Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 mars 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2202127 du 10 novembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 16 décembre 2022 et le 7 mai 2023, Mme C..., épouse A..., représentée par Me Gueye, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2022, par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours et sous la même astreinte en la munissant, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le tribunal a insuffisamment motivé sa réponse aux moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination ;
S'agissant de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour :
- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle ;
- en refusant son admission exceptionnelle au séjour, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation tant de sa situation professionnelle que personnelle que des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur sa situation personnelle ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale car fondée sur un refus de titre lui-même illégal ;
- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur sa situation personnelle ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision méconnaît les stipulations des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 9 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juin 2023.
Mme C..., épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fougères,
- et les observations de Me Gueye, représentant Mme C..., épouse A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., épouse A..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) entrée en France irrégulièrement le 25 décembre 2012, selon ses déclarations, à l'âge de trente-huit ans, a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour à la suite de laquelle le préfet de la Haute-Garonne, par arrêté du 16 mars 2022, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par la présente requête, Mme C..., épouse A... relève appel du jugement du 10 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C..., épouse A... ait soulevé devant les premiers juges des moyens à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, qui auraient nécessité une réponse spécifique. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'insuffisance de motivation ou d'omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
3. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, qui détaille l'ensemble des caractéristiques de la situation personnelle, professionnelle et administrative de Mme C..., épouse A..., ni des autres éléments du dossier que le préfet aurait procédé à un examen insuffisamment circonstancié de la situation personnelle de l'intéressée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".
5. D'une part, Mme C..., épouse A... soutient qu'elle réside en France de manière stable depuis la fin de l'année 2012 et qu'elle y dispose de liens familiaux intenses en la personne de son conjoint français, avec qui elle s'est mariée le 4 janvier 2020. Toutefois, outre que l'appelante s'est soustraite à l'exécution de trois précédentes mesures d'éloignement, la continuité de son séjour ne ressort pas des seules pièces versées au dossier. Enfin, à supposer même avérée l'ancienneté de sa relation avec son conjoint français, insuffisamment corroborée par les éléments produits, il ressort des pièces du dossier que ses cinq enfants et sa sœur résident dans son pays d'origine, où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans.
6. D'autre part, si Mme C..., épouse A... s'est prévalue lors de sa demande de titre de séjour d'une promesse d'embauche en qualité de vendeuse, elle n'établit ni même n'allègue disposer d'une qualification ou expérience professionnelle dans ce métier, ni avoir exercé la moindre activité professionnelle durant son séjour en France, y compris durant les périodes où elle était munie d'autorisations de séjour. Dès lors, le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que ni la situation personnelle, ni la situation professionnelle de Mme C..., épouse A... ne révélait l'existence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à lui ouvrir droit au séjour sur le fondement des dispositions précitées.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, Mme C..., épouse A... n'est fondée à soutenir ni qu'en prenant l'arrêté attaqué, le préfet de la Haute-Garonne aurait porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et aurait ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision obligeant Mme C..., épouse A... à quitter le territoire français :
9. En premier lieu, l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à Mme C..., épouse A... n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écartée.
10. En second lieu, Mme C..., épouse A... n'invoque aucun argument distinct de ceux énoncés à l'encontre de la décision portant refus de séjour propre à faire ressortir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que ces moyens doivent être écartés par les motifs qui ont été opposés aux mêmes moyens articulés contre la décision de refus de titre de séjour.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
11. En premier lieu, l'illégalité des décisions refusant à Mme C..., épouse A... la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ces décisions, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre la décision fixant le délai à l'issue duquel Mme C..., épouse A... pourra être éloigné, ne peut qu'être écartée.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C..., épouse A... ait fait état devant le préfet, lors du dépôt de sa demande de délivrance de titre de séjour ou, à tout le moins, avant l'édiction de l'arrêté litigieux, de circonstances particulières, propres à justifier qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui soit accordé. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée, qui lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours pour quitter le territoire français, serait entachée d'un défaut d'examen de circonstances particulières impliquant une prolongation du délai de départ volontaire.
14. En dernier lieu, si Mme C..., épouse A... soutient que le préfet aurait dû lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, compte tenu de sa situation personnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard de ce qui a été dit aux points 5 et 6 du présent arrêt, que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, en visant, d'une part, les dispositions des articles L. 721-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et en indiquant, d'autre part, que Mme C..., épouse A... n'établissait pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet de la Haute-Garonne a suffisamment motivé sa décision.
16. En deuxième lieu, si aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", le moyen tiré de la violation de ces stipulations soulevé par Mme C..., épouse A... est dépourvu des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
17. En dernier lieu, Mme C..., épouse A... n'invoque aucun argument distinct de ceux énoncés à l'encontre de la décision portant refus de séjour propre à faire ressortir que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que ce moyen doit être écarté par les motifs qui ont été opposés au même moyen articulé contre la décision de refus de titre de séjour.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C..., épouse A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Nicolas Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 2222579