Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement public de coopération intercommunale Toulouse Métropole a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la mise en demeure de payer n° 7731015917 émise le 21 mars 2019 par le comptable public de la trésorerie des hôpitaux de Toulouse en vue du recouvrement de la somme de 197 400 euros et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 1902873 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la mise en demeure de payer comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et a déchargé Toulouse Métropole de l'obligation de payer la somme de 197 400 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 février 2023 et le 11 mars 2024, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me Marco, demande à la cour d'annuler ce jugement du 15 décembre 2022 et de mettre à la charge de Toulouse Métropole une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute pour le tribunal de lui avoir communiqué le mémoire en réponse à un moyen d'ordre public produit le 28 novembre 2022 par Toulouse Métropole ;
- il est également irrégulier dès lors qu'en regardant les conclusions de Toulouse Métropole comme dirigées à l'encontre des titres exécutoires supports de la mise en demeure, le tribunal a statué ultra petita ;
- la demande de première instance était irrecevable, car présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, dirigée contre un acte ne faisant pas grief et tardive.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 janvier et 10 avril 2024, l'établissement public Toulouse Métropole, représenté par le cabinet d'avocats Goutal Alibert et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Il soutient que :
- les conclusions de la requête visant l'article 1er du jugement sont irrecevables faute d'intérêt à agir du centre hospitalier ;
- les autres moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 10 mai 2024.
Par lettre du 17 octobre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement à avoir prononcé la décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées dans la mise en demeure du 21 mars 2019 alors que la juridiction administrative est incompétente pour connaître de telles conclusions.
Par un mémoire enregistré le 21 octobre 2024 Toulouse Métropole a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
- et les observations de Me Marco, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse, et de Me Kaczmarczyk, substituant Me Aveline, représentant Toulouse Métropole.
Une note en délibéré, présentée pour Toulouse Métropole, a été enregistrée le 28 octobre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Au cours des années 2017 à 2019, le centre hospitalier universitaire de Toulouse a engagé des frais de conservation, dans une chambre mortuaire de l'établissement, des corps de personnes décédées dans cet établissement et dépourvues de ressources suffisantes pour assumer leur frais de funérailles. Estimant que Toulouse Métropole était tenu de prendre en charge ces frais, le centre hospitalier universitaire a émis une série de 51 titres exécutoires à l'encontre de cet établissement public. En l'absence de règlement de ces titres, le comptable du centre hospitalier a émis à l'encontre de Toulouse Métropole une mise en demeure valant commandement de payer le 21 mars 2019, dont cette dernière a sollicité l'annulation devant le tribunal administratif de Toulouse, assortie d'une demande de décharge de l'obligation de payer les créances correspondantes. Par un jugement du 15 décembre 2022 dont le centre hospitalier de Toulouse relève appel, le tribunal a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la mise en demeure du 21 mars 2019 comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et a déchargé Toulouse Métropole de l'obligation de payer la somme totale de 197 400 euros procédant des titres exécutoires pour l'exécution desquels cette mise en demeure avait été émise.
Sur les conclusions dirigées contre l'article 1er du jugement attaqué :
2. L'intérêt à faire appel s'apprécie par rapport au dispositif de la décision juridictionnelle critiquée. Si, quels qu'en soient les motifs, une décision de rejet ne fait pas grief au défendeur, qui n'est donc pas recevable à la déférer au juge d'appel, il en va en principe différemment d'une décision qui rejette les conclusions du demandeur comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, laquelle, sans clore le litige, invite le demandeur à le poursuivre devant l'autre ordre de juridiction.
3. Après avoir invité les parties à présenter des observations sur le moyen d'ordre public qu'il envisageait de retenir, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions à fin d'annulation de la mise en demeure de payer n° 7731015917 présentées par Toulouse Métropole, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté, dans l'article 1er du jugement attaqué, ces conclusions comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Le centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui avait expressément repris à son compte ce moyen d'incompétence dans son mémoire du 10 décembre 2022 et qui réaffirme en appel cette incompétence, ne demande pas la réformation du jugement en tant qu'il aurait décliné à tort la compétence du juge administratif, et ne conteste pas les motifs retenus par le tribunal pour retenir ce moyen. Il doit ainsi être regardé comme ayant obtenu entièrement satisfaction en première instance en ce qui concerne ces conclusions, et n'est pas recevable, dès lors, à solliciter en appel l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué.
Sur les conclusions dirigées contre les autres articles du jugement :
4. D'une part, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. / 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / (...) / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. / 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / (...) / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° À l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés : / (...) / c) Pour les créances non fiscales des (...) établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution ".
6. Il résulte de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé relève de la compétence du juge de l'exécution. Dans sa demande présentée devant le tribunal administratif, Toulouse Métropole ne demandait pas à celui-ci l'annulation des titres exécutoires fondements de la créance, mais seulement " d'annuler la mise en demeure de payer n° 7731015917 émise par la trésorerie des hôpitaux de Toulouse en vue du recouvrement de la somme de 197 400 euros " et de " prononcer la décharge de la somme de 197 400 euros mise à sa charge par le CHU de Toulouse ". Ces conclusions, présentées par ministère d'avocat, constituaient, quelle que soit la nature des moyens soulevés à leur appui, des conclusions de recouvrement dirigées exclusivement contre un acte de poursuite. Par conséquent, les conclusions présentées par Toulouse Métropole tendant à la décharge de l'obligation de payer la créance procédant de cet acte de poursuite ne relevaient pas de la juridiction administrative. En se prononçant néanmoins sur ces conclusions et en y faisant droit, le tribunal administratif de Toulouse a entaché d'irrégularité les articles 2 et suivants de son jugement, dont le centre hospitalier de Toulouse est fondé à demander l'annulation.
7. Il y a lieu de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par les parties au tribunal administratif.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des conclusions présentées par Toulouse Métropole tendant à la décharge de l'obligation de payer la créance procédant de la mise en demeure du 21 mars 2019. Ces conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
9. En second lieu, eu égard au rejet des conclusions présentées par Toulouse Métropole, il n'y a pas lieu d'examiner les conclusions reconventionnelles présentées à titre subsidiaire par le centre hospitalier universitaire de Toulouse en première instance.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Toulouse est seulement fondé à demander l'annulation des articles 2 à 4 du jugement attaqué.
Sur les frais non compris dans les dépens :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Toulouse Métropole demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Toulouse Métropole une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier universitaire de Toulouse et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 1902873 du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par Toulouse Métropole tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 197 400 euros sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Toulouse Métropole versera au centre hospitalier universitaire de Toulouse une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié au centre hospitalier universitaire de Toulouse et à l'établissement public de coopération intercommunale Toulouse Métropole.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au directeur de l'agence régionale de santé d'Occitanie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00400