Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme J... A..., épouse H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Plaisance du Touch à lui verser une indemnité d'un montant total de 12 989 euros en réparation des préjudices subis du fait des fautes commises par le maire de cette commune lors de l'inhumation, de sa mère, Mme K... B..., épouse A....
Par un jugement n° 2000881 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2023, Mme A..., épouse H..., représentée par Me Momas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 janvier 2023 ;
2°) de condamner la commune de Plaisance du Touch à lui verser une indemnité globale de 12 989 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de cette commune la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la commune de Plaisance du Touch engage sa responsabilité du fait de l'illégalité du refus de son maire d'autoriser l'inhumation de sa mère dans le caveau familial, en méconnaissance de la concession funéraire acquise par Mme C... B..., épouse F..., sœur de la défunte et de la volonté des membres de la famille ;
- le maire ne pouvait s'opposer à sa demande d'inhumation dès lors que, d'une part, cette concession familiale avait vocation à accueillir ses fondateurs, dont Mme C... B..., épouse F..., ainsi que les membres de sa famille et que, d'autre part, M. I... B..., donataire de cette concession consentie en 2002 par sa tante, Mme C... B..., épouse A..., ainsi que la mère, la sœur et les frères de ce dernier, avaient expressément donné leur accord à l'inhumation de sa mère dans le caveau familial où reposaient déjà le mari de la défunte, sa sœur, sa mère, son père et son beau-père ;
- la donation de la concession consentie à M. I... B... n'avait pas à être établie par un acte notarié ;
- aucun motif tiré de l'ordre public ou de l'intérêt public ne justifie la décision de refus du maire ;
- du fait du refus illégal d'inhumer sa mère pendant plus d'un an dans la concession familiale, elle a subi un préjudice financier lié aux frais de mise en dépôt du corps de sa mère au cimetière de Grenade sur Garonne pour un montant de 714 euros, de recours à un cercueil en zinc et de transfert du cercueil pour un montant de 1 825 euros ;
- elle a également subi un préjudice moral du fait de son état de détresse provoqué par les mauvais traitements infligés à la dépouille de sa mère qui a été placée dans un dépositoire pendant près d'une année.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2023, la commune de Plaisance du Touch, représentée par Me Banel, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- son maire n'a commis aucun détournement de pouvoir en refusant de faire droit à la demande d'inhumation de l'appelante ;
- aucune faute n'a été commise par son maire qui, au décès des fondateurs de la concession funéraire litigieuse a été confronté à une incertitude sur l'identité des héritiers de la concession compte tenu des éléments contradictoires entre, d'une part, les deux testaments olographes des époux F... du 7 mai 1985 et, d'autre part, l'acte de donation de la concession de 2002 consentie par C... F... à son neveu M. I... B... ; en l'absence d'éléments fournis par l'appelante malgré ses demandes de communication, il n'a pas pu lever cette incertitude ;
- l'attestation du 7 mai 2018 ne démontre pas l'accord de la famille B... à l'inhumation de la défunte dans le caveau dès lors qu'il est seulement signé par M. I... B... ;
- les frais engagés par Mme A..., épouse H... ne résultent que de la défaillance des membres de la famille à communiquer les pièces justificatives demandées par la commune.
Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2024 à 12 heures.
Par une décision du 8 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme A..., épouse H... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de procédure civile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Momas, représentant Mme A..., épouse H... et de Me Chapel, substituant Me Banel, représentant la commune de Plaisance du Touch.
Considérant ce qui suit :
1. M. L... F... et Mme M... B..., son épouse, ont acquis, le 20 août 1991, une concession funéraire dans le cimetière de la commune de Plaisance du Touch ayant vocation à accueillir les fondateurs de la concession ainsi que leur famille. Après le décès de M. L... F..., Mme M... F... a, par une lettre du 30 juillet 2002, entendu faire donation de ce caveau funéraire familial à son neveu, M. I... B.... Le 25 avri1 2018, Mme K... B..., épouse de M. E... A... et sœur de Mme M... F..., est décédée. Mme J... A..., épouse H..., fille de la défunte, a alors sollicité l'inhumation de sa mère dans le caveau familial où était déjà enterré son époux, M. E... A..., sa sœur et son époux, Mme M... B..., épouse F..., et M. L... F..., ainsi que les parents de la défunte. Par une lettre du 11 mai 2018, confirmée le 22 mai suivant, le maire de Plaisance du Touch a indiqué être en possession de plusieurs courriers contradictoires des fondateurs de la concession l'informant de la donation de cette concession à des membres différents de la famille et ne pas disposer, par ailleurs, de la preuve de l'inhumation de M. E... A... dans cette concession. En conséquence, le maire a précisé à Mme A..., épouse H..., dans la lettre précitée, que l'inhumation de sa mère ne pourrait être autorisée qu'après la communication du livret de famille de la défunte et des fondateurs de la concession ainsi que d'une attestation sur l'honneur de tous les membres de la famille précisant que les époux F... n'avaient pas d'héritiers directs, que M. E... A... était inhumé dans cette concession et qu'ils autorisaient l'inhumation de Mme K... A... dans ce caveau familial. A la suite d'une nouvelle lettre de Mme H... du 20 juin 2018 et d'une mise en demeure notifiée le 10 juillet 2018 d'autoriser l'inhumation de la défunte, le maire de Plaisance du Touch a, par des courriers des 2 et 24 juillet 2018, réitéré sa demande de communication des pièces précédemment sollicitées ou bien la production d'un acte notarié ou d'une attestation manuscrite signée de chacun des membres de la famille, indiquant que M. I... B... était bien désigné comme mandataire de l'indivision aux fins de pouvoir délivrer l'autorisation d'inhumer Mme K... B... dans le caveau. A l'issue d'une procédure en référé engagée par Mme A..., épouse H..., ayant donné lieu à une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 11 février 2019 suspendant sa décision refusant l'inhumation de Mme K... B..., et au regard des pièces finalement produites devant lui, le maire de Plaisance du Touch a, par une décision du 19 avril 2019, autorisé l'inhumation de Mme B..., veuve A..., au sein de la concession des époux F... dans le cimetière communal. Compte tenu du rejet de sa réclamation préalable par une lettre du maire de Plaisance du Touch du 26 décembre 2019, Mme A..., épouse H..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Plaisance du Touch à l'indemniser des préjudices matériels, financiers et moral qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises par cette collectivité au cours des mois qui ont précédé l'inhumation de sa mère, Mme K... B..., épouse A.... Mme A..., épouse H..., relève appel du jugement du 25 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur la responsabilité pour faute de la commune de Plaisance du Touch du fait du refus de son maire d'autoriser l'inhumation de la défunte :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2213-8 du code général des collectivités territoriales : " Le maire assure la police des funérailles et des cimetières ". Aux termes de l'article L. 2223-13 de ce code : " Lorsque l'étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux. ". L'article R. 2213-31 du même code dispose que : " Toute inhumation dans le cimetière d'une commune est autorisée par le maire de la commune du lieu d'inhumation (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au maire, dans l'exercice des compétences qu'il tient de ces dispositions législatives, de veiller à ce qu'une personne ne soit inhumée à un emplacement ayant fait l'objet d'une concession acquise par un tiers qu'avec l'accord du titulaire de la concession. Le maire commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune s'il autorise l'inhumation d'une personne ne bénéficiant pas, en l'absence d'accord du titulaire de la concession, du droit d'être enterrée dans l'emprise de cette concession.
4. A cet égard, lorsqu'une concession de famille a été conclue, est présumée l'intention de son titulaire fondateur que soient recueillis dans le caveau familial, outre le corps du concessionnaire, ceux de son conjoint, et de l'ensemble de ses successeurs.
5. Au décès de son fondateur, la concession de famille est en principe transmise sous forme d'indivision perpétuelle entre les héritiers. Ainsi, les membres de la famille d'une personne qui dispose d'une concession familiale bénéficient d'un droit à y être inhumés, sous réserve de trois conditions : qu'ils fassent partie de la famille du fondateur, que le fondateur ne les ait pas exclus expressément de ce droit et qu'il subsiste des places disponibles dans le terrain concédé. Toutefois, de son vivant, le titulaire de la concession peut donner ou léguer la concession funéraire. Dans ce dernier cas, le légataire universel ou à titre particulier dispose de tous les droits d'un concessionnaire et peut, par voie de conséquence, décider de l'inhumation de toute personne, même étrangère à la famille, si tant est que le défunt n'a pas exprimé d'opinions expresses contraires.
6. D'autre part, aux termes de l'article 1061-1 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige : " En matière de contestation sur les conditions des funérailles, le tribunal d'instance est saisi à la requête de la partie la plus diligente selon un des modes prévus à l'article 829. Il statue dans les vingt-quatre heures. Appel peut être interjeté dans les vingt-quatre heures de la décision devant le premier président de la cour d'appel. Celui-ci ou son délégué est saisi sans forme et doit statuer immédiatement. Les parties ne sont pas tenues de constituer avocat. La décision exécutoire sur minute est notifiée au maire chargé de l'exécution. ".
7. Enfin, aux termes de l'article 931 du code civil : " Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité. ". Aux termes de l'article 931-1 de ce code : " En cas de vice de forme, une donation entre vifs ne peut faire l'objet d'une confirmation. Elle doit être refaite en la forme légale. Après le décès du donateur, la confirmation ou exécution volontaire d'une donation par les héritiers ou ayant cause du donateur emporte leur renonciation à opposer les vices de forme ou toute autre cause de nullité. " Aux termes de l'article 932 de ce code : " La donation entre vifs n'engagera le donateur, et ne produira aucun effet, que du jour qu'elle aura été acceptée en termes exprès. L'acceptation pourra être faite du vivant du donateur par un acte postérieur et authentique, dont il restera minute ; mais alors la donation n'aura d'effet, à l'égard du donateur, que du jour où l'acte qui constatera cette acceptation lui aura été notifié. "
8. Il résulte de ces dispositions qu'à peine de nullité absolue, le recours à un acte authentique est une condition de validité de la donation. En vertu du parallélisme des formes, l'authenticité de l'acte d'acceptation du donataire, qui doit être exprès, est exigée. Tant que la donation n'est pas expressément acceptée par acte authentique notifié au donateur par le donataire vivant, elle est révocable par le donateur. Le décès du donateur avant l'accomplissement de la formalité substantielle de la notification emporte révocation de l'offre de donation.
9. Aux termes de l'article 1035 du code civil : " Les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté. " Aux termes de l'article 1036 du même code : " Les testaments postérieurs, qui ne révoqueront pas d'une manière expresse les précédents, n'annuleront, dans ceux-ci, que celles des dispositions y contenues qui se trouveront incompatibles avec les nouvelles ou qui seront contraires. " Aux termes de l'article 1038 de ce code : " Toute aliénation, celle même par vente avec faculté de rachat ou par échange, que fera le testateur de tout ou de partie de la chose léguée, emportera la révocation du legs pour tout ce qui a été aliéné, encore que l'aliénation postérieure soit nulle, et que l'objet soit rentré dans la main du testateur. "
10. Il résulte de ces dispositions que la révocation tacite d'un testament ne peut résulter que de la rédaction d'un nouveau testament incompatible, de l'aliénation de la chose léguée ou de la destruction ou de l'altération volontaire du testament.
11. Il résulte de l'instruction que M. L... F... et son épouse Mme M... B..., décédés respectivement les 20 février 1995 et 25 février 2005, étaient titulaires d'une concession de terrain accordée le 20 janvier 1976 jusqu'au 20 janvier 2026 dans le cimetière communal de Plaisance du Touch. Ils ont demandé, et obtenu le 20 août 1991, la conversion de leur concession en une concession familiale d'une durée de 99 ans à compter du 20 août 1991. Il résulte également de l'instruction que les époux, titulaires de la concession funéraire ont, par testaments olographes du 7 mai 1985, légué au conjoint survivant, puis à M. N... D..., à Mmes G... et J... A..., le droit d'être inhumé dans le caveau faisant l'objet de la concession. L'absence de mention dans ces testaments olographe de l'acte de naissance des personnes désignées comme légataires de la concession funéraire, ne permet pas d'identifier avec certitude, comme étant l'un de ces légataires, l'appelante qui, en outre et surtout, ne revendique pas cette qualité. De plus, en l'absence de rédaction d'un nouveau testament incompatible, de l'aliénation de la chose léguée ou de la destruction ou de l'altération volontaire du testament par les testateurs, ces testaments ne peuvent être regardés comme ayant été tacitement révoqués. A cet égard, ni la donation consentie le 30 juillet 2002 par Mme M... B..., veuve de M. L... F..., à M. I... B..., son neveu, dont il n'est établi ni qu'elle aurait été passée en la forme notariée, ni qu'elle aurait fait l'objet de la part du donataire d'une acceptation expresse sous une forme authentique, ni la concession familiale contractée le 20 août 1991 par les testateurs, ne peuvent être considérés comme ayant emporté la révocation tacite des testaments rédigés en 1985. Dans ces conditions, les dispositions testamentaires de M. L... F... et de son épouse Mme M... B... qui transmettaient, à leurs décès, aux seules personnes limitativement mentionnées dans ces actes le droit d'être enterré à l'emplacement du terrain concédé, entraient en contradiction avec les stipulations de la concession de famille signée par les époux le 20 août 1991 qui donnaient ce droit aux concessionnaires puis, à leurs décès, le transmettaient à leurs successeurs, sans aucune limitation, hormis celle tenant au nombre de places prévu par le contrat de concession. Compte tenu des volontés contradictoires des fondateurs de la concession funéraire exprimées dans ces actes successifs, les titulaires de la concession en litige, au décès de ces fondateurs, n'étaient pas clairement identifiés. A cet égard, le droit de Mme K... B..., épouse de M. E... A..., sœur de Mme M... B..., d'être inhumée au jours de son décès intervenu le 25 avril 2018 à l'emplacement du terrain concédé, présentait un caractère incertain. Dès lors, et alors qu'il appartenait aux parties et notamment à l'appelante, comme les dispositions précitées de l'article 1061-1 du code de procédure civile leur permettaient de le faire, de saisir le juge d'instance pour résoudre cette contestation quant à la volonté des fondateurs décédés sur la transmission à leurs décès de la concession en litige, le maire de la commune de Plaisance du Touch a pu, sans entacher sa décision d'illégalité, refuser à Mme A..., épouse H..., fille de la défunte, le droit d'inhumer sa mère dans le caveau familial. Par suite, en l'absence d'illégalité de cette décision de refus, la responsabilité pour faute de la commune de Plaisance du Touch ne peut être engagée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A..., épouse H..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Plaisance du Touch qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'appelante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
14. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante une somme sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme A..., épouse H... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Plaisance du Touch sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... A..., épouse H... et à la commune de Plaisance du Touch.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00665