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15/10/2024 | FRANCE | N°23TL00251

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 octobre 2024, 23TL00251


Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus, au cours de l'audience publique :



- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Audouin pour la commune d'Alès, les Logis Cévenols- Office public de l'Habitat Alès agglomération et la communauté d'aggl

omération d'Alès agglomération.





Considérant ce qui suit :



1. La société Pharmacie C..., dont Mme C...

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Audouin pour la commune d'Alès, les Logis Cévenols- Office public de l'Habitat Alès agglomération et la communauté d'agglomération d'Alès agglomération.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pharmacie C..., dont Mme C... est la gérante, exploite depuis le 1er juillet 2006, à Alès (Gard), une officine de pharmacie située au 36 avenue Jean-Baptiste Dumas dans le quartier des Prés Saint-Jean. Estimant avoir subi des pertes d'exploitation résultant de la mise en œuvre successive, dans le quartier des Prés Saint-Jean, de deux programmes de renouvellement urbain, dits " A... 1 " (2003-2015) et " A... 2 " (à compter de 2017) dans le cadre d'une convention conclue entre l'agence nationale de renouvellement urbain (A...), la communauté d'agglomération d'Alès agglomération et la commune d'Alès, la société Pharmacie C... et Mme C... ont, après rejet implicite le 3 octobre 2020 de leur demande indemnitaire préalable, demandé devant le tribunal administratif de Nîmes la condamnation solidaire de la commune d'Alès, de l'office public de l'habitat les Logis Cévenols et de la communauté d'agglomération d'Alès agglomération à leur verser la somme totale de 750 609,19 euros en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis.

2. La société pharmacie C... et Mme B... C... demandent l'annulation du jugement du 16 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande et sollicitent la condamnation de la commune d'Alès, de l'office public de l'habitat les Logis Cévenols et de la communauté d'agglomération d'Alès agglomération à verser à la société pharmacie C... la somme de 28 2000 euros au titre de ses pertes d'exploitation, de 50 000 euros au titre de la dépréciation du fonds de commerce, de 87 240, 92 euros en réparation du préjudice financier, et à Mme C... la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et d'anxiété.

Sur les conclusions à fins d'indemnisation :

3. La responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, au cas où une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner au détriment d'une personne physique ou morale un préjudice résultant d'un dommage qui, excédant les aléas que comporte nécessairement une exploitation notamment commerciale, revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé. Il revient aux juges du fond d'exposer les éléments de droit et de fait sur lesquels ils se fondent pour juger qu'un préjudice revêt ou ne revêt pas un caractère anormal. Il leur revient également de déterminer la part du préjudice qui, revêtant un tel caractère, ouvre droit à indemnisation.

4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise établi le 27 avril 2020 à la demande du tribunal administratif de Nîmes, qui s'appuie sur les statistiques professionnelles nationales du secteur pharmaceutique, que, depuis la fin des années 2000 et en raison du contexte économique et de la politique de déremboursement des médicaments, la moyenne du chiffre d'affaires des pharmacies tend à diminuer chaque année. Les petites officines, qui présentent un chiffre d'affaires annuel inférieur à un million d'euros, ce qui est le cas de la pharmacie C..., sont les plus touchées par ces facteurs, le chiffre d'affaires de cette catégorie d'officines ayant régulièrement décru entre 2009 et 2019. Il résulte de l'instruction qu'entre 2007, date de sa première année complète d'exploitation, et 2019, la pharmacie C... a enregistré une baisse de chiffre d'affaires de l'ordre de 27 %. Sur la période comprise entre 2009 à 2019, elle a connu des baisses de chiffres d'affaires allant de 1, 28 % à 11, 86 % sensiblement supérieures aux baisses enregistrées au plan national. La pharmacie C... a cependant enregistré une hausse de son chiffre d'affaires de 8,31 % en 2014 et de 1,10 % en 2016 et, en 2019, une baisse de ce chiffre de 0,26 % légèrement inférieure à la moyenne nationale. Par ailleurs, au cours de la même période comprise entre 2009 et 2019, les officines de pharmacie concurrentes Praden et Clavières, situées dans un rayon de deux kilomètres de la pharmacie C..., et appartenant à des catégories d'officines réalisant des chiffres d'affaires supérieurs à un million d'euros annuels, ont connu des hausses importantes de leurs chiffres d'affaires alors même qu'elles se trouvent dans un secteur concerné par les opérations de rénovation urbaines auxquelles les requérantes impute les pertes d'exploitation subies par la société Pharmacie C.... L'expert désigné par le tribunal a relevé à cet égard que cette situation illustre la tendance selon laquelle les grandes officines résistent sensiblement mieux au contexte économique et aux politiques de déremboursement que les petites officines au rang desquelles figure la pharmacie C....

5. Les appelantes, qui n'ont au demeurant ni contesté la légalité des autorisations de création des deux officines précitées ni sollicité l'engagement de la responsabilité de l'Etat à raison de la délivrance illégale de ces autorisations, font valoir que le perte de clientèle subie par la pharmacie C... ne résulte pas de la concurrence de ces officines mais de la diminution, qualifiée par l'expert de " désertification progressive du quartier des Prés Saint-Jean ", du nombre d'habitants du quartier à la suite de la destruction et de la suppression de nombreux logements dans le cadre des deux programmes de renouvellement urbain " A... 1 ", réalisé entre 2003 et 2015, et " A... 2 " entamé en 2017.

6. A cet égard, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que sur la période de responsabilité invoquée par les appelantes, comprise entre 2009 et 2019, le nombre de logements existants est passé de 1 253 en 2006, lorsque Mme C... a fait l'acquisition de sa pharmacie, à 1 100 en octobre 2019, soit une diminution de 153 logements. Il résulte également de l'instruction que 114 autres logements ont été supprimés en 2002, soit en dehors de la période de responsabilité définie ci-dessus, à la suite d'inondations, ainsi que l'établit une attestation du 24 mai 2002 du directeur général de Logis Cevenol, tandis que les appelantes soutiennent, mais sans apporter le moindre élément de preuve, que cette suppression aurait eu lieu en 2014 ou sinon en 2009 comme l'affirme l'expert, mais là encore sans élément de preuve. Si, par ailleurs, les appelantes se fondent sur le rapport d'expertise pour soutenir que 36 logements ont été supprimés en 2012 et 147 logements en 2019, ces affirmations ne sont confirmées par aucun élément précis, alors que seules les destructions effectivement réalisées doivent être prises en compte et non celles seulement envisagées. Enfin, s'il demeure vrai que le nombre de logements a diminué dans le quartier entre 2006 et 2019, cette situation s'explique par le manque d'attractivité du secteur de Prés Saint-Jean où, depuis 2010, le nombre de logements sociaux vacants est resté bien supérieur à celui des logements bloqués en vue de leur destruction dans le cadre de l'action de réhabilitation urbaine et les propositions de logements adressées par le bailleur social aux personnes éligibles dans ce quartier ont été très majoritairement refusées.

7. Par ailleurs, les appelantes font valoir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la diminution de la population du quartier des Prés Saint-Jean serait due, au-delà des logements détruits dans le cadre des opérations de rénovation, au manque d'attractivité du quartier qui expliquerait par lui-même la diminution de la population y résidant. Toutefois, aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer que les opérations de rénovations urbaines menées pour le compte de la commune d'Alès, l'office les Logis Cévenols et la communauté d'agglomération Alès agglomération auraient contribué à ce manque d'attractivité alors précisément que ces opérations, débutées dès 2003, soit bien avant l'acquisition par Mme C... de sa pharmacie, avaient pour objectif de réhabiliter ce quartier notamment par la construction de nouveaux logements plus aérés à la place de barres d'immeubles.

8. Il résulte de ce qui précède que le lien de causalité directe entre la baisse du chiffre d'affaires de la pharmacie C... entre les années 2009 à 2019 et la réalisation des deux programmes de renouvellement urbain, dits A... 1 et A... 2, n'est pas établi. Par suite, les appelantes ne sont pas fondées à rechercher l'engagement de la responsabilité sans faute des collectivités défenderesses pour rupture de l'égalité devant les charges publiques.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société Pharmacie C... et Mme C... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes.

Sur les frais d'expertise :

10. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions des appelantes tendant à ce que les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 15 287,42 euros toutes taxes comprises soient mis à la charge définitive des parties défenderesses doivent être écartées. En application de ces dispositions, les frais d'expertise doivent être mis à la charge de la société Pharmacie C... et de Mme C... ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge solidaire de la commune d'Alès, de l'office public de l'habitat les Logis Cévenols et de la communauté d'agglomération d'Alès agglomération, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Pharmacie C... et Mme C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Pharmacie C... et de Mme C..., prises ensemble, une somme de 500 euros à verser, pour chacune d'elles, à la commune d'Alès, à l'office public de l'habitat des Logis Cévenols et à la communauté d'agglomération d'Alès agglomération.

DECIDE :

Article 1 er : La requête de la société Pharmacie C... et de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 15 287,42 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge définitive de la société pharmacie C... et de Mme C....

Article 3 : La société Pharmacie C... et de Mme C..., prises ensemble, verseront pour chacune d'entre elles, à la commune d'Alès, à l'office public de l'habitat les Logis Cévenols, à la communauté d'agglomération d'Alès agglomération une somme de 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société pharmacie C..., à Mme B... C..., à la commune d'Alès, à l'office public de l'habitat les Logis Cévenols et à la communauté d'agglomération d'Alès agglomération.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck,président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

F.Faïck

La greffière,

C.Lanoux

La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23TL00251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00251
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité sans faute. - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SCP MASSAL-RAOULT-ALARDET-VERGANI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;23tl00251 ?
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