La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2024 | FRANCE | N°22TL22469

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 octobre 2024, 22TL22469


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 par lequel le maire de Toulouse a prononcé à son encontre la sanction de révocation.



Par un jugement n° 2101113 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Vimini, demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2022 ;



2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 par lequel le maire de Toulouse a prononcé à son encontre la sanction de révocation.

Par un jugement n° 2101113 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2022, Mme B..., représentée par Me Vimini, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 prononçant sa révocation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît le principe du contradictoire et les droits de la défense dès lors qu'elle n'a pas pu vérifier la retranscription de ses propos tenus pendant la séance du conseil de discipline par une relecture du procès-verbal et par l'apposition de sa signature permettant d'en attester l'authenticité ;

- la sanction de révocation méconnaît la présomption d'innocence ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ; elle pâtit de la déformation de ses propos dans le procès-verbal de la séance du 11 janvier 2021 du conseil de discipline ; de plus, elle n'est pas l'auteur des actes qui lui sont imputés dans le cadre de l'instance pénale et n'a pas été pénalement condamnée pour ces faits ;

- cette sanction présente un caractère disproportionné dès lors qu'elle n'a fait l'objet d'aucune condamnation, n'a aucun antécédent disciplinaire, et qu'elle fait preuve d'une exemplarité professionnelle depuis seize années ; de plus, l'image du service public n'est pas atteinte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2024, la commune de Toulouse, représentée par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir, en ce qui concerne la recevabilité de l'appel, que :

- la requête qui ne comporte aucune critique du jugement attaqué et est rédigée dans les mêmes termes que la requête de première instance est irrecevable ;

En ce qui concerne le fond du litige ;

- le principe du contradictoire et les droits de la défense n'ont pas été méconnus dès lors qu'aucune disposition, notamment pas celle figurant dans le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux, n'impose ni la validation du procès-verbal du conseil de discipline par le fonctionnaire poursuivi ni l'apposition de sa signature pour validation ;

- le contenu du procès-verbal du conseil de discipline retranscrit fidèlement les propos tenus par Mme B... au cours de la séance du 11 janvier 2021 ;

- la matérialité des faits reprochés à l'appelante est établie ; elle ne démontre pas son état de faiblesse vis-à-vis de son voisin ni son absence d'implication dans la commission des faits litigieux dès lors qu'elle a positionné la caméra permettant de filmer sa fille nue sous la douche, a remis ce matériel au voisin qui en a publié le contenu sur un site pornographique où elle s'était également inscrite ;

- même si aucun antécédent disciplinaire ne peut être opposé à l'appelante et que les faits ont été commis en dehors du service, la sanction de révocation prise à son encontre présente un caractère proportionné compte tenu, d'une part, de la gravité des agissements qui lui sont imputés et, d'autre part, de l'atteinte portée à l'image du service public.

Vu les autres pièces de ce dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 92-850 du 28 août 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vimini, représentant l'appelante.

Une note en délibéré a été présentée le 1er octobre 2024 pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agente territorial spécialisée des écoles maternelles principal de 1ère classe, employée par la commune de Toulouse (Haute-Garonne), a fait l'objet d'un arrêté du 25 janvier 2021 par lequel le maire de cette commune a prononcé à son encontre une sanction de révocation. Elle relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée à droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. (...). ". Il résulte de ces dispositions qu'une sanction ne peut être prononcée légalement sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense.

3. Mme B... ne conteste pas avoir obtenu la communication de son dossier dans un délai suffisant et avoir été informée de la possibilité d'être assistée par le conseil de son choix. Dès lors, la procédure contradictoire organisée par l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 précité n'a pas été méconnue. De plus, aucune disposition et notamment pas celles du décret du 18 septembre 1989, n'impose, à peine d'irrégularité, la lecture du procès-verbal du conseil de discipline par la personne poursuivie et l'apposition de sa signature sur ce procès-verbal. Dès lors, le fait que l'appelante n'aurait pas pu vérifier la retranscription de ses propos tenus en séance du conseil de discipline par une relecture du procès-verbal, et par l'apposition de sa signature, n'est pas de nature à vicier la procédure disciplinaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale. Par suite, la commune de Toulouse n'a pas méconnu le principe de la présomption d'innocence, en engageant une procédure disciplinaire et en prononçant une sanction à l'encontre de l'appelante, parallèlement à la procédure pénale et sans attendre que les juridictions répressives aient définitivement statué, y compris pour des faits identiques, étrangers ou non à l'exercice des fonctions de Mme B.... Le moyen tiré de la violation de la présomption d'innocence ne peut donc qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983, alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. /(...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours / Deuxième groupe : / la radiation du tableau d'avancement ; / l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ;/ Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office ; / la révocation. ".

6. L'article 2 du décret du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles précise : " Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles sont chargés de l'assistance au personnel enseignant pour l'accueil et l'hygiène des enfants des classes maternelles ou enfantines ainsi que de la préparation et la mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement à ces enfants./ Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles appartiennent à la communauté éducative. Ils peuvent participer à la mise en œuvre des activités pédagogiques prévues par les enseignants et sous la responsabilité de ces derniers. Ils peuvent également assister les enseignants dans les classes ou établissements accueillant des enfants à besoins éducatifs particuliers. / En outre, ils peuvent être chargés de la surveillance des enfants des classes maternelles ou enfantines dans les lieux de restauration scolaire. Ils peuvent également être chargés, en journée, des missions prévues au premier alinéa et de l'animation dans le temps périscolaire ou lors des accueils de loisirs en dehors du domicile parental de ces enfants. ".

7. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'apporter la preuve de l'exactitude matérielle des griefs sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. Pour prononcer à l'encontre de Mme B... la sanction de la révocation, qui constitue la sanction disciplinaire la plus lourde qui puisse être infligée à un fonctionnaire territorial, l'administration s'est fondée sur son placement sous contrôle judiciaire par un juge d'instruction de Toulouse le 30 avril 2020 lui interdisant notamment d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs et sur l'information transmise par le procureur de la République quant aux faits reprochés, conformément à l'article 706-47-4 du code de procédure pénale. Elle lui a également opposé sa reconnaissance, lors de la séance du conseil de discipline, des faits pour lesquels elle était poursuivie.

9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la séance du 11 janvier 2021 du conseil de discipline que Mme B... a reconnu avoir laissé un tiers prendre des photographies de sa fille âgée de 17 ans et d'une autre mineure en maillot de bain ou en petite tenue et l'avoir laissé diffuser sans le consentement de sa fille ces photographies sur un site à caractère pornographique. Elle a également reconnu avoir placé une caméra qui a filmé sa fille sous la douche et avoir laissé diffuser cette vidéo sur le même site pornographique. L'appelante prétend que la retranscription de ses propos au cours de la séance devant le conseil de discipline n'est pas fidèle à la vérité. Néanmoins, alors que les mentions de ce procès-verbal font foi jusqu'à preuve du contraire, elle n'apporte aucune attestation de nature à les contredire et notamment pas des personnes qui, à l'instar des représentants du personnel, étaient présentes. Par ailleurs, si elle affirme ne pas être l'auteur des actes qui lui sont imputés dans le cadre de l'instance pénale, tels que la prise des photographies ou leur diffusion sur un site pornographique, elle ne conteste cependant ni avoir elle-même placé une caméra pour filmer sa fille sous la douche, avoir transmis la vidéo à un tiers dans le but d'être diffusée sur un site pornographique, ni ne pas s'être opposée aux agissements de ce tiers. Dès lors, même si, à la date de l'arrêté attaqué, sa condamnation pénale pour les faits pour lesquels elle était poursuivie n'était encore pas intervenue, cette condamnation ayant été prononcée le 17 octobre 2023, les faits qui fondent la sanction disciplinaire prononcée à l'encontre de l'appelante doivent être regardés comme matériellement établis.

10. Eu égard aux exigences d'exemplarité et d'irréprochabilité qui lui incombait dans ses relations avec des mineurs, y compris en dehors du service, en qualité d'agente territoriale spécialisée des écoles maternelles et compte tenu de l'atteinte portée, du fait de la nature des fautes commises, à la réputation du service public de l'éduction dont la commune de Toulouse a la responsabilité, ainsi qu'au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents à l'ensemble des agents de la communauté éducative, les faits qui sont reprochés à Mme B... constituent une faute d'une particulière gravité. Dans ces conditions, malgré l'absence d'antécédents disciplinaires de l'appelante et même si les faits reprochés ont été commis en dehors du service, la sanction de révocation prise à l'encontre de Mme B..., qui a été condamnée par le tribunal correctionnel de Toulouse le 17 octobre 2023 à une peine de 24 mois d'emprisonnement dont 18 avec sursis, n'est pas disproportionnée.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté prononçant sa révocation.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Toulouse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

13. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre à verser à la commune intimée.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera une somme de 1 500 euros à la commune de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22469


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22469
Date de la décision : 15/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure disciplinaire et procédure pénale.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : Maître Vincent VIMINI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;22tl22469 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award