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12/11/2024 | FRANCE | N°23TL01093

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 12 novembre 2024, 23TL01093


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, à destination de son pays d'origine, avec interdiction de circulation d'une durée d'un an, de lui enjoindre de supprimer sans délai l'inscription de l'interdiction de retour au fichier Système d'information Schengen (SIS) et de mettre à la charge de l'Etat les

entiers dépens du procès ainsi qu'une somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, à destination de son pays d'origine, avec interdiction de circulation d'une durée d'un an, de lui enjoindre de supprimer sans délai l'inscription de l'interdiction de retour au fichier Système d'information Schengen (SIS) et de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens du procès ainsi qu'une somme de 2 000 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi de 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2300565 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré le 10 mai 2023, Mme A... B..., représentée par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2023 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, à destination de son pays d'origine, avec interdiction de circulation d'une durée d'un an ;

4°) d'ordonner la suppression sans délai de l'inscription de l'interdiction de circulation au fichier Système d'information Schengen (SIS) ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil si elle était admise à l'aide juridictionnelle ou, à défaut, à elle-même si elle n'était pas admise à cette aide.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- le préfet de l'Hérault n'a pas procédé à un examen sérieux et attentif de sa situation ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que son comportement ne constitue pas une menace réelle actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, et au regard de son intégration sur le territoire français, où elle réside depuis 2013 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- elle porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été décidée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- le préfet de l'Hérault s'est estimé, à tort, en compétence liée pour prendre la décision attaquée ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle justifie de garanties de représentation effectives et suffisantes, et en l'absence de menace réelle, actuelle, et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de circulation :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet de l'Hérault n'a pas procédé à un examen sérieux et attentif de sa situation ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet n'établit pas qu'elle représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ;

- elle emporte sur sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation et des risques encourus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 15 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2024.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante slovaque née le 21 juin 1985, est entrée en France en 2013, selon ses déclarations. Par arrêté du 18 janvier 2023, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée d'un an. Par jugement du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de Mme B... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par décision du 12 janvier 2024, Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire est dépourvue d'objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux citoyens de l'Union européenne et aux membres de leur famille : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...). ".

4. Ces dernières dispositions doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres. Il appartient à l'autorité administrative d'un Etat membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été gardée à vue le 18 janvier 2023 pour des faits de vol d'une montre de luxe à un client de l'hôtel où elle travaillait, et de détention de stupéfiants, faits reconnus par l'intéressée. Il n'est pas contesté que Mme B... a fait ensuite l'objet d'une procédure d'avertissement pénal probatoire, mesure d'alternative aux poursuites décidée par le Procureur de la République près le tribunal correctionnel de Béziers, ni que le casier judiciaire de Mme B... était alors vierge. Les pièces produites par l'intéressée, en particulier les documents de travail, les avis d'imposition et le contrat de bail, attestent de sa présence en France depuis 2017, où elle vit, à la date de la décision attaquée, célibataire et sans charge de famille. Compte tenu, d'une part de la durée et des conditions du séjour en France de Mme B... et, d'autre part, du caractère isolé des faits commis et en dépit de leur caractère récent et de leur relative gravité, la présence de l'intéressée sur le territoire français n'est pas de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. Par suite, le préfet de l'Hérault a fait une inexacte application de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français. L'annulation de cette décision entraîne, par voie de conséquence, l'annulation des décisions portant refus d'octroi de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... ait fait l'objet d'une inscription au fichier du système d'information Schengen, l'arrêté attaqué ne prescrivant d'ailleurs pas une telle inscription. Par suite, il n'y a pas lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder à l'effacement de l'interdiction de circulation de Mme B... du système d'information Schengen.

Sur les frais de l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Laspalles en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de la renonciation par cet avocat à percevoir la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 2300565 du tribunal administratif de Montpellier du 18 avril 2023 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 18 janvier 2023 sont annulés.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction de la requête.

Article 4 : L'Etat versera à Me Laspalles une somme de 1 000 (mille) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par cet avocat à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Laspalles et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente,

Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL01093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01093
Date de la décision : 12/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : SELARL Sylvain LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-12;23tl01093 ?
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