Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n°2003452 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2023, Mme B... A..., représentée par Me Debureau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement rendu le 31 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2023, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 octobre 2023, la date de clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2023.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante mongole, née le 2 mars 1973, est entrée en France, selon ses déclarations, le 18 mai 2014, sous l'identité de Mme C..., accompagnée de ses deux filles, alors âgées de 14 et 3 ans, afin de fuir un époux violent et a présenté, le 13 juin 2014, une demande d'asile. Par une décision du 19 février 2015, l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demandé, décision dont la légalité a été confirmée, le 15 décembre 2015, par la cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 20 janvier 2016, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nîmes, rendu le 30 juin 2016, le préfet de la Lozère a constaté qu'elle ne pouvait se voir délivrer un titre de séjour en qualité de réfugiée et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de trente jours. Elle n'a pas déféré à la mesure mais a sollicité, le 1er octobre 2018, auprès des services de la préfecture du Gard, son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 31 juillet 2020, le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... relève appel du jugement, rendu le 31 décembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). " Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. Il ressort des nombreuses pièces versées au dossier de première instance et d'appel, composées notamment de certificats de scolarité, de document médicaux, de factures, de documents administratifs et fiscaux, d'un document d'ouverture d'un compte sur livret auprès de la banque postale et de relevés s'y rapportant sur plusieurs années, d'une attestation d'hébergement établie au nom de l'appelante pour la période litigieuse, ainsi que des procédures administratives et contentieuses qu'elle a engagées depuis son entrée en France au titre du droit d'asile comme de l'aide médicale d'Etat, que Mme A... établit résider habituellement sur le territoire français depuis près de sept années à la date de l'arrêté en litige. En outre, Mme A..., qui a suivi de nombreux cours de français langue étrangère du mois de novembre 2014 au mois de février 2016, justifie d'efforts notables d'intégration par l'exercice d'activités de bénévolat auprès de l'association La Calade, un centre socioculturel situé à Sommières (Gard), à raison de deux à trois demi-journées par semaine depuis 2016. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de sa présence sur le territoire français et de celle de ses filles, scolarisées toutes deux depuis 2014 et ayant vocation à rester sur le territoire français, et des conditions de son séjour, le préfet du Gard, en lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour, a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen soulevé à l'appui des conclusions à fin d'annulation, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2020 du préfet du Gard et à demander l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet du Gard délivre à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Debureau renonce à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Debureau de la somme de 1 000 euros.
7. En revanche, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions relatives à leur charge sont sans objet et doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2003452 du 31 juillet 2020 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Gard du 31 juillet 2020 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera, en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 1 000 euros à Me Debureau, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir sa part contributive à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Debureau, au ministre de l'intérieur et au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL01100 2