La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2024 | FRANCE | N°22TL22627

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 24 octobre 2024, 22TL22627


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement

n° 2205742 du 28 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2205742 du 28 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Chambaret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 22 juin 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant retrait de sa demande d'asile est insuffisamment motivée en droit ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en fait ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée en fait ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Tarn-et-Garonne qui n'a pas produit d'observations en défense.

Par ordonnance du 5 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fougères,

- et les observations de Me Chambaret, avocat représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 23 mai 1994, entré irrégulièrement sur le territoire français selon ses déclarations le 18 octobre 2017, a présenté, le 21 décembre 2017, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 23 octobre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 5 mars 2020 par la Cour nationale du droit d'asile. En conséquence de ces refus, par un arrêté du 22 juin 2020, le préfet du Tarn-et-Garonne lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de la Côte d'Ivoire et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 28 novembre 2022, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de retrait de l'attestation de demande d'asile :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, (...) jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé (...) et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI (...) ".

3. La décision retirant l'attestation de demande d'asile de M. B..., fondée sur les dispositions des articles L. 741-1 et L. 743-1 à L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur la circonstance que la demande d'asile présentée par l'intéressé a été définitivement rejetée, comporte ainsi les circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

5. Il résulte des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à un étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français, octroie ou refuse un délai de départ volontaire, fixe le pays à destination duquel il sera reconduit, ainsi que les décisions qui tirent les conséquences du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile de la demande d'asile, au nombre desquelles figurent le retrait de l'attestation de demande d'asile. Dès lors, les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre des décisions attaquées.

6. En dernier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, qui décrit dans le détail la situation personnelle de M. B..., ni des autres éléments du dossier que le préfet aurait insuffisamment examiné la situation de l'intéressé avant de décider de lui retirer son attestation de demande d'asile.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ".

8. En premier lieu, la décision attaquée vise les dispositions précitées du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, et mentionne que la demande d'asile de M. B... a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 23 octobre 2019 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2020 et qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Elle comporte ainsi l'ensemble des circonstances de droit et de fait qui en constitue le fondement. M. B... n'est pas fondé, dès lors, à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée.

9. En second lieu, si M. B... soutient que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte toutefois aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de ce moyen, et ne conteste notamment pas les mentions de l'arrêté attaqué selon lesquelles il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° À destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

11. En premier lieu, la décision attaquée vise les articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fixe le pays dont M. B... a la nationalité comme pays de destination, précise que l'intéressé " n'a pas su démontrer la réalité et l'authenticité des menaces dont il aurait fait l'objet dans son pays d'origine et le bien-fondé des craintes énoncées en cas de retour dans celui-ci " et, de ce fait, " n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ". La décision contestée comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, si M. B... soutient que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, alors qu'ainsi que mentionné précédemment, sa demande d'asile a été rejetée successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...). / (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

14. La décision attaquée vise les textes dont elle fait application et comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle mentionne notamment que M. B... déclare être entré en France le 18 octobre 2017, qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et qu'il n'établit pas disposer d'attaches sur le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté.

15. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances relevées au point 16 du présent arrêt, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Nicolas Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.

La rapporteure,

A. FougèresLe président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22627
Date de la décision : 24/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Aurore Fougères
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-24;22tl22627 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award