Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " étudiant " ou une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et d'enjoindre à cette même autorité, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, selon les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2203659 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 30 juin, le 19 juillet 2023 et le 9 février 2024, Mme A... B..., représentée par Me Badji Ouali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement rendu le 14 octobre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " étudiant " ou une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et d'enjoindre à cette même autorité, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, selon les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
Sur le refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- compte tenu de l'illégalité du refus d'admission au séjour, elle est dépourvue de fondement juridique ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 septembre 2024, la date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 27 septembre 2024.
Des pièces complémentaires ont été enregistrées le 23 septembre 2024 pour Mme B... et n'ont pas été communiquées.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine, née le 5 août 1994, est entrée en France, le 26 août 2012, munie d'un visa étudiant valant titre de séjour, puis a obtenu le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant " pour la période de 2013 à 2021. Le 25 novembre 2021, elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 29 mars 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler le titre de séjour qu'elle détenait en qualité d'étudiante et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement rendu le 14 octobre 2022, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle qu'auraient commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité du refus de renouvellement de son titre de séjour :
3. En premier lieu, Mme B... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de droit en raison du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation entachant la décision du préfet de l'Hérault. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier au point 2 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire présentée par un ressortissant étranger en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., inscrite, pour les années universitaires 2012-2013 et 2013-2014, en première année commune aux études de santé à l'université de Montpellier, y a été ajournée à deux reprises. Elle a ensuite décidé de se réorienter à partir de septembre 2014 et s'est inscrite en première année de licence " sciences " à l'université de Montpellier et, après un premier échec, l'a validée en juin 2016. Elle a ensuite été ajournée à deux reprises en deuxième année de licence " sciences, menton sciences de la vie-biochimie " puis l'a validée au cours de l'année universitaire 2018-2019. La requérante s'est alors inscrite, en 2019-2020, en troisième année de licence " sciences de la vie / biochimie " à l'université de Montpellier en validant le semestre 6 mais en étant ajournée au semestre 5 avec la moyenne de 8,926. Au cours de l'année 2020-2021, Mme B... s'est réinscrite dans cette même formation mais, ayant obtenu une moyenne de 8,809, n'a pu valider le semestre 5 qui aurait pu permettre l'obtention du diplôme. Au cours de l'année 2021-2022, elle a opéré un changement d'orientation, en s'inscrivant en troisième année de licence " systèmes d'information et contrôle de gestion ". Il ressort ainsi des pièces du dossier que l'intéressée a changé deux fois d'orientation avant l'édiction de la décision de refus de titre de séjour en litige et qu'elle n'a validé que deux années d'études, sans obtenir de diplôme, au cours des neuf années pendant lesquelles elle a poursuivi ses études en France. Si la requérante soutient avoir opéré, en septembre 2021, un changement de filière conforme à ses souhaits et non plus à ceux de ses parents, elle n'apporte aucun début d'explication sur ses échecs successifs et sur la cohérence de ses réorientations et ne peut utilement invoquer ni l'obtention de sa troisième année de licence, ni son admission en master de systèmes d'information et contrôle de gestion, circonstances postérieures au refus de titre de séjour. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault a pu, sans erreur d'appréciation, et pour ce seul motif, estimer que ses études ne présentaient pas un caractère sérieux et refuser de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en conséquence, être écarté.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ".
7. La requérante fait valoir qu'elle réside en France depuis plus de dix années et qu'elle n'a jamais interrompu ses études. Pour autant, les cartes de séjour temporaires qui lui ont été successivement délivrées pour poursuivre des études ne lui donnaient toutefois pas vocation à s'établir durablement sur le territoire. L'intéressée, qui est célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales au Maroc et ne se prévaut, par ailleurs, d'aucune attache personnelle en France. Dans ces conditions, le refus de renouvellement de titre de séjour en litige ne porte pas d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas les dispositions citées au point précédent. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, le refus de renouvellement de titre de séjour n'étant pas entaché des illégalités alléguées, n'est pas fondée à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...). ". L'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de Mme B... a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé en ce qu'il comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, ainsi que l'a jugé le tribunal au point 2 du jugement attaqué, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, conformément aux dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, Mme B... n'est fondée à soutenir ni que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2022 du préfet de l'Hérault. Ses conclusions tendant l'annulation de ce jugement et de cet arrêté, ainsi que par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Badji Ouali et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL01557 2