Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 13 décembre 2022 par laquelle le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité a refusé de lui délivrer une carte professionnelle d'agent privé de sécurité.
Par une ordonnance n° 2300521 du 3 avril 2023, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juin 2023 et 18 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Lescarret, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler la décision du 13 décembre 2022 du directeur du Conseil national des activités privées de sécurité ;
3°) d'enjoindre au Conseil national des activités privées de sécurité de lui délivrer une carte professionnelle dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge du Conseil national des activités privées de sécurité la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa demande de première instance, que :
- c'est à tort que le premier juge lui a opposé une irrecevabilité tirée de l'absence d'exercice d'un recours préalable obligatoire dès lors que les dispositions de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure exigeant l'exercice d'un recours administratif préalable obligatoire auprès de la Commission nationale d'agrément et de contrôle ont été abrogées par l'ordonnance du 30 mars 2022 relative aux modalités d'organisation, de fonctionnement et d'exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité.
En ce qui concerne la recevabilité des écritures d'appel de la défense :
- le mémoire en défense et l'ensemble des pièces produites devant la cour par le Conseil national des activités privées de sécurité sont irrecevables dès lors qu'ils ont été transmis après la clôture de l'instruction fixée le 26 juin 2024 à 12 heures.
Au fond :
- la décision du 13 décembre 2022 portant refus de délivrance d'une carte professionnelle est entachée d'une incompétence de son auteur ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tenant en l'absence d'habilitation régulière de l'agent ayant procédé, à l'occasion de l'instruction de sa demande, à la consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure et est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2024, le Conseil national des activités privées de sécurité, représenté par Me Claisse, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens sont irrecevables dès lors que M. B... n'a soulevé aucun moyen de légalité externe ou interne en première instance ;
- en tout état de cause, les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Par décision du 8 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- l'ordonnance n° 2022-448 du 30 mars 2022 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2022-449 du 30 mars 2022 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Faïck, président-rapporteur,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
- les observations de Me Ricci substituant Me Claisse pour le Conseil national des activités privées de sécurité.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 septembre 2022, M. B... a sollicité la délivrance d'une carte professionnelle d'agent de sécurité privée. Par une décision du 13 décembre 2022, le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité a rejeté cette demande. M. B... relève appel de l'ordonnance du 3 avril 2023 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a, en application des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande d'annulation de la décision du 13 décembre 2022 au motif qu'elle était manifestement irrecevable faute d'avoir, à l'expiration du délai qui lui avait été imparti, produit la décision attaquée ou sinon la pièce prouvant le dépôt de son recours administratif préalable obligatoire auprès de la Commission nationale des activités de sécurité privée.
Sur la recevabilité du mémoire et des pièces produites en défense devant la cour :
2. Si le mémoire en défense du Conseil national des activités privées de sécurité a été enregistré le 26 juin 2024 à 18 heures 28, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, fixée au 26 juin 2024 à 12 heures, la communication de ce mémoire, décidée après cette clôture, a eu pour effet de rouvrir l'instruction. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le mémoire en défense et les pièces produites par le Conseil national des activités privées de sécurité, dont il a reçu communication, devraient être écartés des débats.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque (...) elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article R. 412-1 du même code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée (...) de l'acte attaqué ou (...) de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation ". Enfin, aux termes de l'article R. 612-1 de ce code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux ". Ces dispositions ont toutefois été abrogées par l'ordonnance du 30 mars 2022 relative aux modalités d'organisation, de fonctionnement et d'exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité dont l'article 4 dispose que : " La présente ordonnance entre en vigueur aux dates et dans les conditions prévues par le décret en Conseil d'État prévu à l'article L.636-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la présente ordonnance (...) ". Il résulte à cet égard de l'article 8 du décret du 30 mars 2022, relatif aux modalités d'organisation, de fonctionnement et d'exercice des missions du Conseil national des activités privées de sécurité, que les dispositions précitées de l'ordonnance sont entrées en vigueur le 1er mai 2022.
5. Invité, par un courrier que le greffe du tribunal administratif de Toulouse lui a adressé le 6 février 2023, à régulariser ses écritures en produisant la décision attaquée ou la preuve du recours préalable obligatoire devant la commission nationale d'agrément et de contrôle, M. B... est resté taisant sur cette demande.
6. Toutefois, il résulte des dispositions citées au point 4 que la recevabilité de la requête de M. B... n'était plus subordonnée à l'exigence d'un recours préalable obligatoire dès lors que sa demande de délivrance d'une carte professionnelle a été présentée le 7 septembre 2022, soit postérieurement au 1er mai 2022, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 30 mars 2022 abrogeant l'article L. 633-3 du code de la sécurité intérieure.
7. S'il est vrai que M. B... n'a pas produit en première instance la décision en litige du 13 décembre 2022, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a été invité à régulariser sa requête qu'en vue de transmettre le " recours préalable obligatoire contre la décision de refus de renouvellement de carte professionnelle d'agent de sécurité ". Cette formulation, qui laissait penser à tort que M. B... devait exercer un recours préalable obligatoire, a été de nature à l'induire en erreur quant à la décision qu'il devait produire afin régulariser sa requête.
8. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la régularité soulevés, M. B... est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée, par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, est entachée d'irrégularité.
9. Dès lors, il y a lieu d'annuler cette ordonnance et, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de M. B... par la voie de l'évocation.
Sur la légalité de la décision attaquée :
10. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par M. A..., délégué territorial, qui bénéficiait d'une délégation de signature du directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du 7 novembre 2022, à l'effet de signer notamment les " décisions d'octroi ou de refus d'octroi des agréments, cartes professionnelles et autres autorisations ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : 1° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire (...) pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; / 2° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation, par des agents du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l'État territorialement compétent et individuellement désignés, des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) ".
12. Dès lors que les dispositions citées ci-dessus du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure prévoient la possibilité que certains traitements automatisés de données à caractère personnel soient consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs de police, préalablement à la délivrance ou au renouvellement d'une carte professionnelle nécessaire à l'exercice d'une activité de sécurité privée, la circonstance que l'agent ayant procédé à cette consultation n'aurait pas été, en application de ces mêmes dispositions, individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin par le représentant de l'Etat territorialement compétent, si elle est susceptible de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision prise sur la demande de délivrance de la carte professionnelle.
13. Au cas d'espèce, dans la mesure où, pour refuser la délivrance de la carte professionnelle, le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité s'est fondé sur les dispositions précitées du 2° de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, M. B... ne peut utilement soutenir que la décision attaquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière, faute pour l'administration de justifier l'existence et la régularité de l'habilitation conférée à l'agent du Conseil national des activités privées de sécurité qui a procédé, pour les besoins de l'enquête administrative, à la consultation des fichiers de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales. Le moyen tiré du vice de procédure est ainsi inopérant.
14. En troisième et dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure précité que lorsqu'elle est saisie d'une demande portant sur la délivrance ou le renouvellement de la carte nationale professionnelle permettant l'exercice d'une activité privée de sécurité, l'autorité administrative compétente procède à une enquête administrative. Cette enquête, qui peut notamment donner lieu à la consultation du traitement automatisé de données à caractère personnel mentionné à l'article R. 40-42 du code de procédure pénale, vise à déterminer si le comportement ou les agissements de l'intéressé sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État et s'ils sont ou non compatibles avec l'exercice des fonctions d'agent privé de sécurité. Pour ce faire, l'autorité administrative procède, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, à une appréciation globale de l'ensemble des éléments dont elle dispose. À ce titre, si la question de l'existence de poursuites ou de sanctions pénales est indifférente, l'autorité administrative est en revanche amenée à prendre en considération, notamment, les circonstances dans lesquelles ont été commis les faits qui peuvent être reprochés au pétitionnaire ainsi que la date de leur commission.
15. Il ressort des pièces du dossier que le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité s'est fondé, pour refuser de délivrer la carte professionnelle sollicitée par M. B..., sur les éléments recueillis lors de l'enquête administrative diligentée au cours de laquelle il a été procédé à la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales. Cette enquête a révélé que M. B... a été mis en cause, d'une part, en qualité d'auteur de faits d'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation ou transmission de l'image d'une personne durant la période du 20 septembre 2015 au 30 septembre 2015, et, d'autre part, pour avoir conduit un véhicule terrestre à moteur sans assurance le 5 juin 2022. Le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité s'est également fondé sur des faits de conduite de véhicule sans permis commis le 19 janvier 2014, ce qui avait alors valu à M. B... d'être condamné par le tribunal correctionnel de Dax au paiement d'une amende de 150 euros.
16. M. B... soutient que seuls les faits de conduite d'un véhicule sans permis commis en janvier 2014 ont abouti à une condamnation pénale et qu'ils n'ont pas fait obstacle à la délivrance, en octobre 2017, d'une précédente carte professionnelle, sans toutefois contester la matérialité des autres motifs de rejet qui ont fondé la décision en litige. Si les faits reprochés à M. B... en 2015 présentaient un caractère relativement ancien à la date de la décision attaquée, il n'en demeure pas moins que ce dernier s'est encore défavorablement signalé en juin 2022, soit trois mois seulement avant sa demande de délivrance d'une carte professionnelle, pour des faits de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance. Compte tenu de ces circonstances, M. B..., a adopté un comportement contraire incompatible avec l'exercice des fonctions d'agent de sécurité. Dans ces conditions, et eu égard à la nature des fonctions auxquelles prétend M. B..., c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité a pris la décision de refus en litige.
17. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2022 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
18. Les conclusions présentées par M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions du Conseil national des activités privées de sécurité présentées sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 3 avril 2023 est annulée.
Article 2 : Les conclusions de première instance et le surplus des conclusions d'appel de M. B... sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par le Conseil national des activités privées de sécurité sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Lescarret et au Conseil national des activités privées de sécurité.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Nadia El-Gani Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président-rapporteur,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23TL01299