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17/10/2024 | FRANCE | N°22TL22036

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 17 octobre 2024, 22TL22036


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2019 par lequel le maire de Lagrave a refusé de leur accorder un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section (ANO)AA nos 63 et 64(ANO/), ainsi que la décision du 9 janvier 2020 par laquelle la même autorité a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté.



Par un jugement n

2001276 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande, ainsi qu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2019 par lequel le maire de Lagrave a refusé de leur accorder un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison d'habitation sur les parcelles cadastrées section (ANO)AA nos 63 et 64(ANO/), ainsi que la décision du 9 janvier 2020 par laquelle la même autorité a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2001276 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande, ainsi que les conclusions présentées par la commune de Lagrave sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 septembre 2022 et les 23 et 24 janvier 2023, M. C... B... et Mme D... A..., représentés par Me Eichenholc, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Lagrave du 24 septembre 2019 et sa décision du 9 janvier 2020 ;

3°) d'enjoindre au maire de Lagrave de procéder à une nouvelle instruction de leur demande de permis de construire dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lagrave une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en considérant que le maire de Lagrave avait pu légalement leur refuser le permis de construire sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, alors que le terrain d'assiette du projet, au regard des plans de prévention des risques naturels prévisibles qui lui sont applicables, ne se trouve soumis à aucun risque grave et certain d'effondrement des berges, d'inondation ou de retrait/gonflement des argiles ;

- le tribunal administratif a censuré à juste titre tant le motif de refus fondé sur l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, lequel est entaché d'une erreur d'appréciation, que le motif de refus fondé sur l'article U 3-11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Lagrave, lequel est entaché d'une erreur de droit en ce que le maire s'est estimé lié par l'avis de l'architecte des bâtiments de France et d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2022, la commune de Lagrave, représentée par Me Gil, conclut à la confirmation du jugement attaqué rejetant la demande de M. B... et Mme A... et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le projet en litige pouvait être légalement refusé sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard du cumul des risques d'effondrement des berges, d'inondation et de retrait/gonflement des argiles ;

- s'agissant de ce dernier risque, le dossier de demande de permis était au surplus insuffisant au regard du f) de l'article R. 431-16 du même code ;

- le projet méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article U 3-11 du règlement du plan local d'urbanisme s'agissant de la toiture.

Par ordonnance du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- et les observations de Me Cyriaque, représentant les appelants.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme A... ont sollicité, le 10 juillet 2019, un permis de construire pour la réalisation d'une maison à usage d'habitation sur une unité foncière composée des parcelles cadastrées section AA nos 63 et 64, situées (ANO)n° 31 route de la Marine(ANO/), sur le territoire de la commune de Lagrave (Tarn). Par un arrêté du 24 septembre 2019, le maire de cette commune leur a refusé ce permis de construire. Les intéressés ont introduit le 19 novembre 2019, par l'intermédiaire de leur avocat, un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, lequel a été rejeté par une décision prise le 9 janvier 2020. Par la présente requête, M. B... et Mme A... relèvent appel du jugement du 29 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté et de la décision susmentionnés.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. ". Il appartient à l'administration et au juge, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions précitées, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, si ces risques se réalisent.

3. L'autorité compétente peut, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel le permis est sollicité, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser la délivrance du permis, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge, alors même que le plan de prévention des risques naturels n'aurait pas classé le terrain en zone à risque ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables.

4. Eu égard à l'objet et à la portée des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, pour apprécier si les atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique sont de nature à justifier un refus de permis de construire, l'autorité administrative doit tenir compte, le cas échéant, de l'effet cumulé des différents risques et nuisances auxquels serait exposée la construction projetée, même s'ils ne sont pas directement liés entre eux. Cette exigence s'impose particulièrement dans le cas où la construction est destinée à l'habitation. L'autorité saisie est fondée à refuser le permis de construire dès lors que l'addition de ces risques ou nuisances serait de nature à compromettre gravement les conditions et le cadre de vie des futurs occupants, alors même qu'aucun d'entre eux ne serait de nature, à lui seul, à justifier un tel refus.

5. Les appelants soutiennent que le tribunal administratif de Toulouse aurait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en considérant que le maire de Lagrave avait pu légalement refuser de leur accorder le permis de construire sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Les moyens ainsi soulevés relèvent toutefois du contrôle de juge de cassation et non pas de celui du juge d'appel, auquel il appartient de se prononcer, dans le cadre de l'effet dévolutif, sur la légalité de l'arrêté et de la décision de refus en litige.

6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de construction en litige est constitué par une bande d'environ 12 mètres de largeur, située entre la bordure de la rivière Tarn sur sa limite ouest et la route de la Marine sur sa limite est. Le terrain en cause se trouve en contrebas par rapport à cette route avec un dénivelé de l'ordre de 2,60 mètres.

7. D'une part, il ressort du plan de prévention des risques naturels d'inondation du bassin versant du Tarn en aval de la ville d'Albi, approuvé par un arrêté du préfet du Tarn du 18 août 2015, notamment de son plan de zonage, que les parcelles des requérants sont bordées sur leur côté ouest par la limite de la crue de référence ainsi que par la zone rouge identifiée sur le lit de la rivière et ses abords immédiats. Si les intéressés soutiennent que la hauteur de l'eau peut être maîtrisée par la société Electricité de France (EDF), gestionnaire du barrage de Rivières situé à 2,50 kilomètres en aval de leur propriété, la circonstance ainsi invoquée ne permet pas de regarder le risque d'inondation comme inexistant en cas de crue du Tarn, alors que la maison projetée serait implantée à seulement 3 mètres de la limite de la berge de la rivière.

8. D'autre part, il ressort du plan de prévention des risques naturels d'effondrement des berges en amont du barrage de Rivières, approuvé par le préfet du Tarn le 14 novembre 2000, notamment de son rapport de présentation, que, pour les berges présentant comme en l'espèce une hauteur inférieure à 10 mètres, une " bande de sécurité minimale " a été instituée sur une largeur de 10 mètres. Si le même rapport indique qu'une telle bande n'a pas été jugée nécessaire sur deux secteurs, dont l'un situé sur le territoire de la commune de Lagrave, la commune intimée fait valoir sans être utilement contredite que le terrain d'assiette du projet ne se trouve pas dans le secteur concerné par cette exception. Il ressort au demeurant de la carte des aléas réalisée dans le cadre de la procédure de révision de ce plan de prévention des risques, prescrite par un arrêté préfectoral du 13 septembre 2017, laquelle a pu être valablement prise en compte à titre d'élément d'information alors même qu'elle ne revêtait pas encore un caractère opposable à la date de l'arrêté en litige, que ledit terrain est inclus dans la zone de précaution des " berges basses " du Tarn et qu'il est soumis à un aléa fort au titre du risque de recul de berges.

9. Eu égard à la situation et à la configuration du terrain d'assiette du projet et compte tenu du cumul des risques naturels auxquels il est ainsi exposé, la construction d'une maison présentant une surface de plancher de 177,30 m2 et une hauteur de 6,30 mètres entraînerait des risques graves pour la sécurité de ses futurs occupants, sans qu'il soit possible de remédier à ces risques par l'édiction de simples prescriptions. Dans ces conditions, le refus de permis en litige ne procède pas d'une inexacte application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

10. Il résulte de tout ce qui vient d'être exposé que le motif opposé par le maire de Lagrave sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme était de nature à justifier légalement le refus du permis de construire sollicité par M. B... et Mme A.... Si l'arrêté litigieux était également fondé sur deux autres motifs, tirés de ce que le projet ne respectait pas les exigences de l'article R. 111-27 du même code et de l'article U 3-11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Lagrave, il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que le maire aurait pris la même décision de refus en se fondant uniquement sur le motif tenant au cumul des risques naturels auxquels serait exposée la maison projetée.

11.

Il résulte de ce qui précède que M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2019 portant refus de permis de construire et de la décision du 9 janvier 2020 rejetant leur recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation et n'implique donc aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lagrave, laquelle n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser aux requérants au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des appelants une somme de 1 500 euros à verser à la commune à ce titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... et Mme A... est rejetée.

Article 2 : M. B... et Mme A... verseront une somme de 1 500 euros à la commune de Lagrave sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à Mme D... A... et à la commune de Lagrave.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet du Tarn, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL22036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22036
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : CABINET EICHENHOLC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;22tl22036 ?
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