Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, ou, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par celui-ci à percevoir la part contributive de l'Etat.
Par un jugement n° 2202305 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, Mme A... B..., représentée par Me Breuillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 2202305 du 13 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif de Nîmes est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation quant à l'atteinte portée par l'arrêté attaqué à sa vie personnelle et familiale ;
- l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière du fait de l'absence de saisine de la commission de titre de séjour ;
- il a été pris en méconnaissance de son droit d'être entendue, droit fondamental de l'Union européenne repris à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ;
- son dossier n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux et personnalisé ;
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit dès lors que le préfet de Vaucluse aurait dû délivrer de plein droit un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision attaquée est illégale dès lors qu'un titre de séjour devait lui être délivré de plein droit en application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Une mise en demeure a été adressée le 24 août 2023 à la préfète de Vaucluse.
Par ordonnance du 8 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 décembre 2023.
Un mémoire en production de pièces présenté pour Mme B... a été enregistré le 12 décembre 2023 et n'a pas été communiqué.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 4 janvier 1983, entrée en France le 29 mars 2018, a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale le 6 décembre 2021. Par arrêté du 19 mai 2022, le préfet de Vaucluse a refusé son admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement n° 2202305 du 13 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête dirigée contre cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges, qui se rapportent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, ne peuvent être utilement invoqués.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
3. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Dans le cas d'espèce, la demande de Mme B... a rendu effectif ce droit d'être entendu, et il ressort des pièces du dossier que la requérante a pu produire à l'occasion du dépôt de sa demande de titre ou au cours de l'instruction de son dossier, l'ensemble des pièces venant à l'appui de cette dernière. Par suite, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance du droit d'être entendu.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié de titres de séjour en qualité de travailleur saisonnier valables du 20 juillet 2009 au 19 juillet 2012, du 20 juillet 2012 au 19 juillet 2015 et du 18 juin 2015 au 17 juin 2018, lui permettant de travailler en France pour une durée maximale de six mois par an, et sous condition de son engagement au maintien de sa résidence habituelle hors de France. Si elle soutient avoir, sur ces périodes, majoritairement résidé chez ses parents entre les périodes de travail, elle ne l'établit pas, particulièrement alors que la majorité des attestations produites font seulement état de ce que Mme B... n'a pas quitté la France depuis 2018. Par suite, faute pour Mme B... de justifier de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, elle ne peut utilement invoquer le défaut de saisine de la commission de titre de séjour.
6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que la situation de Mme B... n'aurait pas fait l'objet d'un examen sérieux et personnalisé.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui se prévaut d'une présence continue en France depuis 2018, étayée par plusieurs attestations de proches, ne démontre pas, comme il a été dit au point 5, avoir fixé sa résidence habituelle en France dans la période antérieure, au cours de laquelle elle est venue en France par intermittence, comme travailleuse saisonnière. Si ses parents, son frère, titulaires d'une carte de résident, et sa sœur, de nationalité française, vivent en France, Mme B..., célibataire et sans charge de famille, n'établit pas être dépourvue d'attaches au Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans, et ne justifie pas d'une intégration particulière sur le territoire français, où elle vit depuis moins de quatre ans à la date de la décision attaquée. Dès lors, compte tenu des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de l'intéressée, la décision attaquée a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, en prenant cette décision, le préfet de Vaucluse n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En dernier lieu, eu égard à sa situation personnelle et familiale et aux conditions de son séjour en France, telles qu'évoquées au point précédent, Mme B... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il est constant que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer que, en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet, le cas échéant, d'une mesure d'éloignement du territoire français, avec ou sans délai de départ volontaire, à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays où il serait légalement admissible, ainsi que d'une interdiction de retour sur le territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ou de compléter ses observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français, sur l'octroi ou non d'un délai de départ volontaire, sur la fixation du pays de destination et sur l'interdiction de retour sur le territoire français, lesquelles sont prises concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait vainement sollicité un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'elle aurait été empêchée, lors du dépôt et au cours de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de faire valoir auprès de l'administration tous les éléments jugés utiles à la compréhension de sa situation personnelle et familiale. En tout état de cause, la requérante, qui se borne à invoquer la méconnaissance du principe précité, ne fait valoir, dans la présente instance, aucun élément tenant à sa situation personnelle qui, s'il avait été communiqué en temps utile à l'administration, aurait été de nature à faire obstacle à la mesure d'éloignement litigieuse. Par suite, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne.
12. En deuxième lieu, à supposer que Mme B... ait entendu soulever à l'encontre de la décision attaquée un vice de procédure tiré du défaut de saisine de la commission de titre de séjour, un tel moyen relatif à la procédure propre à l'instruction de la demande de titre de séjour, ne peut être utilement soulevé contre la décision attaquée.
13. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier ni ne résulte des termes de la décision attaquée que la situation de Mme B... n'aurait pas fait l'objet d'un examen sérieux et personnalisé.
14. En quatrième lieu, indépendamment de l'énumération faite par les articles L. 251-2 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement
15. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que Mme B... ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France tels qu'elle devait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions doit être écarté.
16. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
18. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 mai 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux dépens et aux autres frais liés au litige ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Breuillot et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00973