le GAEC à saisir la commission d'accès aux documents administratifs puis les experts de la société Oc'Via ;

- en ce qui concerne les frais d'expertise, le GAEC ne peut être regardé comme partie perdante au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dès lors que le tribunal administratif a condamné la société Oc Via à lui verser la somme de 20 536,53 euros hors taxes, et donc admis sa responsabilité dans le présent litige ; la mise à sa charge des frais d'expertise n'est pas justifiée, d'autant que la société Oc'Via ne lui a pas communiqué les rapports des experts qu'elle avait missionnés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2024, la société Oc'via, représentée par Me Ramdenie, conclut :

1°) au rejet de la requête du GAEC Les Saveurs de Lattes ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de la commune de Lattes et de Montpellier Méditerranée Métropole à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au titre des inondations de 2014 et 2015 ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge du GAEC Les Saveurs de Lattes la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Oc'via soutient qu'aucun des moyens présentés par le GAEC Les Saveurs de Lattes n'est fondé ; à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où elle serait condamnée, elle demande la condamnation de la commune de Lattes et de Montpellier Méditerranée Métropole à la garantir de toute condamnation au titre des inondations de 2014 et 2015 ; en effet, le quartier de la Céreirède, dans lequel se trouvent les parcelles du GAEC, est dépourvu de réseau d'évacuation des eaux pluviales ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire, alors que la création d'un tel réseau est imposé pour les zones urbaines par l'article L 2226-1 du code général des collectivités territoriales ; à supposer que le quartier ne soit pas considéré comme se trouvant dans une zone urbaine, il revenait à ces collectivités de prendre des mesures de prévention des inondations susceptibles de se produire dans le secteur au titre de l'article L. 211-7 du code de l'environnement.

Par un mémoire du 11 octobre 2024, la commune de Lattes, représentée par Me Phelip conclut :

1°) à sa mise hors de cause et au rejet des conclusions présentées à son encontre ;

2°) subsidiairement, de rejeter l'appel en garantie présenté à son encontre et de condamner Montpellier Méditerranée Métropole à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

3°) et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Oc'Via la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire du 23 octobre 2024, Montpellier Méditerranée Métropole, représentée par Me Legros, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge du GAEC Les Saveurs de Lattes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, au rejet de l'appel en garantie présenté par la société Oc'Via et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, au rejet des demandes du GAEC Les Saveurs de Lattes au titre des préjudices subis lors des épisodes pluvieux des 29 septembre 2014 et 23 août 2015, et de mettre à la charge du GAEC Les Saveurs de Lattes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête ni des appels en garantie présentés à son encontre n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ;

- le décret n° 2012-887 du 18 juillet 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin rapporteure publique ;

- et les observations de Me Muller pour le GAEC Saveur de Lattes, de Me Ramdenie pour la société Oc'Via et de Me Liégeois pour Montpellier Méditerranée Métropole.

Une note en délibéré a été présentée par le GAEC Les Saveurs de Lattes le 12 novembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Les Saveurs de Lattes exerce, sur le territoire de la commune de Lattes, une activité de maraîchage sur différentes parcelles se trouvant à proximité de la ligne ferroviaire construite dans le cadre des opérations de contournement des agglomérations de Nîmes et de Montpellier. Le GAEC a, le 28 avril 2017, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier la désignation d'un expert chargé de se prononcer sur l'origine et l'étendue des dommages subis par ses cultures à la suite de la réalisation de la ligne ferroviaire de contournement. Après dépôt du rapport d'expertise le 6 octobre 2018, elle a sollicité devant le tribunal la condamnation de la société Oc'Via, chargée par Réseau Ferré de France, en vertu d'un contrat de partenariat passé le 28 juin 2012 et approuvé par décret du 18 juillet 2012, de la conception, de la construction, du fonctionnement, de la maintenance, du renouvellement et du financement de la ligne ferroviaire, à lui verser la somme totale de 61 089 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite des travaux de réalisation de la ligne ferroviaire. Par un jugement du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société Oc'Via à verser au GAEC Les Saveurs de Lattes la somme totale de 20 536,53 euros hors taxes, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 19 juillet 2020, a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires, et a mis les frais d'expertise, d'un montant de 14 883,88 euros toutes taxes comprises, à la charge définitive du GAEC Les Saveurs de Lattes.

2. Le GAEC Les Saveurs de Lattes relève appel du jugement du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires et en tant qu'il a mis à sa charge les frais d'expertise.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Il appartient à une personne qui s'estime victime d'un dommage trouvant son origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre ces travaux ou ouvrages et le dommage dont elle se plaint, ainsi que la réalité de celui-ci. Même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage est responsable à l'égard des tiers des dommages qui présentent un caractère grave et spécial. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages sont imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

En ce qui concerne la personne responsable :

4. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, alors en vigueur : " I. - Le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'État ou un établissement public de l'État confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l'exception de toute participation au capital. / Il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée. / II. - Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser. Après décision de l'État, il peut être chargé d'acquérir les biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par voie d'expropriation. (...) ". Aux termes de l'article 11 de cette ordonnance, alors en vigueur : " Un contrat de partenariat comporte nécessairement des clauses relatives : / a) À sa durée ; / b) Aux conditions dans lesquelles est établi le partage des risques entre la personne publique et son cocontractant ; / c) Aux objectifs de performance assignés au cocontractant, (...) / d) À la rémunération du cocontractant, (...) l) Aux modalités de prévention et de règlement des litiges (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le contrat de partenariat conclu le 28 juin 2012, entre Réseau Ferré de France, devenu la société SNCF Réseau, et la société Oc'Via, pour la conception, la construction, le fonctionnement, la maintenance, le renouvellement et le financement de la voie de contournement ferroviaire entre Nîmes et Montpellier, a confié la maîtrise d'ouvrage des travaux à la société Oc'Via et déterminé le partage des risques liés à cette opération. A cet égard, l'article 36 du contrat de partenariat, portant sur les " responsabilités ", prévoit que le titulaire du contrat est responsable des dommages causés aux tiers, ainsi que des frais et indemnités qui en résultent du fait de la construction et de l'existence de la ligne, survenus à l'occasion de l'exécution, par le titulaire ou sous sa responsabilité, des obligations mises à sa charge au titre du contrat. Ce même article précise que le titulaire du contrat supporte seul les conséquences pécuniaires des dommages.

6. Dès lors, les dommages permanents inhérents à la présence de l'ouvrage engagent la responsabilité du maître de l'ouvrage, pendant les travaux et après l'achèvement des travaux. Par suite, seule la responsabilité de la société Oc'Via est susceptible d'être engagée, ce que cette dernière société ne conteste au demeurant pas.

En ce qui concerne les préjudices allégués :

En ce qui concerne les préjudices liés aux poussières de chaux :

7. Il résulte de l'instruction que des cultures de concombres du GAEC Les Saveurs de Lattes ont été endommagées par la dispersion de poussières de chaux utilisée lors des travaux réalisés pour le compte de la société Oc'Via. Si le tribunal a toutefois considéré, pour ce qui est des dommages subis en 2014 par les cultures de concombres situées dans la serre n°2, que les documents produits par le GAEC n'établissaient pas la réalité des préjudices allégués, le constat d'huissier du 29 mai 2014 produit par le GAEC, auquel se trouvent annexées des photographies, établit, pour la serre n° 2, la présence de poussières rouges provenant du chantier de la société Oc'Via maculant les feuilles des plants de concombres. L'huissier a pu constater la présence, sur chacun des plants, de têtes asséchées signifiant qu'ils ne pourront éclore. La seule circonstance que le constat du 29 mai 2014 n'ait pas été établi contradictoirement ne permet pas d'écarter les constatations précises faites par l'huissier alors que des dommages identiques avaient été constatés à la même époque pour la serre voisine n°1, que la société Oc'Via avait d'ailleurs accepté d'indemniser. En outre, le rapport établi par un expert foncier et agricole, à la demande de la société Oc'Via, confirme le constat de l'huissier et fait état d'une perte financière au titre des cultures de concombres de la serre n° 2. Dans ces conditions, alors même qu'un premier expert mandaté par la société Oc'Via, dont le rapport n'a pas été versé au dossier, n'aurait pas constaté de dégâts sur les cultures de la serre n° 2, l'appelant est fondé à demander la condamnation de la société Oc'Via à lui verser la somme de 2 845 euros au titre des dommages subis en 2014 sur les cultures de concombres de la serre n° 2. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 19 juillet 2019. Les intérêts échus à la date du 19 juillet 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté les conclusions de l'appelant tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice, et le jugement attaqué doit être réformé dans cette mesure.

En ce qui concerne les préjudices allégués relatifs aux inondations du 29 septembre 2014 et du 23 août 2015 :

8. Il résulte de l'instruction que lors des pluies exceptionnelles, qui se sont produites les 29 septembre 2014 et 23 août 2015 sur la commune de Lattes, ayant conduit à des arrêtés ministériels portant reconnaissance de catastrophe naturelle, les parcelles du GAEC Les Saveurs de Lattes ont été inondées. Ces inondations se sont produites alors que les travaux de réalisation de la voie de contournement ferroviaire étaient en cours. L'appelant, pour contester l'absence de lien de causalité retenue par les premiers juges entre les inondations subies par le GAEC Les Saveurs de Lattes et les ouvrages réalisés pour la société Oc'Via, soutient que les inondations n'ont pas conduit à un débordement du Lez dont la présence avait motivé le classement de ses parcelles en zone rouge inondable par le plan de prévention des risques inondation de la commune approuvé en 2013. Toutefois, le classement des parcelles du GAEC Les Saveurs de Lattes en zone rouge n'est pas uniquement motivé par la présence du Lez et par l'aléa de débordement inhérent à ce cours d'eau, mais aussi par un risque potentiel de ruissellement pluvial et de remontée des étangs, considérés comme des causes possibles d'inondation. Par ailleurs, et ainsi que l'a relevé l'expert dans son rapport, une carte établie par le bureau de recherches géologiques et minières fait état de ce que le quartier de la Céréirède, dans lequel se trouvent les parcelles du GAEC, est dans une zone où les nappes phréatiques sont affleurantes, et situées seulement à deux mètres au-dessous du sol comme précisé dans un dossier d'autorisation présenté en novembre 2017, au titre de la loi sur l'eau, pour la création d'un réseau pluvial dans le quartier considéré. Si l'expert désigné par le tribunal administratif admet que des manquements à la " transparence hydraulique " de l'ouvrage en litige ont été constatés lors des travaux en cours en 2014 et 2015, il ne conclut pas à l'existence d'un lien de cause à effet entre cette " absence de transparence hydraulique " et les inondations subies par les parcelles du GAEC Les Saveurs de Lattes, lesquelles, ainsi qu'il a été dit, sont en zone inondable dans un secteur où les nappes phréatiques sont affleurantes. Dans ces conditions, en l'absence de lien de causalité établi entre les dommages invoqués et la présence de l'ouvrage public, les conclusions présentées par le GAEC Les Saveurs de Lattes au titre des inondations ne peuvent être que rejetées.

En ce qui concerne le préjudice de " résistance abusive " :

9. Il résulte de l'instruction que la société Oc'Via a accepté d'indemniser les dégâts aux cultures pour l'année 2014 à raison des poussières de chaux retrouvées dans la serre n° 1 du GAEC Les Saveurs de Lattes. La demande de réparation des préjudices afférents aux dommages subis en 2014 par les cultures de la serre n° 2 n'a pas été expressément mentionnée dans la demande préalable du GAEC Les Saveurs de Lattes du 18 mars 2019, tandis que le constat d'huissier du 29 mai 2014, cité au point 7, qui établit la réalité du préjudice en ce qui concerne la serre n° 2, n'a été évoqué pour la première fois que le 18 mai 2018, en cours d'expertise. Alors même que le GAEC Les Saveurs de Lattes a fait état de ce chef de préjudice par un courrier du 1er février 2015 adressé à Oc'Via, et dès lors qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à la réparation des autres préjudices allégués ne sont pas fondées, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la société Oc'Via aurait fait preuve d'une " résistance abusive " lui ouvrant droit à une réparation supplémentaire. Une telle " résistance abusive " ne saurait enfin être retenue du seul fait que l'appelant a, pour faire valoir ses droits, demandé l'organisation d'une expertise et saisi la commission d'accès aux documents administratifs pour obtenir la communication de documents détenus par la société Oc'Via.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC Les Saveurs de Lattes est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à lui verser la somme de 2 845 euros au titre des dommages subis en 2014 par les cultures de concombres de la serre n° 2, et à demander la réformation du jugement en ce sens.

Sur les frais d'expertise :

11. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

12. En application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de partager pour moitié les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 14 883,88 euros toutes taxes comprises, entre le GAEC Les Saveurs de Lattes et la société Oc Via.

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 20 536,53 euros hors taxes que le tribunal administratif de Montpellier a mise à la charge de la société Oc'Via est portée à 23 381,53 euros hors taxes. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 19 juillet 2019. Les intérêts échus à la date du 19 juillet 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 14 883,88 euros toutes taxes comprises sont partagés pour moitié entre le GAEC Les Saveurs de Lattes et la société Oc'Via.

Article 3 : Le jugement n° 1903838 du 17 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède.

Article 4 : Le surplus des conclusions du GAEC Les Saveurs de Lattes et de la société Oc'Via et les conclusions de Montpellier Méditerranée Métropole et de la commune de Lattes tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC Les Saveurs de Lattes, à la société Oc'Via, à la commune de Lattes et à Montpellier Méditerranée Métropole.

Copie pour information en sera transmise à M. A... B..., expert.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur

Nadia El-Ghani Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21170 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21170
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SCP CGCB & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;22tl21170 ?
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