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15/10/2024 | FRANCE | N°22TL22506

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 octobre 2024, 22TL22506


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Dio-et-Valquières, née le 27 juin 2019, rejetant sa demande tendant à la signature d'un bail rural sur les terres communales mises en location. Il a également demandé au tribunal administratif d'enjoindre à cette commune de procéder à la signature du bail dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et de la condamner au paiement de

la somme de 92 000 euros en réparation de son préjudice économique ainsi que d'une somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite du maire de la commune de Dio-et-Valquières, née le 27 juin 2019, rejetant sa demande tendant à la signature d'un bail rural sur les terres communales mises en location. Il a également demandé au tribunal administratif d'enjoindre à cette commune de procéder à la signature du bail dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et de la condamner au paiement de la somme de 92 000 euros en réparation de son préjudice économique ainsi que d'une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1904538 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 décembre 2022 et le 26 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Deramond de Roucy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 octobre 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du 27 juin 2019 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Dio-et-Valquières de procéder à la signature du bail rural dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de condamner cette commune au paiement de la somme de 230 000 euros en réparation de son préjudice économique et de la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

5°) de mettre à la charge de cette commune la somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le contentieux indemnitaire est lié par le courrier du 26 août 2019, réceptionné par la commune le 29 août 2019 ;

- la décision implicité attaquée est entachée d'un détournement de procédure ; l'absence d'application de la délibération du conseil municipal du 17 avril 2018, qui avait acté le principe de la location de parcelles communales à des agriculteurs, a pour seul but de l'évincer afin de favoriser les intérêts d'un autre exploitant ;

- la lettre du maire du 19 avril 2018 fait bien apparaître qu'une délibération du conseil municipal été adoptée le 17 avril 2018 pour la passation d'un bail sur les terres communales ; en dépit de ses démarches pour en obtenir la communication, la commune a seulement produit le compte-rendu de la séance du 17 avril 2018, et la convocation des conseillers municipaux du 11 avril 2018, mais pas la copie du procès-verbal des délibérations du conseil municipal du 17 avril 2018 figurant dans le registre des délibérations ;

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'il remplissait les conditions posées par cet article pour bénéficier de la priorité, prévue en faveur des exploitants en cours d'installation, pour signer un bail avec la commune de Dio-et-Valquières ;

- la commune intimée engage sa responsabilité pour faute du fait de l'illégalité de la décision implicite de rejet du 27 juin 2019 ;

- elle engage également sa responsabilité pour faute en raison de son attitude qui l'a induit en erreur en lui laissant croire qu'elle allait conclure un bail avec lui et en entretenant l'espoir de cette signature ;

- la faute de la commune lui a causé une perte de chance de demander l'aide publique pour les surfaces cultivées en 2018 au titre de l'attribution de droit à paiement de base pour les surfaces supplémentaires qu'il aurait obtenues si le bail avait été signé avec la commune ; son préjudice économique s'élève à 230 000 euros ;

- il a subi un préjudice moral qu'il estime à 10 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 octobre 2023 et le 13 février 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Dio-et-Valquières, représentée par Me Bras, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, le contentieux indemnitaire n'est pas lié en l'absence de demande préalable à la saisine du juge ; le courrier du 26 août 2019 postérieur à la saisine du juge n'a pas eu pour effet de régulariser cette carence ; les conclusions indemnitaires sont irrecevables ;

- l'appelant ne peut rechercher pour la première fois en appel sa responsabilité pour faute fondée sur une prétendue promesse non tenue ;

- à titre subsidiaire, la délibération du conseil municipal du 17 avril 2018 sur laquelle l'appelant fonde ses prétentions n'existe pas comme le montrent le procès-verbal de cette séance et la convocation adressée aux conseillers municipaux ; la lettre d'information signée par le maire indique expressément que sa signature n'engage pas la commune à vendre ou à louer les parcelles, objets de la demande ;

- les dispositions de l'article L. 411-5 du code rural et de la pêche maritime ne s'appliquent pas en l'espèce ;

- les conditions du bail qui doivent être déterminées par le conseil municipal avant sa signature par le maire ne sont pas déterminées et un désaccord existe entre les protagonistes sur l'étendue des surfaces revendiquées ;

- aucune faute n'est de nature à engager sa responsabilité en l'absence d'illégalité commise ;

- il ne justifie pas par des éléments chiffrés de l'étendue de son préjudice économique

- le préjudice moral allégué n'est pas établi.

Par une ordonnance du 14 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mars 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces de ce dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme B...,

- et les observations de Me Milhonne, substituant Me Deramond de Roucy,représentant l'appelant et celles de Me Bras représentant la commune de Dio-et-Valquières.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier de la maire de la commune de Dio-et-Valquières (Hérault) du 19 avril 2018, M. A..., exploitant agricole, a été informé qu'à la suite d'une décision prise le 17 avril 2018, lors de la réunion du conseil municipal, des terrains communaux " seraient mis en location aux agriculteurs sous forme de baux ". Par courrier notifié le 27 avril 2019, M. A... a demandé au maire qu'un bail rural soit conclu dans les plus brefs délais. Par courrier reçu le 29 août 2019, il a sollicité auprès de la commune l'indemnisation du préjudice lié au refus du maire de conclure avec lui un bail rural. M. A... relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet, née le 27 juin 2019, de signer un bail pour les terres communales censées être mises en location et d'indemnisation des préjudices économique et moral qu'il estime avoir subis.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune, (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-21 de ce code : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : (...) 6° De souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements ; (...) ". Aux termes de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, le bail peut être conclu soit à l'amiable, soit par voie d'adjudication. Lorsque le bail est conclu à l'amiable, le prix du fermage doit être compris entre les maxima et les minima prévus à l'article L. 411-11 du présent code. Lorsque le bail est conclu par adjudication, les enchères sont arrêtées dès que le prix offert pour le fermage atteint le montant maximum fixé en application de l'article L. 411-11. Dans ce cas, tous les enchérisseurs peuvent se porter preneur au prix maximum. En cas de pluralité d'enchérisseurs à ce prix, le bailleur choisit parmi eux le bénéficiaire du nouveau bail ou procède par tirage au sort. Quel que soit le mode de conclusion du bail, une priorité est réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ou, à défaut, aux exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l'article L331-2 du présent code, ainsi qu'à leurs groupements. (...) ".

3. D'autre part, un bail qui est un contrat consensuel qui se forme par le seul échange des consentements des parties, n'est valablement formé que lorsqu'un accord sur la chose louée et le montant du loyer est intervenu.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 2121-9 du code général des collectivités territoriales : " Les délibérations du conseil municipal sont inscrites sur un registre coté et paraphé par le maire, quel que soit le mode de transmission de ces délibérations au préfet. Les affaires venant en délibération au cours d'une même séance reçoivent un numéro d'ordre à l'intérieur de la séance. (...) Les feuillets sur lesquels sont transcrites les délibérations portent mention du nom de la commune et de la date de la séance du conseil municipal. Ils sont numérotés. (...) ".

5. Même si le compte-rendu de la séance du conseil municipal du 17 avril 2018, et la convocation des conseillers municipaux à cette séance, ne font pas mention d'une délibération autorisant la mise à disposition des terres communales inexploitées sous forme de bail au profit d'exploitants agricoles, il n'en demeure pas moins que la lettre du 19 avril 2018 de la maire de la commune de Dio-et-Valquières, indiquait, sans la moindre ambigüité, que " suite à la réunion du conseil municipal du 17 avril 2018, à l'unanimité des membres présents, il a été décidé que les terrains communaux seraient mis en location aux agriculteurs sous forme de baux ". En l'absence de production par la commune intimée de la copie de l'ensemble des délibérations du conseil municipal du 17 avril 2018 figurant dans le registre prévu à l'article R. 2121-9 du code général des collectivités territoriales, le contenu de cette lettre n'est pas valablement démenti par les éléments du dossier. Dès lors, la lettre du 19 avril 2018 doit être regardée comme révélant la décision du conseil municipal du 17 avril 2018 de mettre à disposition des agriculteurs des terrains communaux sous forme de baux.

6. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil municipal aurait délibéré sur l'étendue des terrains communaux loués et sur le montant du loyer ni qu'il aurait désigné le ou les preneurs à bail. De plus, il ressort des pièces du dossier que les négociations à l'amiable menées entre M. A... et la commune pour déterminer les surfaces ayant vocation à être louées ont échoué. Dès lors, en l'absence, d'une part, d'accord sur la chose louée et sur le montant des loyers et, d'autre part, de désignation précise du preneur à bail, la délibération du 17 avril 2018 n'engageait pas de manière ferme et définitive la commune de Dio-et-Valquières envers M. A... alors même que ce dernier aurait été le seul candidat à s'être déclaré postérieurement pour conclure le bail. Cette délibération doit, dès lors, être regardée comme un simple accord de principe ne conférant aucun droit à la conclusion d'un bail. Par suite, les moyens tirés du détournement de procédure et de la méconnaissance de l'article L. 411-15 du code rural et de la pêche maritime, relatif aux modes de conclusion d'un bail rural, dont serait entachée la décision implicite de rejet en litige, ne peuvent qu'être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet du 27 juin 2019 et par voie de conséquence, ses conclusions en injonction.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. L'illégalité de la décision du 27 juin 2019 n'ayant pas été retenue, et la commune n'ayant pas davantage commis de faute en laissant croire à M. A... qu'un bail rural lui serait attribué, la responsabilité pour faute de cette commune au titre des faits générateurs invoqués ne peut pas être engagée.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Dio-et-Valquières, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'appelant une somme à verser à la commune intimée.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Dio-et-Valquières sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune de Dio-et-Valquières.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22506


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22506
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Statut du fermage et du métayage - Baux ruraux.

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Conseil municipal - Délibérations.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Domaine - Domaine privé.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : GDR AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;22tl22506 ?
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