La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/10/2024 | FRANCE | N°23TL01369

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 22 octobre 2024, 23TL01369


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n°2102798 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et deux mémoires en production de pièces, enregistrés les 13 juin 2023, 21 juin

2023 et 20 février 2024, Mme A... C... épouse B..., représentée par Me Baudard, demande à la cour :



1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n°2102798 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires en production de pièces, enregistrés les 13 juin 2023, 21 juin 2023 et 20 février 2024, Mme A... C... épouse B..., représentée par Me Baudard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par une ordonnance du 23 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 24 juin 2024 à 12 heures.

Mme C... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse B..., ressortissante marocaine née le 25 juin 1985 à Assi Bercane (Maroc), est entrée sur le territoire à une date qu'elle indique être le 1er septembre 2018 munie d'un permis de résidence délivré par les autorités espagnoles le 15 juin 2016 et valable jusqu'au 17 mai 2021. Le 14 décembre 2020, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 février 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme C... épouse B... relève appel du jugement du 9 mars 2023 par laquelle le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société français ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... épouse B... s'est mariée à Béziers le 15 septembre 2018 à M. B..., compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2029. L'intéressée entrant ainsi dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, cette circonstance pouvait lui être légalement opposée par le préfet de l'Hérault et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté comme inopérant.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si Mme C... épouse B... fait état de sa vie commune avec M. B..., avec qui elle s'est mariée à Béziers le 15 septembre 2018, ainsi que de la présence de leurs deux enfants nés en France les 4 juillet 2019 et 22 janvier 2021, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir l'ancienneté et l'intensité des relations dont elle se prévaut, son mariage n'ayant été célébré que deux ans et demi avant la décision attaquée. De plus, elle soutient être entrée sur le territoire français le 1er septembre 2018 mais n'a sollicité la délivrance d'un titre de séjour que le 14 décembre 2020, alors que son titre de séjour espagnol ne l'autorisait à circuler en France que pour des périodes de 90 jours au maximum. En outre, elle n'établit pas qu'au jour de l'arrêté attaqué, elle était dans l'impossibilité de retourner dans son pays d'origine pour la durée nécessaire à l'obtention d'une mesure de regroupement familial à son profit. Enfin, elle ne fait pas état d'éléments de nature à justifier d'une intégration particulière au sein de la société française et elle dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et où elle a elle-même vécu la majeure partie de sa vie. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit de Mme C... épouse B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis par cette mesure. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de Mme C... épouse B....

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

8. Dès lors que Mme C... épouse B... et son époux sont tous deux de nationalité marocaine, la décision portant refus de titre de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer ses enfants de leur mère ou de leur père. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code, alors applicable : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 313-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. / (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions relatives à la délivrance de plein droit des cartes de séjour citées audit article, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. En l'espèce, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 du présent arrêt que Mme C... épouse B... ne remplit pas les conditions prévues par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de soumettre la situation de l'intéressée à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande, de sorte que le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de cette commission doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 3 février 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse B..., à Me Baudard et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23TL01369


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01369
Date de la décision : 22/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : BAUDARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-22;23tl01369 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award