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05/11/2024 | FRANCE | N°22TL21723

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 05 novembre 2024, 22TL21723


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête, enregistrée sous le n° 2000056, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, M. B..., les sociétés Bonnery, Socotec construction, Ravalement 2 000, Colas Méditerranée, Martinez Frères à lui verser diverses indemnités en réparation de différents désordres affectant la mais

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée sous le n° 2000056, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, M. B..., les sociétés Bonnery, Socotec construction, Ravalement 2 000, Colas Méditerranée, Martinez Frères à lui verser diverses indemnités en réparation de différents désordres affectant la maison de retraite construite à Montréal de l'Aude. L'établissement a également demandé à ce même tribunal administratif la condamnation, sur le même fondement, d'une part, de la société Martinez Frères à lui régler la somme de 1 000 euros au titre de la fissuration de la poutre bois et, d'autre part, de la société F. R Pochon à lui payer la somme de 3 000 euros toutes taxes comprises au titre de la dégradation du chéneau en façade Sud.

Par une requête, enregistrée sous le n° 2003480, cet établissement a demandé à ce même tribunal de condamner solidairement M. B... et ces mêmes sociétés à lui verser diverses sommes à titre de provision sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Il lui a également été demandé de condamner, d'une part, la société Martinez Frères et d'autre part la société F. R Pochon à lui verser, pour la première, la somme de 1 200 euros toutes taxes comprises et, pour la seconde, la somme de 3 600 euros toutes taxes comprises, à titre de provision.

Par un jugement n° 2000056, 2003480 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête en référé provision n° 2003840 et a solidairement condamné, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs :

- M. B..., la société Socotec construction et l'entreprise Bonnery à verser à l'établissement de Montréal de l'Aude la somme de 3 300 euros toutes taxes comprises en réparation du désordre n° 1 ;

- M. B..., les sociétés Socotec construction et Colas France, venant aux droits de la société SCREG Sud-Est, à lui verser la somme de 23 100 euros toutes taxes comprises au titre du désordre n° 2.

Le tribunal a également condamné sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, d'une part, la société Martinez Frères à verser à l'établissement de Montréal d'Aude la somme de 1 100 euros toutes taxes comprises en réparation du désordre n° 11 et, d'autre part, la société F. R Pochon à lui verser la somme de 3 300 euros toutes taxes comprises en réparation du désordre n° 13.

Par ce même jugement, ce tribunal a condamné les sociétés Socotec construction et Bonnery à garantir M. B... à hauteur, respectivement, de 10 % et de 20 %, de sa condamnation à payer 3 300 euros toutes taxes comprises au titre du désordre n° 1. M. B... et la société Bonnery ont été réciproquement condamnés à garantir la société Socotec à hauteur, respectivement, de 70 % et de 10 % de cette même somme. Il a également condamné les sociétés Colas et Socotec à garantir M. B..., à hauteur, respectivement de 10 % et de 20 % de sa condamnation à payer la somme de 23 100 euros toutes taxes comprises au titre du désordre n° 2. M. B... et la société Colas ont été réciproquement condamnés à garantir la société Socotec construction à hauteur, respectivement, de 70 % et de 10 %. Enfin, M. B... et la société Socotec ont été condamnés à garantir la société Colas à hauteur, respectivement, de 70 % et de 20 %.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire en réplique, enregistrés le 1er août 2022, le 13 avril 2023, et le 5 octobre 2023, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude, représenté par Me Gendre demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 juin 2022 en tant qu'en premier lieu, il n'a pas condamné, solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, d'une part, M. B..., les sociétés d'exploitation Bonnery et Socotec construction à lui verser une somme de 115 500 euros toutes taxes comprises au titre des désordres n° 1, 6, 7, 8B, une somme de 6 600 euros toutes taxes comprises au titre du désordre n° 4 et une somme de 4 400 euros toutes taxes comprises au titre du désordre n° 5B, d'autre part, M. B..., les sociétés Ravalement 2000 et Socotec construction à lui verser une somme de 1 100 euros toutes taxes comprises au titre du désordre n° 5A, et enfin, M. B..., les sociétés Martinez Frères et Socotec construction à lui verser la somme de 125 400 euros au titre du désordre n° 10, qu'en deuxième lieu, il n'a pas condamné, sur le même fondement, la société Ravalement 2000 à lui verser une somme de 3 850 euros toutes taxes comprises au titre des désordres 8A et 8C et qu'en dernier lieu, il n'a pas condamné solidairement l'ensemble de ces constructeurs à lui verser les sommes de 44 616 euros toutes taxes comprises et de 25 055 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'honoraires consécutifs à la reprise des travaux ;

2°) de condamner, solidairement, sur le fondement de la garantie décennale, des constructeurs, M. B..., les sociétés d'exploitation Bonnery, Socotec construction, Ravalement 2 000 et Martinez Frères à lui verser diverses indemnités en réparation des désordres n° 1, 4, 5A, 5B, 6, 7, 8 B et 10 affectant la maison de retraite de Montréal de l'Aude, d'actualiser cette condamnation en fonction de l'indice BT01 à compter du dépôt du rapport d'expertise, de l'assortir des intérêts de retard au taux légal à compter du dépôt de ce rapport et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner la société Ravalement 2000 à lui verser une somme de 3 850 euros toutes taxes comprises au titre des désordres 8A et 8C ;

4°) de condamner solidairement M. B... et l'ensemble des sociétés précitées à lui verser une somme de 61 481 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'honoraire consécutifs aux travaux de reprise ;

5°) de mettre à la charge solidaire de M. B... et des sociétés d'exploitation Bonnery, Martinez Frères, Ravalement 2000 et Socotec construction la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur les désordres n° 8A et 8C pour lesquels il sollicitait la condamnation solidaire de M. B... et de la société Ravalement 2000 à lui verser une somme de 3 500 euros hors taxes ;

- les fissures structurelles correspondant aux désordres n° 6, 7, 8, 4, 5 qui constituent des désordres évolutifs et la dégradation des chéneaux zinc correspondant au désordre n° 10, entrent dans le champ de la garantie décennale ;

- en ce qui concerne les fissures structurelles correspondant aux désordres n° 1, 6, 7, 8B, il est en droit de prétendre à une indemnité de 115 500 euros toutes taxes comprises mise à la charge solidaire de M. B..., de la société d'exploitation Bonnery et du bureau de contrôle Socotec construction ;

- en ce qui concerne les fissures structurelles correspondant aux désordres n° 4 n° 5B, l'indemnité mise à la charge solidaire de ces mêmes constructeurs devra être évaluée respectivement à la somme de 6 600 euros toutes taxes comprises et de 4 400 euros toutes taxes comprises ;

- en ce qui concerne le désordre n° 5A, l'indemnité mise à la charge solidaire de M. B... et de la société Ravalement 2000 devra être évaluée à la somme de 1 100 euros toutes taxes comprises ;

- en ce qui concerne les fissures correspondant aux désordres n° 8A et 8C, l'indemnité mise à la charge de la société Ravalement 2000 devra être évaluée à la somme de 3 500 euros toutes taxes comprises ;

- en ce qui concerne la dégradation des chéneaux en zinc correspondant au désordre n° 10, l'indemnité mise à la charge solidaire de M. B..., de la société Martinez Frères et du bureau de contrôle Socotec construction devra être évaluée à la somme de 125 400 euros toutes taxes comprises.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 et 18 juillet 2023 et le 17 juin 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Socotec construction, représentée par Me Bène, doit être regardée comme concluant :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qui concerne sa condamnation au titre du désordre n° 2 ;

3°) à titre subsidiaire, à la condamnation de M. B... et de la société d'exploitation Bonnery à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre des désordres n° 1, 4, 5B, 6, 7 et 8B ;

4°) à la condamnation de M. B... et de la société Ravalement 2000 à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre des désordres n° 5A et 9 ;

5°) à la condamnation de M. B... et de la société Martinez Frères à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre du désordre n° 10 ;

6°) à la condamnation de M. B... et de la société Colas Méditerranée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre du désordre n° 2 ;

7°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les désordres n° 1, 6, 7, 8B, 5A, 5B ne présentent pas un caractère décennal ; la qualification de fissures structurelles donnée par l'expert à ces désordres est contestable dès lors que dans le délai d'épreuve de dix ans, ces fissures ne sont pas infiltrantes ;

- le désordre n° 4 qui n'entre pas dans le champ de la garantie décennale, ne lui est pas imputable dès lors qu'il ne se rattache pas à ses missions de contrôleur technique ;

- le désordre n° 10 qui n'a pas compromis la solidité de la couverture dans son intégralité dans le délai d'épreuve, n'est pas de nature décennale ;

- le désordre n° 2 ne lui est pas imputable dès lors qu'il ne se rattache pas à ses missions de contrôleur technique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, la société Martinez Frères, représentée par Me Lima et Me Hirtzlin-Pinçon, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation au titre du désordre n° 10 n'excède pas une indemnité correspondant à une part de responsabilité de 5 % au plus et fixée sur un montant de 25 euros le mètre linéaire.

Elle fait valoir que :

- en ce qui concerne le désordre n° 10, sa responsabilité décennale ne peut être recherchée dès lors qu'elle a respecté ses obligations contractuelles au regard des prescriptions de l'architecte et du bureau de contrôle ; si elle était néanmoins retenue, elle ne pourrait excéder 5 % ;

- l'évaluation des travaux de reprise de ce désordre par l'expert repose sur coût du mètre linéaire excessif.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 13 et 19 juillet 2023, la société Architecture Vigneu et Zilio et M. B..., représentés par Me Sagnes, doivent être regardés comme concluant :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a retenu une part de responsabilité à l'encontre de la maîtrise d'œuvre de 70 % au titre des désordres n° 1 et 2 au lieu, respectivement de 25 % et de 20 % ;

3°) à titre subsidiaire, s'ils devaient être condamnés, à ce que leur part de responsabilité n'excède pas 20 % au titre des désordres n° 1, 2, 6, 7 et 8B, 10 % au titre du désordre n° 10 pour son volet conception et 5 % au titre des désordres 5A, 5B, 9 et 10 pour son volet exécution ;

4°) à la condamnation des sociétés d'exploitation Bonnery, Socotec construction et Soulas Etec à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre à hauteur respectivement de 10 %, 15 % et 20 % au titre des désordres n° 1, 6, 7, 8 et 8B ;

5°) à la condamnation des sociétés Colas Midi Pyrénées venant aux droits de la société SCREG et Socotec construction à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre à hauteur respectivement de 50 % et 5 % au titre du désordre n° 2 ;

6°) à la condamnation des sociétés d'exploitation Bonnery et Socotec construction à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre à hauteur respectivement de 80 % et 5 % au titre du désordre n° 4 ;

7°) à la condamnation des sociétés Ravalement 2000 et Socotec construction à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre à hauteur respectivement de 80 % et 5 % au titre des désordres n° 5A et 9 ;

8°) à la condamnation des sociétés Martinez Frères et Socotec construction à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre à hauteur respectivement de 80 % et 5 % au titre du désordre n° 10 pour son volet exécution et à hauteur respectivement de 30 % et de 15 % au titre ce même désordre pour son volet conception ;

9°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant ou de toute partie succombante la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- les condamnations prononcées par les premiers juges à l'encontre de M. B... ainsi que les appels en garantie doivent être confirmés ;

- la garantie décennale de la maîtrise d'œuvre ne peut être engagée pour les désordres n° 1, 6, 7, 8 et 8B qui, s'il sont de nature décennale, ne lui sont pas imputables dès lors qu'elle n'était pas titulaire de la mission EXE comprenant les études d'exécution des ouvrages réalisés ; cette mission était à la charge des entreprises qui devaient fournir leurs plans d'exécution pour visa des maîtres d'œuvre et du bureau de contrôle ; de plus, elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses missions ;

- elle ne peut pas davantage être engagée au titre des désordres n° 2, 4, 5A et 5B qui sont de nature décennale, dès lors que la mission Exe n'était pas à la charge de la maîtrise d'œuvre pour les désordres n° 2 et 4 et que l'imputabilité des désordres n° 5A et 5B au titre de la mission direction de l'exécution des contrats de travaux ne peut qu'être résiduelle ; au titre des désordres n° 5A et 5B, sa part de responsabilité ne peut excéder 5% ;

- sa part de responsabilité concernant le désordre n° 9 ne peut excéder 5 % ;

- sa responsabilité décennale doit être exclue pour le volet exécution du désordre n° 10, de nature décennale, dès lors qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission de direction de l'exécution des contrats de travaux publics ; s'agissant du défaut de conception à l'origine de ce désordre, sa responsabilité doit être limitée à 10 % ;

- les frais d'honoraires consécutifs aux travaux de reprises sollicités par l'appelant ne peuvent être supérieur à 13 % du montant des travaux de reprise des désordres, soit 17 940 euros toutes taxes comprises.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2023, la société Ravalement 2000, représentée par Me Todorova, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- il n'est pas contestable que le jugement attaqué ne fait pas mention des désordres n° 8A et 8C ;

- les fissures correspondant à ces désordres pour lesquels l'expert n'explique pas les raisons qui le conduisent à considérer qu'elles produiront dans les années à venir des infiltrations, ne présentent pas un caractère décennal ; le phénomène de fissuration est dû à un problème de structure qui ne lui est pas imputable ;

- sa garantie décennale ne peut être engagée au titre du désordre n° 5A qui ne correspondait pas, à la date des opérations d'expertise, à une fissure infiltrante et ne présentait pas de caractère certain ;

- la demande concernant les honoraires consécutifs aux travaux de reprise n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 août et le 27 novembre 2023, la société d'exploitation Bonnery, représentée par Me Boulet-Gercourt, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, si elle devait être condamnée, à ce que sa part de responsabilité n'excède pas 10 % au titre des désordres n° 1, 6, 7, 8 et 8B, 80 % au titre des désordres n° 4 et 5B et que sa condamnation n'excède pas 2 886 euros toutes taxes comprises au titre des honoraires consécutifs aux travaux de reprise ;

3°) à ce que toute condamnation au titre des honoraires consécutifs aux travaux de reprise et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne soit pas prononcée uniquement à son encontre, de M. B... et des sociétés Martinez Frères, Ravalement 2000 et Socotec construction mais aussi à l'encontre des sociétés Colas et F. R Pochon ;

4°) à la condamnation de M. B... et de la société Socotec construction à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 90 % au titre des désordres n° 1, 6, 7, 8 et 8B et à hauteur de 20 % au titre des désordres n° 4 et 5B ;

5°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les désordres pour lesquels sa responsabilité est engagée, ne présentent pas un caractère décennal ; les fissures correspondant aux désordres n° 6, 7, 8 et 8B ne sont pas infiltrantes à la date du rapport d'expertise ni dans le délai d'épreuve de dix ans ; ces désordres qui sont purement esthétiques ne sauraient porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ni compromettre sa destination ; de plus, ces désordres ne lui sont pas imputables puisqu'ils résultent uniquement d'un défaut de conception ;

- concernant le désordre n° 4, le caractère infiltrant de cette fissure n'est pas démontré ;

- concernant le désordre n° 5, il ne présente pas un caractère certain dès lors que les infiltrations à venir ne sont qu'hypothétiques ;

- les frais annexes préconisés par l'expert ne sont pas explicités et apparaissent disproportionnés ;

- si sa responsabilité était retenue au titre des désordres n° 1, 6, 7, 8 et 8B, elle ne pourrait excéder 10 % et M. B... et la société Socotec construction devraient la garantir pour le surplus ;

- si sa responsabilité était retenue au titre des désordres n° 4 et 5B, elle ne pourrait excéder 80 % et M. B... et la société Socotec construction devraient la garantir pour le surplus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2023, la société Colas, représentée par Me Inquimbert, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et de l'appel en garantie relevé à son encontre par M. B..., les sociétés Vigneu et Zilio et Socotec construction ;

2°) à titre subsidiaire, si elle devait être condamnée, à ce que sa part de responsabilité n'excède pas 50 % au titre du désordre n° 2 et que sa contribution aux frais d'honoraires consécutifs aux travaux de reprise n'excède pas 4,5 % du montant total des dommages estimés à 235 000 euros hors taxes ;

3°) à la condamnation de M. B..., des sociétés Vigneu et Zilio, Bonnery, Socotec construction, Martinez Frères, F.R Pochon et Ravalement 2000 à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le caractère décennal du désordre n° 2 n'est pas contestable ;

- le désordre qui est dû principalement à un défaut de conception, est imputable à la maîtrise d'œuvre et non à un défaut d'exécution de sa part ; quant au contrôleur technique, il n'a émis aucune observation sur l'absence de remblai technique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2023, la société F.R Pochon, représentée par Me Lambert, doit être regardée comme concluant :

1°) au rejet de la demande de condamnation solidaire formulée par la société d'exploitation Bonnery à son encontre au titre des honoraires consécutifs aux travaux de reprise et des frais exposés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, à la limitation de sa condamnation au titre des honoraires consécutifs aux travaux de reprise d'une part, et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice, d'autre part, respectivement, à la somme de 678,13 euros et à 1,15 % des sommes allouées par la juridiction ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société d'exploitation Bonnery une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les demandes de condamnations solidaires de la société d'exploitation Bonnery formulées à son encontre ne peuvent qu'être rejetées.

Par un mémoire en observations, enregistré le 25 septembre 2024, la société Omnium technique d'études de la construction et l'équipement en Languedoc-Roussillon, représentée par Me Gasq conclut :

1°) au rejet de toute demande dirigée à son encontre ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de tout succombant une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle n'est mise en cause ni par l'appelant ni par aucun autre défendeur ; elle n'est donc pas partie à la procédure.

En application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par lettre du 9 octobre 2024, que la cour est susceptible de soulever d'office :

- l'irrecevabilité de l'appel principal de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude en ce qui concerne le désordre n° 1 en l'absence d'intérêt à agir de cet établissement pour ce désordre dès lors qu'il ne soutient pas que le montant de l'indemnité obtenue à ce titre serait insuffisant et se borne à demander à être indemnisé d'une somme globale de 115 500 euros toutes taxes comprises, identique à celle réclamée en première instance, pour un ensemble de désordres comprenant entre autres le désordre n°1 ;

- l'irrecevabilité de l'appel incident de M. B... et de la société d'Architecture Vigneu et Zilio et des conclusions d'appel en garantie de la société Socotec construction et de la société d'exploitation Bonnery en ce qui concerne le désordre n° 1 dès lors que pour les motifs exposés dans le premier moyen soulevé d'office, l'appel principal en ce qui concerne ce désordre est irrecevable ;

- l'irrecevabilité de l'appel incident de la société Socotec construction et de M. B... et de la société d'architecture Vigneu et Zilio en ce qui concerne le désordre n° 2 et de leurs conclusions d'appel en garantie pour les désordres n° 2 et n° 9 qui présentent à juger un litige distinct de celui délimité par l'appel principal ;

- l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie de la société d'exploitation Bonnery en ce qui concerne les désordres n° 6, 7, 8B, 4 et 5B qui sont présentées pour la première fois en appel et sont donc nouvelles ;

- l'irrecevabilité des conclusions de la société Bonnery au titre des honoraires consécutifs aux travaux de reprise et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tendant à ce qu'elles soient également prononcées à l'encontre des sociétés Colas et F.R. Pochon, qui sont présentées pour la première fois en appel et sont donc nouvelles.

Des réponses à ces moyens ont été présentées le 10 octobre 2024 pour l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude, et le 14 octobre 2024 pour la société d'exploitation Bonnery.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 93-1263 du 29 novembre 1993 ;

- le décret n° 99-443 du 28 mai 1999 relatif au cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de contrôle technique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lonjou substituant Me Gendre, représentant l'établissement appelant, et celles de Me Todorova, représentant la société Ravalement 2000.

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat du 15 novembre 2004, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude a confié au groupement solidaire, constitué notamment de M. A... B..., la maîtrise d'œuvre des travaux pour la construction d'une maison de retraite à Montréal de l'Aude (Aude). Par des marchés du 15 juillet 2007, le lot n° 1 " gros œuvre " a été attribué à la société d'exploitation Bonnery, le lot n° 2 " charpente-couverture-zinguerie " à la société Martinez Frères, le lot n° 3 "étanchéité", à la société

F.R. Pochon, le lot n° 4 " enduits " à la société Ravalement 2000 et le lot n° 20 " terrassement-voirie " à la société SCREG aux droits de laquelle intervient désormais la SAS Colas France. Le contrôle technique des travaux a été confié au bureau de contrôle Socotec construction par marché du 27 octobre 2005. La réception des travaux a été prononcée avec réserves selon procès-verbal du 16 mars 2009, lesquelles ont été levées le 2 décembre 2009.

2. Entre 2013 et 2015, plusieurs désordres se sont déclarés, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du bâtiment, constitués de fissures au niveau du gros œuvre du bâtiment, de traces noirâtres, de défauts d'étanchéité et de phénomènes de désolidarisation des chéneaux en zinc. Ces désordres ont fait l'objet d'un constat d'huissier dressé le 14 décembre 2017 à la demande de l'établissement. Ce dernier a sollicité et obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, par une ordonnance du 30 mars 2018, la désignation d'un expert chargé de décrire les désordres précités, d'en déterminer l'origine, de se prononcer sur leur imputabilité et de chiffrer les coûts nécessaires à leur réparation. L'expert a remis son rapport le 26 septembre 2019. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner les constructeurs précités à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. Il a également sollicité, en application des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, l'octroi d'une provision.

3. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude relève appel du jugement du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il n'a pas condamné solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, d'une part, M. B..., les sociétés d'exploitation Bonnery et Socotec construction à lui verser une somme de 115 500 euros toutes taxes comprises au titre des désordres n° 1, 6, 7, 8B, une somme de 6 600 euros toutes taxes comprises au titre du désordre n° 4 et une somme de 4 400 euros toutes taxes comprises au titre du désordre n° 5B, d'autre part, M. B..., les sociétés Ravalement 2000 et Socotec construction à lui verser une somme de 1 100 euros toutes taxes comprises au titre du désordre n° 5A, et enfin M. B..., les sociétés Martinez Frères et Socotec construction à lui verser la somme de 125 400 euros au titre du désordre n° 10. L'établissement demande également la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas condamné, sur le fondement de la garantie décennale, la société Ravalement 2000 à lui verser une somme de 3 850 euros toutes taxes comprises au titre des désordres 8A et 8C. Enfin, l'établissement demande la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas condamné solidairement l'ensemble de ces constructeurs à lui verser les sommes de 44 616 euros toutes taxes comprises et de 25 055 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'honoraires consécutifs à la reprise des travaux.

4. Par la voie de l'appel incident, M. B... et la société d'architecture Vigneu et Zilio concluent à la réformation du jugement en tant qu'il a retenu une part de responsabilité à l'encontre de la maîtrise d'œuvre de 70 % au titre des désordres n° 1 et 2 au lieu, respectivement de 25 % et de 20 %. Par ailleurs, la société Socotec conclut à la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée solidairement au titre du désordre n° 2.

Sur la recevabilité de l'appel principal :

5. A l'article 2 du dispositif de leur décision, les premiers juges ont condamné solidairement M. B... et les sociétés Socotec construction et Bonnery à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude la somme de 3 300 euros toutes taxes comprises en réparation de la fissure biaise correspondant au désordre

n° 1. L'établissement qui ne soutient pas, en appel, que l'indemnisation obtenue pour ce désordre serait insuffisante, ne saurait demander à être indemnisé d'une somme globale de 115 500 euros toutes taxes comprises, identique à celle sollicitée en première instance, pour un ensemble de désordres comprenant le désordre n° 1. Par suite, l'appelant qui doit être regardé comme ayant obtenu satisfaction en ce qui concerne le désordre n° 1, ne justifie pas d'un intérêt à faire appel de l'article 2 du dispositif du jugement attaqué lui octroyant la somme de 3 300 euros à ce titre. Ainsi, au titre des désordres n° 1, 6, 7 et 8B, l'établissement n'est recevable qu'à demander l'indemnisation des désordres n° 6, 7, et 8 B à hauteur de 112 200 euros demandée toutes taxes comprises.

Sur la recevabilité des conclusions de la société Socotec construction, de M. B... et de la société d'architecture Vigneu et Zilio :

6. En premier lieu, dès lors que, pour les motifs exposés au point 5, l'appel principal de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude est irrecevable en ce qui concerne le désordre n°1, l'appel incident et les conclusions d'appel en garantie formés par M. B... et la société d'architecture Vigneu et Zilio, ainsi que les conclusions d'appel en garantie formées par la société Socotec construction au titre de ce désordre, sont irrecevables.

7. En second lieu, aux termes de l'article R. 811-2 du code de la justice administrative : " (...) le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) "

8. Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié, respectivement, à la société Socotec construction et à M. B... les 23 juin et 13 juillet 2022. Dès lors, les conclusions présentées respectivement par ces parties les 11 et 13 juillet 2023 ne constituent pas des conclusions d'appel principal.

9. Il en résulte que l'appel incident et les conclusions d'appel en garantie de ces parties afférentes aux désordres décennaux n° 2 et n° 9, correspondant à l'affaissement du sol et à la dégradation d'enduits, sont relatifs à des désordres distincts de ceux sur lesquels porte l'appel principal, à savoir les désordres n° 4, 5A , 6, 7, 8A, B et C et 10, et présentent ainsi à juger un litige distinct. Elles sont, par suite, irrecevables.

Sur la recevabilité des conclusions de la société d'exploitation Bonnery :

10. En premier lieu, pour les motifs exposés au point 5, les conclusions d'appel en garantie formées par la société d'exploitation Bonnery au titre du désordre n° 1 sont irrecevables.

11. En deuxième lieu, les conclusions d'appel en garantie de la société d'exploitation Bonnery en ce qui concerne les désordres n° 6, 7, 8B, 4 et 5B qui sont présentées pour la première fois en appel, sont nouvelles et, par suite, irrecevables.

12. De même, les conclusions de la société d'exploitation Bonnery tendant à ce que les sociétés Colas et F.R Pochon soient condamnés solidairement avec elle dans l'hypothèse où elle serait condamnée au titre des honoraires consécutifs aux travaux de reprise et/ou sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont présentées pour la première fois en appel et ne sont, par suite, pas recevables.

Sur la régularité du jugement attaqué :

13. Devant les premiers juges, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude a notamment demandé en première instance l'indemnisation des désordres 8A et 8C correspondant à des fissures résultant d'une mise en œuvre inappropriée des joints de dilatation par la société Ravalement 2000 pour un montant de 4 950 euros toutes taxes comprises. Ainsi que le soutient à juste titre l'appelant, le tribunal a omis de se prononcer sur ces désordres et entaché sur ce point son jugement d'irrégularité.

14. Dans ces conditions, il y a lieu pour la cour d'annuler pour irrégularité le jugement attaqué, en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude relatives aux désordres n° 8A et 8C subis par la maison de retraite, de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions, et de se prononcer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur les conclusions de l'établissement tendant à l'indemnisation des autres désordres affectant le bâtiment évoqués dans sa requête d'appel.

Sur la demande de première instance fondée sur la garantie décennale des constructeurs de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude portant sur les désordres n° 8A et 8C :

15. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

16. Il résulte du rapport d'expertise que les désordres n° 8A et 8C, affectant les pignons des corps de bâtiment le plus à l'Est de l'unité protégée et de l'unité 2, correspondent à des fissures de retrait/dilatation à la jonction de matériaux de nature et/ou de comportement différents. Le rapport précise que sans intervention réparatrice, elles provoqueront des infiltrations dans l'établissement dans les années à venir. Toutefois, alors que la société Ravalement 2000 s'était prévalue, au cours des opérations d'expertise, de l'homogénéité, constatée par son propre expert, de la maçonnerie des pignons constituée uniquement de parpaings, le rapport, sans apporter la moindre explication ou réfutation technique, se borne à écarter cet élément qui était, pourtant, de nature à s'interroger sur l'existence du phénomène de dilation différentielle, laquelle suppose la présence de matériaux de nature différente à l'origine, selon l'expertise, de ces fissures. De plus, l'expert qui, au demeurant, n'a procédé à aucune mesure de l'ouverture de ces fissures et n'a pas utilisé le gaz traceur pour les murs de l'unité protégée et de l'unité 2, ne précise pas les caractéristiques de ces fissures permettant de conclure au caractère certain du phénomène d'infiltration dans les années à venir, de nature à rendre impropre à sa destination le bâtiment et à compromettre sa solidité. Dans ces conditions, le caractère décennal des désordres n° 8A et 8C ne peut être regardé comme étant établi.

17. Il en résulte que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude n'est pas fondé à demander à être indemnisé, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, au titre des désordres n° 8A et 8C.

Sur l'appel principal de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude :

En ce qui concerne le caractère décennal de désordres :

S'agissant du désordre 5A :

18. Selon l'expertise, le désordre n° 5A correspond à une fissure située au niveau de l'angle rentrant dans la zone de l'unité protégée.

19. La société Ravalement 2000, qui conteste les conclusions de l'expert concernant le désordre n°5, n'apporte aucun élément ou appréciation technique de nature à les écarter. Toutefois, l'expert qui, au demeurant, n'a procédé à aucune mesure de l'ouverture de cette fissure et n'a pas utilisé le gaz traceur pour les murs de l'unité protégée, ne précise pas les caractéristiques de cette fissure permettant de conclure au caractère certain du phénomène d'infiltration dans les années à venir de nature à rendre impropre à sa destination le bâtiment et à compromettre sa solidité. Dans ces conditions, le caractère décennal du désordre n° 5 ne peut être regardé comme étant établi et le jugement attaqué du tribunal administratif de Montpellier doit être confirmé sur ce point.

S'agissant des désordres n° 6, 7 et 8B :

20. Il résulte du rapport d'expertise que les désordres n° 6, 7 et 8B correspondent à de nombreuses fissures affectant les murs bordant le toit-terrasse entre le bâtiment principal et les différentes unités qui lui sont perpendiculaires. Selon les conclusions de l'expertise, ces fissures sont la conséquence de variations dimensionnelles de la maçonnerie sous l'effet de contraintes thermiques différentielles. La zone en toit-terrasse qui, étant plus isolée, bénéficie d'une température plus constante, est peu soumise à des variations dimensionnelles et constitue un " point dur " par opposition aux murs en maçonnerie dont la température peut varier fortement. Les fissures correspondant aux désordre n° 6, 7 et 8B se sont développées aux endroits où les variations dimensionnelles sont les plus fortes. De plus, l'expertise relève que les distances entre les joints de dilatation dans la zone de l'unité protégée et dans la " zone administration " sont très importantes.

21. Aux termes de cette analyse, l'expert conclut que ce phénomène de variation dimensionnelle de la maçonnerie est directement lié à la conception architecturale du bâtiment qui aurait dû prévoir la mise en place de joints de dilatation supplémentaires. Les fissures affectant les murs bordant le toit-terrasse qui sont, selon l'expert, la conséquence d'un fonctionnement anormal de la structure et compromettent sa solidité, ont une nature structurelle et pas simplement esthétique.

22. La société d'exploitation Bonnery conteste la méthode employée par l'expert au motif qu'il s'est fondé sur les constats réalisés au cours des investigations menées dans le cadre du désordre n° 12, d'une nature différente. Toutefois, pour déterminer la nature et la cause des fissures correspondant aux désordres n° 6, 7 et 8B en litige, l'expert, qui s'est aussi appuyé sur ses constatations visuelles in situ ainsi que sur ses connaissances et son expérience du comportement des matériaux, ne s'est pas exclusivement fondé sur ses recherches de fuites avec gaz traceur. De plus, la société d'exploitation Bonnery n'apporte aucune précision ou élément de nature à établir que la technique utilisée par l'expert de recherche de fuites d'eau avec gaz traceur, qui a permis de révéler la présence de gaz au droit de plusieurs fissures situées au-dessus des relevés au niveau des murs Sud et Nord des terrasses de l'unité 3 et de l'unité 1, ne permettrait pas d'établir la présence de fissures infiltrantes. Enfin, la seule circonstance que les deux essais d'arrosage réalisés le 12 avril 2019 au niveau du mur Nord, côté Ouest de la terrasse de l'unité 3, et au niveau de la terrasse de l'unité 1, n'ont pas permis de déceler le caractère infiltrant des fissures arrosées, ne permet pas d'écarter la réalisation à venir de ce désordre. D'une part, ces essais d'arrosage n'ont pas été effectués sur les fissures correspondant aux désordres n° 6, 7 et 8. D'autre part, même si ces essais n'ont pas été concluants, ils n'ont duré qu'une courte période pour ne pas endommager le bâtiment.

23. Il résulte de ce qui précède que compte tenu des conclusions précises de l'expert, même si à la date des opérations d'expertise, les fissures en litige constatées dans le délai d'épreuve de dix ans, n'étaient pas infiltrantes, le phénomène d'infiltration de nature structurelle et dont la réalité n'est pas sérieusement démentie par les sociétés intimées, était néanmoins, en l'absence de travaux de reprise, inéluctable et de nature à compromettre, à terme, la solidité des bâtiments. Dès lors, les fissures correspondant aux désordres n° 6, 7 et 8B engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montpellier.

S'agissant du désordre n° 4 :

24. Le rapport d'expertise indique que le désordre n° 4, correspondant à une lézarde dans la zone du patio de l'unité protégée de 4 millimètres d'ouverture, témoigne d'un fonctionnement anormal de la structure et compromet sa solidité. Selon ce rapport, les investigations techniques ont mis en évidence que l'absence de joints de dilatation en partie haute au niveau de l'acrotère, puis en partie basse au niveau de la longrine, est à l'origine de la fissuration. Cette absence de joints de dilatation crée des variations dimensionnelles différentielles au niveau du mur exposé Sud, et situé à la jonction entre deux blocs, qui sont à l'origine de l'apparition des fissures.

25. Contrairement à ce que soutient la société d'exploitation Bonnery, les conclusions de l'expertise sont parfaitement étayées, en particulier en ce qui concerne les caractéristiques et le phénomène de variation dimensionnelle différentielle à l'origine de l'apparition de la fissure en litige, d'une taille importante. Dès lors, même si à la date des opérations d'expertise, la lézarde, constatée dans le délai d'épreuve de dix ans, n'était pas infiltrante, le phénomène d'infiltration, dont la réalité n'est pas utilement démentie par les sociétés intimées, était néanmoins, en l'absence de travaux de reprise, inéluctable et de nature à compromettre, à terme, la solidité des bâtiments. La lézarde correspondant au désordre n° 4 présente dès lors un caractère décennal, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif.

S'agissant du désordre n° 5B :

26. Selon l'expertise, le désordre n° 5B correspond à une fissure importante du béton avec dégradation du matériau au niveau de l'angle rentrant de l'unité 1. Elle a pour cause l'absence de joints de dilation en partie haute du mur. L'expertise relève que cette fissure entraînera, dans les années à venir, des chutes de morceaux de béton et des infiltrations à l'intérieur du bâtiment.

27. Si la société d'exploitation Bonnery soutient que les infiltrations sont hypothétiques et insusceptibles de se produire dans le délai de garantie décennale, elle n'apporte toutefois aucun élément technique de nature à réfuter le caractère certain du phénomène d'infiltration affirmé par l'expert. Ainsi, compte tenu des conclusions précises de l'expertise, notamment en ce qui concerne les caractéristiques de la fissure, le désordre en cause avec ses conséquences à venir, constaté au cours du délai d'épreuve de la garantie décennale, est de nature à rendre l'ouvrage, qui est un établissement accueillant des personnes âgées dépendantes, impropre à sa destination, alors même que ce désordre ne se serait pas révélé dans toute son étendue avant l'expiration du délai de dix ans et que l'absence de précision sur cette échéance n'est pas de nature à lui ôter son caractère décennal dès lors que le processus d'aggravation est inéluctable, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montpellier.

S'agissant du désordre n° 10 :

28. Le désordre n° 10 correspond aux dégradations des chéneaux en zinc des différentes unités de l'établissement. Selon le rapport d'expertise, ces dégradations sont la conséquence de nombreuses malfaçons qui se rapportent, d'une part, à une absence de maîtrise de la dilatation du zinc ayant entraîné des fissures et des craquelures et, d'autre part, à une conception et à une mise en œuvre des chéneaux dépourvus de pente, provoquant des phénomènes de stagnation de l'eau et d'infiltrations par les fissures au fil des années qui ont pour conséquence de dégrader la structure porteuse en bois. L'expert relève que la solidité du chéneau est compromise et qu'au fil du temps, la dégradation va gagner les fermettes qui prolongent l'ossature porteuse du chéneau. Dans ces conditions, la solidité du bâtiment serait compromise avec un risque d'effondrement de la couverture.

29. Il résulte de l'instruction que ce désordre est de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage et qu'il présente ainsi un caractère décennal, qui n'est d'ailleurs contesté ni par la maîtrise d'œuvre ni par la société Martinez Frères. De plus, la société Socotec construction n'apporte aucun élément de nature à contredire sérieusement les conclusions particulièrement circonstanciées de l'expert sur l'origine du phénomène de dégradation des chenaux en zinc et sur ses conséquences quant à la solidité du bâtiment. Dès lors, le désordre n° 10, constaté au cours du délai d'épreuve de la garantie décennale, est de nature à compromettre progressivement la solidité des bâtiments et à les rendre impropres à leur destination. Ce processus d'aggravation étant inéluctable, le désordre n° 10 présente un caractère décennal, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montpellier.

En ce qui concerne l'imputabilité des désordres :

30. La responsabilité décennale d'un constructeur peut être engagée dès lors que les désordres lui sont imputables en ce qu'ils ne sont pas sans lien avec son intervention dans l'acte de construire.

S'agissant des désordres n° 6, 7 et 8B

31. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le phénomène de fissuration, correspondant aux désordres n° 6, 7 et 8B, est directement lié à la conception architecturale du bâtiment qui aurait dû prévoir la mise en œuvre de joints de dilatation supplémentaires.

32. La maîtrise d'œuvre fait valoir que ces désordres ne peuvent lui être imputés dès lors que la mission EXE ne lui était pas confiée par l'acte d'engagement du 15 novembre 2004. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les désordres en cause ne proviennent pas d'un défaut d'exécution mais d'un défaut de conception. De plus, la maîtrise d'œuvre, qui était notamment titulaire d'une mission PRO et DET, avait à sa charge la réalisation d'études de projet précisant la nature et les caractéristiques des matériaux employés et les conditions de leur mise en œuvre, et devait aussi s'assurer que les documents d'exécution ainsi que les ouvrages en cours de réalisation respectaient les conclusions techniques des études effectuées. La maîtrise d'œuvre soutient également qu'ayant pris en compte la problématique des joints de dilatation, elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa garantie décennale. Toutefois, à supposer même qu'elle n'ait commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles, cette circonstance n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale dès lors que les désordres en litige se rattachent au périmètre de son intervention. Ainsi, les désordres décennaux n° 6, 7 et 8B, qui ont pour origine une mauvaise conception du bâtiment, doivent être regardés comme étant imputables à la maîtrise d'œuvre, et donc à M. B... en tant que mandataire solidaire du groupement de maîtrise d'œuvre.

33. Ces désordres sont également imputables à la société Socotec construction à laquelle il appartenait, en qualité de contrôleur technique chargé d'une mission LP, laquelle incluait la vérification de la solidité des ouvrages et équipements dissociables et indissociables, d'identifier et de signaler au maître de l'ouvrage un tel défaut de conception de nature à affecter la solidité des bâtiments,

34. De plus, du fait de sa participation aux opérations de conception des bâtiments, ces désordres sont également imputables à la société Soulas Etec, bureau d'étude de réalisation de la société d'exploitation Bonnery qui avait en charge la fourniture des plans d'exécution de structure béton armé.

35. Enfin, dès lors qu'il appartenait à la société d'exploitation Bonnery, titulaire du lot

" gros œuvre " du chantier de construction de la maison de retraite de vérifier la pertinence des plans d'exécution de structure béton armé réalisés par la société Soulas Etec, et qu'elle est intervenue dans les opérations de construction, les désordres n° 6, 7 et 8B doivent être regardés comme lui étant imputables. Sa responsabilité décennale doit, par suite, être engagée au titre de ces désordres.

S'agissant des désordres n° 4 et 5B :

36. Il résulte du rapport d'expertise que les malfaçons correspondant aux désordres n° 4 et 5B sont dues, pour le premier de ces désordres, à une installation défectueuse de la longrine en l'absence de mise en place de goujons et de joints de dilatation suffisants et, pour le second, à une méconnaissance du joint de dilatation en partie haute du mur de l'angle rentrant de l'unité 1. Ce défaut d'exécution est imputable à la société d'exploitation Bonnery qui était titulaire du lot gros œuvre du chantier de construction de la maison de retraite.

37. De plus, si la maîtrise d'œuvre fait valoir que ces désordres ne lui sont pas imputables dès lors que la mission d'établissement des plans EXE incombait à son bureau d'études BET Virelizier, l'acte d'engagement du 15 novembre 2004 met cependant à sa charge une mission VISA et une mission DET. A ce titre, il lui incombait de vérifier les études d'exécution produites par le bureau d'études Soulas Etec de la société d'exploitation Bonnery et d'émettre un avis sur leur conformité architecturale au projet de conception. Ainsi, à supposer même qu'elle n'ait commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles, cette circonstance n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité au titre de la garantie décennale. Il en résulte que les désordres décennaux n° 4 et 5B se rattachent aux obligations contractuelles de la maîtrise d'œuvre et doivent être regardés comme étant imputables à cette dernière, et donc à M. B....

38. Pour les mêmes motifs qu'au point 33, ces désordres sont également imputables à la société Socotec construction.

S'agissant du désordre n° 10 :

39. Il résulte du rapport d'expertise que la dégradation des chéneaux en zinc des différentes unités correspondant au désordre n° 10 est le résultat, de façon prépondérante, de malfaçons dans les travaux effectués par la société Martinez Frères, qui a posé les joints de dilation et méconnu les longueurs entre ces joints. Le défaut d'exécution est imputable à la société Martinez Frères qui était titulaire du lot charpente-couverture-zinguerie. Cette société ne conteste d'ailleurs pas que les malfaçons à l'origine de ces désordres lui sont imputables.

40. De plus, contrairement à ce que soutient la maîtrise d'œuvre, ce désordre qui est également la conséquence d'une absence de pente, de trop-plein et d'un nombre insuffisant de descentes d'eaux pluviales, correspond à un défaut de conception. En outre, la maîtrise d'œuvre avait également en charge une mission DET. Il lui incombait ainsi de s'assurer que les travaux réalisés par la société Martinez frères respectaient les études effectuées, tant en ce qui concerne le nombre de joints de dilatation que la longueur entre ces joints. Par suite, le désordre décennal

n° 10 qui a pour origine une mauvaise conception des pentes dans les chéneaux et une absence de respect des études concernant les joints de dilatation, se rattache au périmètre de l'intervention de la maîtrise d'œuvre et doit être regardé comme étant également imputable à M. B....

41. Enfin, pour les mêmes motifs qu'au point 33, ce désordre est également imputable à la société Socotec construction.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

S'agissant des désordres n° 6, 7 et 8B :

42. Pour remédier aux désordres n° 1, 6, 7 et 8B, l'expert, après avoir écarté la mise en œuvre de joints de dilatation supplémentaires compte des travaux très lourds qu'elle entraînerait, a retenu la solution consistant en un traitement adapté des fissures et la mise en œuvre d'un habillage de façade sur l'ensemble des murs et pignons concernés. Se fondant sur un devis fourni par l'entreprise d'exploitation Bonnery, l'expert a estimé que le montant global pour la reprise de ces désordres s'élève à 105 000 euros hors taxes.

43. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude ayant déjà obtenu devant les premiers juges une indemnité de 3 300 euros toutes taxes comprises, soit 2 970 euros hors taxes, au titre du désordre n° 1 que l'expert avait regroupé avec les désordres dont il est ici demandé réparation et ne contestant pas le montant de cette indemnité, il n'est en droit de prétendre qu'à une indemnité d'un montant de 102 030 euros hors taxes en réparation des désordres n° 6, 7 et 8B. Il s'ensuit qu'il y a lieu de condamner solidairement M. B..., mandataire solidaire du groupement de maîtrise d'oeuvre, la société Socotec construction et la société d'exploitation Bonnery à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude une somme 102 030 euros hors taxes en réparation de ces désordres.

S'agissant des désordres n° 4 et 5B :

44. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que pour remédier aux désordres n° 4 et 5B une reconstitution du joint de dilatation, permettant le déplacement horizontal de la longrine et un traitement adapté des fissures extérieures pour le désordre n° 4, et un rétablissement du joint de dilatation pour le désordre n° 5B, sont nécessaires. Sur la base des devis fournis par la société d'exploitation Bonnery, l'expert a évalué le montant des travaux de reprise à la somme de 6 000 euros hors taxes pour le désordre n° 4 et à la somme de 4 000 euros hors taxes pour le désordre n° 5B.

45. Par suite, il y a lieu de condamner solidairement M. B..., la société d'exploitation Bonnery, et la société Socotec construction, à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude une somme de 6 000 euros hors taxes en réparation du désordre n° 4 et une somme de 4 000 euros hors taxes en réparation du désordre n° 5B.

S'agissant du désordre n° 10 :

46. Pour remédier à la dégradation des chéneaux en zinc des différentes unités de l'établissement, l'expert a estimé qu'il était nécessaire de réaliser des travaux de dépose de l'ensemble, de pose de nouveaux chéneaux en conformité avec les règles de l'art, de nettoyage et/ou de mise en peinture des bandeaux des façades concernées. Il a estimé à 114 000 euros hors taxes le montant de ces travaux. Si la société Martinez Frères conteste cette estimation, elle n'apporte cependant aucun devis actualisé établissant que ces travaux devraient être facturés au prix de 25 euros le mètre linéaire.

47. Dès lors, il y a lieu de condamner solidairement M. B..., la société Martinez Frères et la société Socotec construction, à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude une somme de 114 000 euros hors taxes comprises en réparation du désordre n° 10.

S'agissant des frais annexes :

48. Il résulte de l'instruction que les travaux de réparation nécessaires pour remédier aux désordres en litige, compte tenu de leur nature et de leur ampleur, imposeront au maître d'ouvrage de supporter des frais de maîtrise d'œuvre, de contrôle technique et de coordination de sécurité et de protection de la santé. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que ces frais peuvent être évalués à 13 % du montant total hors taxes des travaux, ce pourcentage correspondant au coût moyen des honoraires de maîtrise d'œuvre, de contrôle technique et de coordination des intervenants. Ni le principe ni le montant de ces frais ne sont sérieusement contestés par les constructeurs dont la responsabilité décennale est engagée.

49. Dans ces conditions, s'agissant des désordres n° 6, 7 et 8B, la condamnation solidaire prononcée à l'encontre de M. B..., de la société Socotec construction et de la société d'exploitation Bonnery à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude une somme 102 030 euros hors taxes en réparation de ces désordres, sera majorée de la somme 13 263 euros hors taxes au titre des frais annexes.

50. S'agissant des désordres n° 4 et 5B, la condamnation solidaire prononcée à l'encontre de M. B..., de la société d'exploitation Bonnery, et de la société Socotec construction à verser à l'Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude une somme de 6 000 euros hors taxes en réparation du désordre n° 4 et une somme de 4 000 euros hors taxes en réparation du désordre n° 5B, sera majorée respectivement de la somme de 780 euros hors taxes et de la somme de 520 euros hors taxes.

51. S'agissant du désordre n° 10, la condamnation solidaire de M. B..., de la société Martinez Frères et de la société Socotec construction, à verser à l'Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude une somme de 114 000 euros hors taxes en réparation de ce désordre, sera majorée de la somme de 14 872 euros hors taxes.

52 En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que la nécessité des frais d'assistance à maîtrise d'ouvrage soit justifiée.

S'agissant de l'application d'un coefficient de revalorisation au prix des travaux de réparation :

53. Si l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude demande l'indexation des sommes allouées sur l'indice BT01 du coût de la construction, l'évaluation des dommages subis doit être faite à la date à laquelle, leur cause ayant été déterminée et leur étendue prévisible étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à y remédier et à les réparer. En l'espèce, cette date est celle du 26 septembre 2019, à laquelle l'expert a déposé son rapport, lequel définit avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires. L'établissement ne justifie ni même n'allègue s'être trouvé dans l'impossibilité technique ou financière de faire effectuer les travaux à cette période. Sa demande d'actualisation ne peut donc être accueillie.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

54. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude a droit aux intérêts au taux légal sur les sommes mises à la charge des constructeurs à compter de la date d'introduction de sa demande devant le tribunal administratif de Montpellier, soit le 6 janvier 2020. Il y a lieu d'accorder la capitalisation demandée pour les intérêts échus à compter du 6 janvier 2021, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

55. Il résulte de ce qui précède que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur la garantie décennale des constructeurs tendant à la condamnation solidaire, d'une part, de M. B..., des sociétés d'exploitation Bonnery et Socotec construction à lui verser une somme de 102 030 euros hors taxes au titre des désordres n° 6, 7, 8B, majorée de la somme de 13 263 euros hors taxes, une somme de 6 000 euros hors taxes au titre du désordre n° 4 et une somme de 4 000 euros hors taxes au titre du désordre n° 5B, majorée respectivement des sommes de 780 et de 520 euros hors taxes et d'autre part, de M. B..., des sociétés Martinez Frères et Socotec construction à lui verser la somme de 114 000 euros hors taxes au titre du désordre n° 10, majorée de la somme de 14 872 euros hors taxes. Le jugement doit être réformé dans cette mesure.

Sur les appels en garantie :

S'agissant des désordres n° 6, 7 et 8B :

56. Pour les motifs exposés aux points 20 à 23 et 31 et 32, la survenance des désordres n° 6, 7 et 8B est imputable à un défaut de conception architecturale des bâtiments. Compte tenu de la part prépondérante de responsabilité du groupement de maîtrise d'œuvre au sein duquel intervenait notamment M. B... en tant que mandataire solidaire, la société Socotec construction est fondée à appeler en garantie de sa condamnation pour ces désordres M. B... à hauteur de 60 %. M. B... est fondé à appeler en garantie de sa condamnation solidaire la société Socotec à hauteur de 10 %.

57. Pour les motifs indiqués au point 35, la responsabilité au titre de la garantie décennale de la société d'exploitation Bonnery est engagée au titre des désordres n° 6, 7 et 8B. M. B... et la société Socotec construction sont fondés à appeler en garantie de leur condamnation solidaire pour ces désordres la société d'exploitation Bonnery à hauteur de 10%.

58. Enfin, les conclusions d'appel en garantie dirigées par la maîtrise d'œuvre à l'encontre de la société Soulas Etec, sous-traitant de la société d'exploitation Bonnery, doivent être regardées comme dirigées contre la société Omnium techniques d'études de la construction et l'équipement en Languedoc Roussillon, venant aux droits de cette dernière. Compte tenu de la participation fautive de la société Soulas Etec aux opérations de conception, M. B... est fondé à appeler en garantie de sa condamnation la société Omnium techniques d'études de la construction et l'équipement en Languedoc Roussillon à hauteur de 20 %.

S'agissant du désordre n° 4 et 5B :

59. Pour les motifs exposés aux points 36 et 37, la survenance des désordres n° 4 et 5B est la conséquence, principalement, des malfaçons imputables à la société d'exploitation Bonnery. Par ailleurs, si la maîtrise d'œuvre avait en charge la mission VISA, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les plans bétons fournis par le bureau d'étude Soulas Etec, nécessairement visés par la maîtrise d'œuvre, faisaient apparaître la présence d'un joint de dilatation côté gauche de la longrine et la présence de trois goujons au niveau de l'appui gauche de cette longrine. Ainsi, l'absence de joint de dilatation au niveau de la longrine côté gauche ne constituait pas une anomalie normalement décelable par la maîtrise d'œuvre au vu des plans fournis par le bureau d'étude de la société d'exploitation Bonnery. Dès lors, dans la survenance du seul désordre n° 4, la maîtrise d'œuvre n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles. Compte tenu de ces éléments, la maîtrise d'œuvre et la société Socotec construction sont fondées à appeler en garantie de leur condamnation solidaire au titre des désordres n° 4 et 5B la société d'exploitation Bonnery à hauteur de 80 %. La maîtrise d'œuvre est également fondée à appeler en garantie de sa condamnation solidaire la société Socotec à hauteur de 5 %. En revanche, les conclusions d'appel en garantie de la maîtrise d'œuvre dirigées contre la société Ravalement 2000 au titre du seul désordre n° 5B, ne peuvent qu'être rejetées dès lors que la responsabilité décennale de cette dernière n'est pas engagée au titre de ce désordre. Quant à la société Socotec construction, elle est fondée à appeler en garantie de sa condamnation solidaire M. B... à hauteur de 5 % pour le désordre n° 5B.

S'agissant du désordre n° 10 :

60. Pour les motifs exposés aux points 39 à 41, le désordre n° 10 a pour cause les malfaçons imputables à la société Martinez Frères dans les travaux d'exécution et un défaut de conception imputable à la maîtrise d'œuvre.

61. M. B... est fondé à appeler en garantie de sa condamnation solidaire pour ce désordre la société Martinez Frères à hauteur de 55 % et la société Socotec construction à hauteur de 5 %. Quant à la société Socotec construction, elle est fondée à appeler en garantie la société Martinez Frères à hauteur de 55 % et M. B... à hauteur de 40 %.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

62. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la maîtrise d'œuvre, la société d'exploitation Bonnery, la société Martinez Frères et la société Socotec construction.

63. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... et de la société d'architecture Vigneu et Zilio, de la société d'exploitation Bonnery, de la société Martinez Frères et de la société Socotec construction une somme de 1 000 euros à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude sur le fondement de ces mêmes dispositions.

64. Il y a également lieu de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude une somme de 1 000 euros à verser à la société Ravalement 2000, et de mettre à la charge de la société d'exploitation Bonnery cette même somme à verser à la société F. R Pochon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions de la société Colas France sur le fondement de ces dispositions dirigées contre l'établissement de Montréal de l'Aude doivent être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier 23 juin 2022 est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer sur les conclusions indemnitaires de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude portant sur les désordres n° 8A et 8C.

Article 2 : Les conclusions de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude tendant à l'indemnisation, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, des désordres 8A et 8C, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude tendant à l'indemnisation, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, du désordre n° 1, du désordre n° 5A, et des désordres n°8A et 8C sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident de M. B..., de la société d'architecture Vigneu et Zilio, portant sur les désordres n° 1 et 2 et celles de la société Socotec construction portant sur les désordres n° 1, 2 et 9, sont rejetées.

Article 5 : M. B..., la société d'exploitation Bonnery et la société Socotec construction sont solidairement condamnés à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude une somme de 112 200 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres n° 6, 7 et 8B et une somme de 13 263 euros hors taxes au titre des frais annexes.

Article 6 : M. B..., la société d'exploitation Bonnery et la société Socotec construction sont solidairement condamnés à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude, d'une part, une somme 6 600 euros toutes taxes comprises en réparation du désordre n° 4 et une somme de 4 400 euros toutes taxes comprises en réparation du désordre n° 5B et, d'autre part, les sommes de 780 euros hors taxes et de 520 euros hors taxes au titre des frais annexes.

Article 7 : M. B..., la société Martinez Frères et la société Socotec construction sont solidairement condamnés à verser à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Montréal de l'Aude une somme de 125 400 euros toutes taxes comprises en réparation du désordre n° 10 et une somme de 14 872 euros hors taxes au titre des frais annexes.

Article 8 : Les sommes mentionnées aux articles 5, 6 et 7 seront majorées des intérêts de retard à compter du 6 janvier 2020. Ces intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à la date du 6 janvier 2021, puis à chaque échéance annuelle ultérieure

Article 9 : M. B... et la société d'exploitation Bonnery sont condamnés à garantir la société Socotec construction à hauteur de respectivement 60 % et 10 % de sa condamnation fixée à l'article 5. La société Socotec construction, la société Omnium techniques d'études de la construction et l'équipement en Languedoc Roussillon, venant aux droits de la société Soulas Etec et la société d'exploitation Bonnery sont condamnées à garantir M. B... de cette condamnation à hauteur de respectivement 10 % et 10 % et 20 %.

Article 10 : La société d'exploitation Bonnery est condamnée à garantir M. B... et la société d'architecture Vigneu et Zilio et la société Socotec construction à hauteur de 80 % de leur condamnation fixée à l'article 6. La société Socotec construction est condamnée à garantir M. B... à hauteur de 5 % pour le désordre n° 5B. M. B... est condamné à garantir la société Socotec construction à hauteur de 5 % pour le désordre n° 5B. En ce qui concerne les désordres N°4, M. B... doit être intégralement garanti par la société Bonnery à hauteur de 80% et par la société Socotec construction , à hauteur de 20%.

Article 11 : La société Martinez Frères et la société Socotec construction sont condamnées à garantir M. B... à hauteur, respectivement de 55 % et de 5 % de leur condamnation fixée à l'article 7. La société Martinez Frères et M. B... sont condamnés à garantir la société Socotec construction de cette condamnation à hauteur, respectivement, de 55 % et de 40 %.

Article 12 : Le jugement du 23 juin 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 5 à 11.

Article 13 : M. B... et la société d'architecture Vigneu et Zilio, la société d'exploitation Bonnery, la société Martinez Frères et la société Socotec construction verseront à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude versera une somme de 1 000 euros à la société Ravalement 2000, et la société d'exploitation Bonnery versera cette même somme à la société F. R Pochon sur le même fondement.

Article 14 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 15 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montréal de l'Aude, à M. A... B..., à la société par actions simplifiée Vigneu et Zilio, à la société par actions simplifiée d'exploitation Bonnery, à la société à responsabilité limitée Martinez Frères, à la société à responsabilité limitée FR. Pochon, à la société par actions simplifiée Ravalement 2000, à la société par actions simplifiée Colas France, à la société par actions simplifiée Socotec Construction, à Me Clément, liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Soulas-Etec, à la société par actions simplifiée Omnium Techniques d'Etudes de la Construction et l'équipement en Languedoc-Roussillon.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22TL21723


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