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15/10/2024 | FRANCE | N°23TL00383

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 octobre 2024, 23TL00383


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière Dadimmo, par une demande enregistrée sous le n° 2102023, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de rejet par le maire de Perpignan de sa demande d'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020 par lequel le maire l'a mise en demeure de réaliser des travaux sur l'immeuble dont elle est propriétaire au ... à Perpignan, ainsi que la décision implicite du maire de Perpignan rejetant sa demande de retrait d

e la décision du 15 décembre 2020 lui imposant d'assurer le relogement d'un locataire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Dadimmo, par une demande enregistrée sous le n° 2102023, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de rejet par le maire de Perpignan de sa demande d'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020 par lequel le maire l'a mise en demeure de réaliser des travaux sur l'immeuble dont elle est propriétaire au ... à Perpignan, ainsi que la décision implicite du maire de Perpignan rejetant sa demande de retrait de la décision du 15 décembre 2020 lui imposant d'assurer le relogement d'un locataire à ses frais.

Par un jugement n° 2102023 du 20 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société civile immobilière Dadimmo tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Par une seconde demande enregistrée sous les n° 2104333 et 2104532, la société civile immobilière Dadimmo a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'annuler les titres de recettes n° 391 et n° 1043 émis respectivement les 28 mai 2021 et 31 décembre 2020 par le trésorier du centre communal d'action sociale de Perpignan afin d'avoir paiement des sommes respectives de 864,64 euros et de 2 839,20 euros correspondant aux frais de logement exposés par ledit centre afin d'assurer le relogement d'un locataire de la société civile immobilière pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2020 et de janvier à avril 2021 inclus .

Par un jugement n° 2104333 et 2104532 du 20 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a joint les deux demandes, et les a rejetées .

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 15 février 2023 sous le n° 23TL00395, la société civile immobilière Dadimmo, représentée par Me Brunel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102023 du 20 décembre 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet de ses demandes d'abrogation et de retrait des arrêtés municipaux des 11 août et 15 décembre 2020 ;

2°) d'annuler ces décisions de refus d'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020 et de retrait de la décision du 15 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au maire de Perpignan de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020 et au retrait de la décision du 15 décembre 2020, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt de la cour à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société civile immobilière Dadimmo soutient, en ce qui concerne la décision implicite de rejet opposée à sa demande d'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020, que :

- le maire de Perpignan était tenu d'abroger cet arrêté du 11 août 2020 dès lors qu'il a été pris par une autorité incompétente dans la mesure où seul le préfet était habilité à prendre cet arrêté au titre de son pouvoir de police spéciale, et non le maire au titre de son pouvoir de police générale ;

- l'arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, méconnaissant le principe du contradictoire, faute pour la commune de lui avoir communiqué le rapport établi le 21 juillet 2020 à la suite de la visite des lieux du 24 janvier 2020 effectuée par la directrice du service communal d'hygiène et de santé ;

- la visite des lieux du 24 janvier 2020, sur la base duquel est intervenu l'arrêté du 11 août 2020 s'est effectuée de façon non contradictoire, et ses constatations étaient obsolètes à la date du 21 juillet 2020 à laquelle le rapport a été établi ; ce rapport ne fait pas, par ailleurs, état des constats d'huissier, établis les 12 et 13 décembre 2019, qui décrivent les locaux inhabitables du premier étage et ceux habitables du second étage, et qui expliquent que les travaux entrepris sur l'appartement du premier étage ont été interrompus à la demande du locataire ;

- elle était en droit, sur le fondement de l'article L 243-1 du code des relations entre le public et l'administration, de demander à tout moment l'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020 ;

La société civile immobilière Dadimmo soutient, en ce qui concerne la décision implicite de rejet opposée à sa demande de retrait de l'arrêté du 15 décembre 2020, que :

- cette décision est entachée d'incompétence dès lors que seul le préfet, et non le maire, pouvait l'édicter ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dans la mesure où elle n'a pas été invitée au préalable à présenter ses observations ;

- il devait par ailleurs être fait droit à sa demande de retrait de la décision du 15 décembre 2020 par laquelle par laquelle il lui a été imposé d'assurer le relogement d'un locataire à ses frais, compte tenu du vice d'incompétence qui entachait cette décision ;

- elle est entachée d'erreurs de faits quant à la situation du locataire, pour lequel la société Dadimmo a proposé un logement se trouvant au deuxième étage de l'immeuble dont elle est propriétaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2023, la commune de Perpignan, représentée par Me Latapie, conclut au rejet de la requête de la société civile immobilière Dadimmo, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que la requête d'appel est irrecevable au regard de l'article R. 411-1 du code de justice administrative faute pour la société appelante de procéder à une critique du jugement. Subsidiairement, aucun des moyens invoqués par la société civile immobilière Dadimmo n'est fondé.

Par un courrier du 27 septembre 2024, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen relevé d'office tiré ce que " les décisions implicites de rejet des demandes d'abrogation et de retrait de l'arrêté du 11 août 2020 et de la décision du 15 décembre 2020 apparaissent entachées d'irrégularité dès lors que le maire n'était pas compétent en vertu de l'article L 1331-24 du code de la santé publique pour prendre la première décision précitée, et que la seconde décision est intervenue sans procédure contradictoire préalable alors qu'il s'agit d'une mesure de police. Ces irrégularités entraînent, par voie de conséquence, l'annulation des titres exécutoires émis en application des décisions précitées ".

Par des courriers des 27 et 30 septembre 2024, communiqués à la société civile immobilière Dadimmo, la commune de Perpignan a présenté des observations en réponse à la lettre du 27 septembre 2024.

II. Par une requête , enregistrée le 14 février 2023 sous le n° 23TL00383, et un mémoire du 5 septembre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société civile immobilière Dadimmo, représentée par Me Brunel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2104333 et 2104532 du 20 décembre 2022 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler les titres de recettes n° 391 et n° 1043 émis les 28 mai 2021 et 31 décembre 2020 par le centre communal d'action sociale de Perpignan

3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Perpignan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société civile immobilière Dadimmo soutient que :

- les sommes portées par ces titres exécutoires, qui correspondent aux frais de relogement de l'un de ses locataires ne sauraient être mises à sa charge dès lors que les premiers juges, pour estimer que l'appartement du deuxième étage occupé par le locataire était impropre à l'habitation, se sont exclusivement fondés sur les procès-verbaux d' " information et de constatation " établis par les services de la mairie les 4 et 6 décembre 2019 alors que le rapport d'expertise établi à sa demande le 18 décembre 2019, ainsi que les constats d'huissier des 12 et 13 décembre 2019 qu'elle a également fait établir , démontrent que si l'appartement du premier étage était inhabitable, l'appartement du deuxième étage avait été remis à neuf et se trouvait parfaitement habitable pour le locataire considéré ;

- l'insalubrité du logement du deuxième étage lui est donc opposée à tort ;

- il convient de retenir le mauvais vouloir du locataire qui a refusé sa proposition d'emménager dans un appartement refait à neuf, alors que par ailleurs les constats établis par les services de la commune de Perpignan sont très orientés et ne décrivent pas de façon objective la réalité de l'état de l'immeuble et des appartements.

Par deux mémoires en défense du 3 et 10 septembre 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le centre communal d'action sociale de Perpignan, représenté par Me Pons-Serradeil, conclut au rejet de la requête de la société civile immobilière Dadimmo et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 22 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2024 à 12h00 dans l'affaire n° 23TL00383.

Par un courrier du 24 septembre 2024, les parties ont été informées, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de se fonder sur le moyen relevé d'office tiré de ce que " les décisions implicites de rejet des demandes d'abrogation et de retrait de l'arrêté du 11 août 2020 et de la décision du 15 décembre 2020 apparaissent entachées d'irrégularité dès lors que le maire n'était pas compétent en vertu de l'article L 1331-24 du code de la santé publique pour prendre la première décision précitée, et que la seconde décision est intervenue sans procédure contradictoire préalable alors qu'il s'agit d'une mesure de police. Ces irrégularités entraînent, par voie de conséquence, l'annulation des titres exécutoires émis en application des décisions précitées ".

Par des courriers du 26 et 27 septembre 2024, communiqué à la société civile immobilière Dadimmo, le centre communal d'action sociale de Perpignan a présenté des observations en réponse à la lettre du 24 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Latapie pour la commune de Perpignan et de Me Pons-Serradeil pour le centre communal d'action sociale de Perpignan.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière Dadimmo est propriétaire d'un immeuble, situé ... à Perpignan (Pyrénées-Orientales), comportant un local commercial au rez-de-chaussée et quatre appartements répartis sur trois étages. Par un arrêté du 27 décembre 2019, le maire de Perpignan a ordonné, compte tenu de l'état très dégradé du bâtiment, l'évacuation du locataire occupant l'appartement situé au premier étage de l'immeuble. Par un nouvel arrêté du 11 août 2020, le maire a mis en demeure la société Dadimmo de mettre l'immeuble en conformité avec les prescriptions du règlement sanitaire départemental en matière d'hygiène et de salubrité publiques en lui imposant la réalisation d'un certain nombre de travaux sur les parties communes et dans les différents logements, en particulier celui situé au premier étage occupé par son locataire. Par ailleurs, après que la société civile immobilière Dadimmo eut manifesté son intention de reloger son locataire dans un appartement du 2ème étage de son immeuble, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris un arrêté du 19 août 2020 lui enjoignant de faire cesser toute occupation de l'appartement situé au deuxième étage de l'immeuble. Enfin, le 15 décembre 2020, le maire de Perpignan, après avoir constaté que la société Dadimmo avait manqué à son obligation de proposer un logement décent à son locataire, a informé cette société qu'il faisait usage du pouvoir de substitution, prévu par le II de l'article L. 1331-28-2 du code de la santé publique, afin d'assurer ce relogement aux frais de la société. Par un courrier du 8 février 2021, adressé au maire de Perpignan, la société Dadimmo a demandé, d'une part, l'abrogation de l'arrêté municipal du 11 août 2020, et d'autre part, le retrait de la décision du maire prise le 15 décembre 2020. La magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier, par un jugement n° 2102023 du 20 décembre 2022, a rejeté la demande d'annulation présentée par la société Dadimmo tendant à l'annulation des deux décisions implicites de rejet opposées à ses demandes du 8 février 2021.

2. La société civile immobilière Dadimmo a, par ailleurs, demandé au tribunal administratif de Montpellier, par deux demandes distinctes, d'annuler les titres de recettes émis, respectivement, sous le n° 1043 le 31 décembre 2020, et sous le n° 391 le 28 mai 2021, par le centre communal d'action sociale de Perpignan pour avoir paiement des sommes de 2 839,20 euros et de 864,64 euros correspondant aux frais exposés par cet établissement public afin d'assurer le relogement du locataire pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2020 et de janvier à avril 2021 inclus. Par un second jugement n° 2104333 et 2104532 du 20 décembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces deux demandes.

3. La société Dadimmo demande à la cour d'annuler les jugements n° 2102023 et n° 2104333 et 2104532 du 20 décembre 2022.

4. Les requêtes n° 23TL00383 et 23TL00395 présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 23TL00395 :

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Perpignan :

5. La requête d'appel, si elle reprend plusieurs moyens invoqués devant le tribunal administratif, rappelle les motifs du jugement de première instance qu'elle critique. Elle ne peut donc être regardée comme se bornant à reproduire intégralement et exclusivement le contenu de la demande de première instance. En conséquence, la fin de non-recevoir, opposée en défense, tiré de ce que la requête d'appel ne satisfait pas à l'exigence de motivation prévue à l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du maire de Perpignan refusant implicitement d'abroger son arrêté du 11 août 2020 :

6. Aux termes des dispositions de l'article L. 241-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) les règles applicables à l'abrogation et au retrait d'un acte administratif unilatéral pris par l'administration sont fixées par les dispositions du présent titre ". Aux termes des dispositions de l'article L. 243-1 du même code : " Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé (...) ". L'arrêté du maire de Perpignan du 11 août 2020, qui met en demeure la société Dadimmo de faire réaliser des travaux de mise en conformité de l'immeuble lui appartenant, constitue une mesure de police, qui impose en outre des sujétions, ayant la nature d'un acte non règlementaire non créateur de droits.

7. Aux termes de l'article L. 1331-24 du code de la santé publique dans sa version en vigueur du 1er mars 2019 au 1er janvier 2021 et applicable à la date de la décision attaquée s'agissant d'une règle de compétence : " Lorsque l'utilisation qui est faite de locaux (...) présente un danger pour la santé ou la sécurité de leurs occupants, le représentant de l'Etat dans le département, après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques, peut enjoindre à la personne qui a mis ces locaux (...) à disposition ou à celle qui en a l'usage de rendre leur utilisation conforme aux prescriptions qu'il édicte dans le délai qu'il fixe. L'injonction prévue au premier alinéa précise que, à l'expiration du délai fixé, en cas de non-respect des prescriptions édictées, la personne qui a mis les locaux (...) à disposition (...) est redevable d'une astreinte par jour de retard dans les conditions prévues à l'article L. 1331-29-1. (...) Si l'injonction est assortie d'une interdiction temporaire ou définitive d'habiter, la personne ayant mis ces locaux à disposition est tenue d'assurer l'hébergement ou le relogement des occupants dans les conditions prévues par l'article L. 521-3-1 du même code (...) S'il n'est pas satisfait à l'injonction dans le délai fixé, le représentant de l'Etat dans le département prend, aux frais de la personne à laquelle elle a été faite, toutes mesures nécessaires pour ce faire. La créance de la collectivité publique est recouvrée comme en matière de contributions directes. ". Par ailleurs en cas de possibilité de remédier à l'insalubrité d'un immeuble, l'article L. 1331-28 II du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que " (...) le représentant de l'Etat dans le département prescrit par arrêté les mesures adéquates ainsi que le délai imparti pour leur réalisation... Ces mesures peuvent comprendre, le cas échéant, les travaux nécessaires pour (...) l'installation des éléments d'équipement nécessaires à un local à usage d'habitation (...) ".

8. S'il appartient au maire, en vertu des pouvoirs généraux de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et des pouvoirs de contrôle administratif et technique des règles générales d'hygiène applicables aux habitations et à leurs abords qui lui sont conférés par l'article L. 1421-4 du code de la santé publique, de veiller au respect des règles de salubrité sur le territoire de la commune, la prescription de mesures adéquates de nature à faire cesser l'insalubrité dans un logement relève, en application des dispositions précitées des articles L. 1331-24 et L. 1331-28 II du même code, de la seule compétence du préfet. Par suite, le maire de Perpignan n'était pas compétent pour prendre l'arrêté du 11 août 2020. Et dès lors que cet arrêté constitue un acte non réglementaire n'ayant pas créé de droits, ainsi qu'il a été dit précédemment, la société Dadimmo était fondée, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, et conformément aux dispositions précitées de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration, à en demander l'abrogation alors même que cet arrêté serait entre temps devenu définitif.

9. Dans la mesure où l'arrêté du 11 août 2020 est entaché d'incompétence, vice d'ordre public, le maire de Perpignan a commis une illégalité en refusant, par la décision implicite de rejet en litige, de faire droit à la demande d'abrogation de cet arrêté présentée par la société Dadimmo. Il en résulte que cette société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Perpignan a implicitement rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020 la mettant en demeure de réaliser des travaux sur son immeuble dont elle est propriétaire. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé des autres moyens soulevés par la société, et notamment ses moyens de légalité interne, la décision implicite de rejet en litige doit être annulée.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du maire de Perpignan refusant implicitement de retirer sa décision du 15 décembre 2020 :

10. Aux termes des dispositions de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut retirer (...) un acte non réglementaire non créateur de droits que s'il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant son édiction. ".

11. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 (...) sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Selon l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes (...) morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) 3° (...) imposent des sujétions (...) ". Enfin aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

12. La décision du 15 décembre 2020 par laquelle le maire a indiqué à la société civile immobilière Dadimmo qu'elle assurerait elle-même le relogement de son locataire aux frais de ladite société était au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions précitées. Elle devait, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire permettant au propriétaire devant assumer les frais de relogement d'être informé de la mesure qu'il était envisagé de prendre, ainsi que des motifs fondant cette mesure, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations éventuelles. Le respect de la procédure ainsi prévue par ces dispositions constitue, en l'espèce, une garantie pour la personne intéressée. Dès lors qu'il est constant que la décision du 15 décembre 2020 n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire, la société appelante est fondée à soutenir qu'elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et qu'ainsi, la décision en litige refusant de retirer cette décision, qui n'était ni créatrice ce droits ni au surplus devenue définitive à la date de la demande de retrait, est entachée d'illégalité contrairement à ce qu'a jugé la magistrate désignée. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé des autres moyens soulevés par la société, et notamment ses moyens de légalité interne, la décision implicite de rejet en litige doit être annulée.

Sur les conclusions en injonction :

13. En premier lieu, compte tenu du motif retenu au point 9, tiré de l'incompétence du maire de Perpignan pour prendre l'arrêté du 11 août 2020 mettant en demeure la société Dadimmo de faire réaliser des travaux de mise en conformité de l'immeuble, il y a lieu d'enjoindre au maire de Perpignan de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

14. En second lieu, la décision du 15 décembre 2020 par laquelle le maire de Perpignan a indiqué à la société civile immobilière Dadimmo que le logement du deuxième étage " présentait des critères de non-décence ", et n'était pas adapté à la situation du locataire auquel il avait été proposé, se fonde sur l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 19 août 2020 mettant en demeure cette société de faire cesser l'occupation de l'appartement aux motifs qu'il ne présentait pas d'ouvertures vers l'extérieur, qu'il présentait des dangers pour la sécurité et la santé des occupants sur différents points tenant à l'absence de sécurité de l'installation électrique, à l'insuffisance du dispositif de chauffage et du système de ventilation, à l'absence de caractère étanche de la porte palière, à la vétusté de la fenêtre et de ses défauts d'étanchéité, et à l'absence de diagnostic relatif à la présence d'amiante et de plomb. Ces éléments ont été recensés dans le rapport de visite du 10 décembre 2019 établi par le directeur du service communal d'hygiène et de santé, et dans le document établi le 6 décembre 2019 par les services de la commune de Perpignan sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale après signalement. La société appelante ne conteste pas sérieusement l'exactitude matérielle de ces éléments qui font ainsi regarder l'appartement situé au deuxième étage de son immeuble comme inhabitable. C'est pour ce motif qu'ont été pris l'arrêté préfectoral du 19 août 2020 enjoignant à la société Dadimmo de faire cesser la location, puis la décision du maire du 15 décembre 2020 se substituant à cette dernière, et à ses frais, dans la mise en œuvre du relogement du locataire. Dans ces conditions, eu égard au motif d'annulation de la décision de refus de retrait de la décision du 15 décembre 2020, tenant à la seule absence de respect de la procédure contradictoire, les conclusions présentées par la société Dadimmo, tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Perpignan de procéder au retrait de la décision du 15 décembre 2020, ne peuvent être que rejetées.

Sur la requête n° 23TL00383 :

15. Ainsi qu'il a été dit au point 14, l'arrêté du 19 août 2020 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a mis en demeure la société Dadimmo de mettre fin à la location de l'appartement dont cette dernière est propriétaire est fondé sur l'insalubrité du logement, laquelle est établie par les pièces du dossier. L'article 2 de cet arrêté précise qu'à défaut pour la société d'avoir assuré le relogement, celui-ci sera pris en charge par la collectivité publique aux frais de la société Dadimmo. Il résulte de l'instruction que les titres exécutoires en litige poursuivent le recouvrement des sommes exposées par le centre communal d'action sociale de la commune de Perpignan dans le cadre de l'exécution de l'arrêté préfectoral précité du 19 août 2020 qui, ainsi qu'il a été dit, n'était pas entaché d'erreur de fait ni d'erreur de qualification juridique compte tenu de l'insalubrité du logement loué.

16. Il résulte de ce qui précède, que la société Dadimmo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de recettes n° 391 et n° 1043, émis respectivement les 28 mai 2021 et 31 décembre 2020 par le trésorier du centre communal d'action sociale de Perpignan, afin d'avoir paiement des sommes de 864,64 euros et de 2 839,20 euros correspondant aux frais exposés par cet établissement afin d'assurer le relogement d'un locataire de la société civile immobilière pour les périodes du 1er janvier au 31 décembre 2020 et de janvier à avril 2021 inclus.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement n° 2102023 du 20 décembre 2022 le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions à fin d'annulation et ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Perpignan d'abroger l'arrêté du 11 août 2020.

Sur les conclusions tenant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2102023 du 20 décembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Dadimmo et ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Perpignan d'abroger l'arrêté du 11 août 2020. La décision implicite de refus d'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020 et la décision implicite de rejet de la demande de retrait de la décision du 15 décembre 2020 sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Perpignan de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 11 août 2020 dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société civile immobilière Dadimmo présentées dans la requête n° 2300395 est rejeté.

Article 4 : La requête n° 2300383 est rejetée.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Perpignan et du centre communal d'action sociale de Perpignan présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Dadimmo, à la commune de Perpignan et au centre communal d'action sociale de Perpignan.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck,président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

F.Faïck

La greffière,

C.Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 23TL00383 et 23TL00395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00383
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-002 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : PONS-SERRADEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;23tl00383 ?
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