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15/10/2024 | FRANCE | N°22TL21485

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 octobre 2024, 22TL21485


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Toulouse a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'État à lui verser la somme de 2 457 721,91 euros, toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts, au titre des préjudices subis à raison des dégradations commises à l'occasion des manifestations C... " pendant plusieurs mois chaque samedi à partir du 17 novembre 2018, sur

la commune de Toulouse.

Par un jugement n° 1904438 du 21 avril 2022, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Toulouse a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'État à lui verser la somme de 2 457 721,91 euros, toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts, au titre des préjudices subis à raison des dégradations commises à l'occasion des manifestations C... " pendant plusieurs mois chaque samedi à partir du 17 novembre 2018, sur la commune de Toulouse.

Par un jugement n° 1904438 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser la somme de 559 794, 49 euros à la commune de Toulouse avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 7 mars 2020, et a rejeté le surplus de la demande de la commune de Toulouse.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2022, sous le n° 22TL21485, et des mémoires des 19 février et du 16 septembre 2024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904438 du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Toulouse.

Le préfet soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il se réfère aux dégradations commises chaque samedi au cours de la période de novembre 2018 à mars 2019, mais sans évoquer de dates précises concernant les faits à l'origine des dommages commis lors des manifestations C... ".

Il soutient, au fond, que :

- les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, ne sont pas réunies ; les préjudices invoqués se rattachent à des manifestations qui ne sont pas en relation avec les manifestations C... ", mais qui résultent de l'action de groupes d'individus ultra-violents, tels que les " black blocs " ou de personnes issues des quartiers classés en zone de sécurité prioritaire et qui ont infiltré les manifestations C... " dans le seul but de commettre de façon préméditée des violences; ces individus ont un mode opératoire précis et répété, qui leur est particulier ; ainsi, les dommages subis lors de ces journées de mobilisation résultent de délits qui n'ont pas été commis à l'occasion de manifestations mais qui sont le fait de plusieurs groupes d'individus qui se sont constitués et organisés dans le seul but de commettre ces infractions ;

- la commune de Toulouse ne justifie pas que les préjudices dont elle se prévaut seraient, au regard de l'article L 211-10 du code de la sécurité intérieure, en lien avec un attroupement au sens de ces dispositions, les photographies produites n'étant pas probantes dès lors, notamment, qu'elles ne montrent pas des manifestants procédant à des dégradations de mobilier urbain, mais seulement des petits groupes isolés d'individus, dont les visages étaient dissimulés, munis d'armes par destination ; ces actions ont été le fait de " groupes commando ", animés d'une intention exclusivement délictuelle, sans lien avec la manifestation ;

- s'agissant des préjudices afférents aux dommages commis sur les horodateurs, ils ne se rapportent pas tous à des agissements relevant de l'article L 211-10 du code de la sécurité intérieure dès lors qu'en vertu de l'article 322-1 du code pénal, qui réprime le délit de destruction volontaire d'objet mobilier ou de bien immobilier, seuls les dommages présentant un caractère de gravité suffisante révèlent un délit ; ainsi, constitue une contravention le fait de recouvrir de peinture les horodateurs; par ailleurs, les préjudices invoqués ne sont pas directement liés à un attroupement ou à un rassemblement au sens de l'article L 211-10 du code de la sécurité intérieure ; la commune n'a pas par ailleurs justifié de la réalité de son préjudice par la production de simples devis qui ne précisent pas les numéros des horodateurs ni leur localisation exacte, si bien qu'il est impossible de savoir si ces horodateurs étaient situés dans le périmètre géographique des manifestations ; également, les plaintes déposées en commissariat ont été présentées par un agent de la commune qui n'était pas sur place au moment des faits et le nombre d'horodateurs figurant dans les devis ne correspond pas toujours à celui mentionné dans les dépôts de plaintes ; il n'y a par ailleurs pas eu de manifestation C... " les journées des 21 février , 15 avril , 23 avril 2019 pour lesquelles la commune demande la réparation du préjudice, alors que pour la journée du le 31 décembre 2018, il n'y a pas eu de dégradations d'horodateurs en lien avec les " Gilets Jaunes ", et que pour les journées des 22 et 29 décembre 2018 le nombre exact d'horodateurs dégradés n'est pas indiqué par les devis ; le devis pour le 16 février 2019 n'est pas justifié ; les devis portant sur les 23 mars, 6 avril, 1er mai 2019, faute d'être individualisés par journée ne sont pas justifiés alors que pour les faits des 16 et 23 novembre 2019, la dégradation d'horodateurs par injection de mousse procède d'un acte de vandalisme, sans lien avec les Gilets Jaunes, et au surplus, ni la plainte pénale, ni les écritures de la commune ne mentionnent la localisation exacte des 45 horodateurs dégradés.

- pour ce qui est des pertes alléguées de recettes sur les horodateurs, les éléments produits par la commune sous forme de dépôt de plaintes, tableaux, rapports , courriers, ne sont pas probants pour établir ces pertes d'exploitation dès lors que la commune ne justifie pas des dates auxquelles ces horodateurs auraient été remplacés ou réparés, et donc des dates auxquelles ils étaient inexploitables ; par ailleurs le centre-ville a connu une baisse de fréquentation due notamment à la peur des automobilistes de s'y rendre ;

- en outre, les usagers pouvaient se diriger vers les horodateurs disponibles et utiliser des applications téléphoniques pour régler leur stationnement ;

- pour ce qui est du préjudice lié à la remise en état des jardinières, les premiers juges se sont bornés à prendre en compte deux photographies censées avoir été prises le samedi 5 janvier 2019, qui ne permettent pas de s'assurer du lien entre ce préjudice et la manifestation C...; les pièces produites par la commune, si elles permettent d'établir que la commune a acquis 85 jardinières deux ans plus tôt, dans le cadre de l'aménagement de la rue de Metz, ne permettent pas d'établir que la commune a acheté six nouvelles jardinières ; en tout état de cause, les pièces du dossier font état d'un prix unitaire des jardinières, s'élevant à la somme de 885 euros hors taxes, si bien que le rachat des jardinières ne saurait excéder la somme de 6 156 euros toutes taxes comprises ;

- pour ce qui est du préjudice lié à la dégradation des illuminations de Noël, les photographies produites en première instance ne sont pas probantes dans la mesure où l'une d'entre elles montre un groupe d'individus et non des manifestants ; la commune n'apporte pas la preuve que ces sapins auraient été détruits lors de la manifestation du 8 décembre 2018, alors qu'au surplus, lors de cette journée, les dégradations ont été le fait de casseurs et sont en conséquence sans lien avec la manifestation C... ;

- pour ce qui est du préjudice lié au coût de la dégradation des kiosques des allées Roosevelt et de la rue du Rempart-Matabiau, la commune n'a pas justifié que ces kiosques auraient été dégradés lors de la manifestation du 13 avril 2019, les deux photographies produites à cet égard n'étant pas probantes ; au surplus, pour ce qui est du kiosque des allées Roosevelt, aucun devis ni facture n'est produit ; en admettant même que la commune aurait assuré les travaux de réparations sans faire appel à un prestataire extérieur, le détail de la somme de 7 250 euros demandée n'est pas indiqué ; il n'est ainsi pas permis de connaître notamment le nombre d'agents qui auraient été affectés à cette mission de sécurisation ou la rémunération supplémentaire qu'ils auraient perçue à cette occasion ; par ailleurs, à supposer que ces dégradations soient intervenues, elles ne seraient l'œuvre que de " casseurs ", et non de personnes appartenant au mouvement C... ;

- pour ce qui est de la dégradation du centre de vidéo-surveillance de la police municipale, si la commune affirme que ce centre aurait été dégradé le samedi 8 décembre 2018, elle n'apporte pas de précisions à cet égard, n'indiquant ni la localisation de ce centre ni l'heure de ces dégradations ; de plus elle n'a pas déposé de plainte à ce sujet ; les premiers juges se sont fondés sur la pièce produite par la commune, intitulée " bilan de travaux ", qui est insuffisante pour caractériser l'existence de ce préjudice faute de production de photographies ou de constats qui viendraient confirmer l'état des vitrages nécessitant une réparation ; par ailleurs ces dégradations, si elles ont eu lieu, sont le fait de " casseurs " et sont sans lien avec des personnes appartenant au mouvement C... " ;

- pour ce qui est des préjudices afférents au remplacement de la porte du local poubelle du marché des Carmes, les documents produits par la commune sous forme d'un tableau, d'un rapport de police et d'un devis n'établissent ni la réalité du dommage ni le lien avec une manifestation C... ", ni le paiement de la facture par la commune ;

- pour ce qui est des préjudices allégués liés à la fermeture des marchés et à la mobilisation accrue des agents placiers, les documents produits par la commune sous forme de tableaux, d'une délibération du conseil municipal et de courriers échangés entre la commune et la préfecture, n'établissent pas la réalité des préjudices invoqués ;

- pour ce qui est des préjudices allégués du fait de la mobilisation accrue des agents de police municipale, les documents produits par la commune sous forme de tableaux et d'un document intitulé " Coûts du personnel liés aux " Gilets Jaunes ", n'établissent pas la réalité des préjudices invoqués dès lors que les heures supplémentaires effectuées par les policiers municipaux, l'ont été par des policiers déjà recrutés sans qu'il n'y ait eu de nouveaux recrutements, et que le lien avec les manifestations C... " n'est pas établi.

Par un mémoire, enregistré le 19 février 2024, et un mémoire complémentaire du 7 mai 2024, la commune de Toulouse, représentée par Me Banel, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;

2°) par la voie de l'appel incident de porter à 2 457 721,91 euros, toutes taxes comprises, la somme que le tribunal a mise à la charge de l'Etat, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour de la réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation des intérêts ; en conséquence, de réformer en ce sens le jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Toulouse soutient, en ce qui concerne certaines des conclusions d'appel du préfet, que :

- les conclusions présentées par le préfet dans son mémoire complémentaire du 19 février 2024, tendant à ce que le montant des condamnations soit réduit, sont irrecevables dès lors qu'elles ont été présentées au-delà de l'expiration, le 26 juin 2022, du délai d'appel ;

- les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, sont réunies et le jugement du tribunal administratif est, à cet égard, suffisamment motivé ;

- le lien de causalité entre les préjudices subis par la commune de Toulouse et les délits allégués sont suffisamment établis, par notamment les différents rapports de police produits par le préfet pour des manifestations qui ont eu lieu entre le 1er décembre 2018 et le 23 mars 2019 ;

- les rapports du préfet évoquent la présence de " black blocs ", sans référence à des groupes de " casseurs " ou de " pillards " étrangers aux manifestations et à l'origine des dommages litigieux ; à supposer que les " black blocs " aient été les seuls à l'origine des dommages, les circonstances dans lesquelles ils ont accompli leurs actions ne permettent pas d'affirmer que ces dernières sont sans lien avec les manifestations C... " ;

- le jugement est fondé en ce qu'il retient une partie des conclusions indemnitaires de la commune concernant les coûts relatifs aux dégradations commises sur les horodateurs, aux dégradations des jardins et des espaces verts, aux dégradations des illuminations et dispositifs d'éclairage public, aux dégradations des kiosques des allées Roosevelt et de la rue du Rempart Matabiau, et aux dégradations du centre de vidéo-surveillance ;

- la commune de Toulouse entend par ailleurs former un appel incident contre le jugement du 21 avril 2022 en tant qu'il rejette certaines de ses conclusions présentées contre l'Etat fondées sur la responsabilité sans faute pour des dommages causés à l'occasion de rassemblements ou d'attroupements ;

- la commune demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 120 000 euros toutes taxes comprises à raison des pertes de recettes consécutives à la dégradation des horodateurs, lesquelles sont justifiées par les documents produits au dossier ;

- la commune demande, au titre des préjudices liés aux dégradations commises sur les caméras de vidéoprotection, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 101 771, 93 euros toutes taxes comprises ;

- la commune demande, au titre des préjudices liés aux dégradations des espaces verts et des jardins la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 490 euros en réparation de la destruction par des lycéens le 4 décembre 2018 d'un platane se trouvant route d'Albi à Toulouse, et la somme de 4 970 euros toutes taxes comprises en raison de l'annulation de la " fête de la Violette " ;

- la commune demande, au titre des préjudices liés aux illuminations, outre la réparation relative aux sapins de Noël, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 23 839, 20 euros toutes taxes comprises, correspondant au coût d'acquisition des " Décor 3D " coniques et des " Plot Béton " ;

- pour ce qui est du préjudice lié au coût de la dégradation des kiosques des allées Roosevelt et de la rue du Rempart-Matabiau, la commune justifie par les photographies produites, que ces kiosques ont été dégradés ; le store du kiosque de la rue du Rempart-Matabiau a été déchiré et la commune justifie, par le devis produit, du coût lié au changement et à la pose du store, pour un montant total de 5 856, 48 euros ;

- la commune demande au titre des préjudices afférents aux dégradations subies sur le portail du jardin Raymond VI, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 934 euros toutes taxes comprises ;

- au titre des dégradations du centre de vidéo-surveillance de la police municipale, la commune demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 463,10 euros et celle de 10 349,68 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de sécurisation du local par la mise en place de barres anti-intrusion sur les portes d'accès et de grilles pour protéger les fenêtres ;

- la commune demande par ailleurs la réparation des préjudices liés au remplacement de la porte du local poubelle du marché des Carmes ; si le devis de remplacement de la porte a été adressé à Toulouse Métropole, c'est bien la commune de Toulouse qui, en sa qualité de propriétaire du marché des Carmes, a la charge du remplacement de cette porte ;

- la commune de Toulouse demande par ailleurs la condamnation de l'Etat à lui verser au titre des préjudices liés à la fermeture des marchés et à la mobilisation accrue des agents placiers, la somme de 7 161 euros toutes taxes comprises au titre de la hausse des dépenses de rémunération de ses agents, et celle de 1 447 000 euros, toutes taxes comprises, au titre des mesures d'exonération des droits de place qui ont été prises ;

- la commune demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 171 310 euros toutes taxes comprises au titre des préjudices subis du fait de la mobilisation accrue des agents de police municipale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code de sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila,

- les conclusions de Mme B...,

- les observations de M. A..., représentant le préfet de la Haute-Garonne, et celles de Me Arnal substituant Me Banel pour la commune de Toulouse.

Une note en délibéré a été présentée pour la commune de Toulouse le 3 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Toulouse (Haute-Garonne) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'État, sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, à lui verser la somme de 2 457 721,91 euros au titre des préjudices subis à raison des dégradations commises à l'occasion des manifestations C... " sur territoire de la commune de Toulouse pendant plusieurs mois chaque samedi à partir du 17 novembre 2018.

2. Par un jugement n° 1904438 du 21 avril 2022, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à la commune de Toulouse la somme de 559 794, 49 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2019, et capitalisation des intérêts à compter du 7 mars 2020.

3. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 21 avril 2022. Par la voie de l'appel incident, la commune de Toulouse demande la réformation du jugement du 21 avril 2022 en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses conclusions indemnitaires et demande à la cour de porter à 2 457 721,91 euros toutes taxes comprises le montant de la somme à mettre à la charge de l'Etat.

Sur l'appel principal du préfet et l'appel incident de la commune de Toulouse :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

4. Contrairement à ce que soutient le préfet de la Haute-Garonne, les premiers juges, dans leur décision du 21 avril 2022, ont suffisamment motivé leur réponse en décrivant les éléments factuels qu'ils ont retenus pour estimer que la responsabilité de l'Etat devait être engagée au titre des dommages causés à l'occasion des rassemblements ou d'attroupements qui se sont produits lors des manifestations C... ". En effet, les premiers juges ont précisé la période de responsabilité encourue par l'Etat, la nature des actions à l'origine des dommages dont la commune de Toulouse demandait réparation, notamment les dégradations commises sur les horodateurs, les dégâts causés aux illuminations de Noël, au mobilier urbain, au centre de vidéo-surveillance de la police municipale, ainsi que les dates au cours desquelles ces dommages se sont produits. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement du 21 avril 2022 pour insuffisance de motivation, invoqué par le préfet de la Haute-Garonne, doit être écarté.

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée aux conclusions et aux moyens présentés par le préfet de la Haute-Garonne quant à l'évaluation des préjudices par les premiers juges :

5. La circonstance que, dans sa demande du 27 juin 2022 devant la cour, le préfet ait seulement contesté les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat pour des dommages causés à l'occasion d'attroupements ou rassemblements ne faisait pas obstacle à ce que, dans son mémoire du 19 février 2024, il conteste l'évaluation des préjudices faite par les premiers juges. Par suite, aucune irrecevabilité ne peut être opposée aux conclusions et aux moyens présentés à ce titre par le préfet de la Haute-Garonne.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'État au titre des rassemblements et attroupements :

6. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés, commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés.

7. Les dommages sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions précitées s'ils ont été commis dans le prolongement immédiat des manifestations et que leurs auteurs n'étaient pas animés de la seule intention de commettre un délit sans lien direct avec la manifestation.

8. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports de police qui ont été versés au dossier, que les dégradations et les destructions, dont les lieux où elles ont été commises sont précisés, sont survenues concomitamment au passage des manifestations, à proximité ou dans leur prolongement, qui se sont déroulées chaque samedi entre le mois de novembre 2018 et le mois de juin 2019 dans le centre-ville de Toulouse dans le cadre du mouvement dit C... ".

9. Contrairement à ce que fait valoir le préfet, la circonstance que les actions violentes menées lors de ces journées de mobilisation aient pu être commises de manière préméditée et organisée, à l'appel de plusieurs initiateurs, notamment via les réseaux sociaux, et à l'aide d'armes par destination dont étaient munis certains manifestants, ne suffit pas, à elle-seule, à exclure la responsabilité sans faute de l'Etat en application de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure dès lors qu'il est établi, ainsi qu'il est indiqué au point précédent, que les dommages résultent de manière directe et certaine de délits commis à force ouverte ou par violence dans le prolongement de la manifestation, et ne sont pas le fait de groupes isolés spécifiquement constitués et organisés dans l'unique objectif de commettre une action délictuelle, sans lien avec la manifestation. Par suite, en l'absence d'éléments précis et circonstanciés, produits par le préfet de nature à établir que les dommages auraient été le fait de groupes isolés et organisés dans le seul but de commettre des délits, et sans que puisse à lui seul, compte tenu de la nature particulière de ces manifestations, y faire obstacle le fait que ces individus auraient agi le visage dissimulé, munis de projectiles ou d'objets prohibés, la responsabilité sans faute de l'Etat, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, doit être engagée sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

En ce qui concerne la réparation des préjudices :

S'agissant des dégâts causés aux horodateurs :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 322-1 du code pénal, " I. - La destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger... ".

11. Contrairement à ce que fait valoir le préfet en appel, les destructions et les dégradations commises sur les horodateurs, ces dernières ayant consisté dans le fait qu'ils ont été maculés de peinture, ce qui les a rendus inutilisables, ne peuvent être regardées comme des " dommages légers " au sens des dispositions précitées de l'article 322-1 du code pénal. Ces destructions et dégradations entrent donc dans le champ des dispositions, citées au point 6, de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

12. En revanche, ainsi que l'oppose le préfet dans sa requête d'appel, si la commune produit un tableau faisant état des dommages subis par 48 horodateurs, et des devis concernant 71 horodateurs sans précision quant à leur localisation, elle ne peut être regardée comme établissant la réalité des préjudices invoqués dès lors qu'elle ne produit précisément que des devis, et non des factures établissant le coût du remplacement et de la réparation de ces équipements. Si la commune de Toulouse fait valoir que les travaux réalisés à ce titre l'ont été par ses services en régie, elle ne produit aucun élément, notamment d'ordre comptable, permettant d'évaluer avec une précision suffisante les sommes exposées à ce titre.

13. Dans ces conditions, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que l'Etat a été condamné à hauteur de la somme de 519 165,48 euros toutes taxes comprises au titre des préjudices subis par la commune de Toulouse du fait des destructions et des dégradations des horodateurs.

14. La commune demande, par la voie de l'appel incident, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 120 000 euros toutes taxes comprises à raison des pertes de recettes subies entre décembre 2018 et février 2019 du fait des horodateurs qui n'ont pu être utilisés lors des manifestations. La commune de Toulouse produit un courrier adressé le 13 février 2019 par le directeur Mobilités Gestion Réseaux Déplacements Stationnement Expertise de Toulouse Métropole au vice-président de Toulouse Métropole, lequel fait état de 237 horodateurs rendus indisponibles. Il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, que les usagers pouvaient sans difficulté se reporter sur des horodateurs disponibles. Il résulte de l'instruction qu'en 2018, le volume total de recettes enregistré par le concessionnaire, pour un parc de 958 horodateurs, s'élevait à 6 976 561 euros. Dans ces conditions, la commune de Toulouse est fondée à demander la condamnation de l'Etat, au titre des pertes de redevances subies par elle entre décembre 2018 et février 2019, à lui verser la somme de 120 000 euros. Le jugement attaqué doit ainsi être réformé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la commune de Toulouse tendant à la réparation de ce chef de préjudice.

S'agissant des préjudices afférents aux jardins et aux espaces verts :

Quant à l'appel principal du préfet :

15. Ainsi que le fait valoir le préfet en appel, les photographies produites par la commune de Toulouse montrent seulement la présence d'une jardinière mise au sol le 5 janvier 2019 lors d'une manifestation C... " et trois jardinières qui ont été déplacées, mais sans avoir été dégradées. Dans ces conditions, et en l'absence d'autres éléments, c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'Etat à verser à la commune de Toulouse la somme de 7 797,60 euros au titre de la réparation de six jardinières. Et dès lors qu'il résulte de l'instruction que le coût unitaire d'une jardinière s'élève à 1 026 euros, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à demander que la somme que le tribunal a mise à sa charge au titre de ce chef de préjudice soit ramenée à 1 026 euros.

Quant à l'appel incident de la commune de Toulouse :

16. En premier lieu, la commune demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 490 euros en réparation de la destruction, sur la route d'Albi à Toulouse, d'un platane qui aurait été brûlé par des lycéens le 4 décembre 2018 lors du mouvement de contestation de la réforme du baccalauréat. Toutefois, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, la commune n'établit pas que ces dommages auraient été commis dans le prolongement d'une manifestation C... " ni que cette destruction par violence sur la voie publique aurait été commise par des groupes qui se seraient formés à la suite d'un attroupement ou d'un rassemblement. Dès lors que les conditions d'engagement de la responsabilité de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, ne sont pas réunies, l'appel incident présenté sur ce point par la commune de Toulouse doit être rejeté.

17. En second lieu, la commune de Toulouse demande, à hauteur de la somme de 4 970 euros toutes taxes comprises, la réparation du préjudice consécutif à l'annulation de la " fête de la Violette " qui devait se tenir les samedi 2 et dimanche 3 février 2019, Place du Capitole à Toulouse. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'annulation de cet évènement est bien la conséquence de la manifestation C... " qui s'est tenue le samedi 2 février 2019. Pour autant, le préjudice qu'aurait subi la commune de Toulouse en cette occasion, constitué selon elle par le coût salarial exposé en pure perte à l'occasion de l'organisation préalable de cette manifestation, n'est pas établi par les éléments de l'instruction. Elle n'est donc pas fondée à se plaindre du rejet de ses conclusions sur ce point par le tribunal administratif de Toulouse.

S'agissant du préjudice lié à la dégradation des illuminations de Noël :

Quant à l'appel principal du préfet :

18. Contrairement à ce que fait valoir le préfet en appel, les photographies produites par la commune de Toulouse sont suffisamment probantes pour établir, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le lien entre la destruction d'un sapin lumineux et la manifestation C... " survenue le samedi 8 décembre 2018. Une autre photographie, prise le 9 décembre 2018, établit qu'un autre sapin lumineux a été détruit à la suite de la manifestation qui a eu lieu ce jour-là. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que trois autres sapins lumineux auraient été détruits. Dans ces conditions, et compte tenu de ce que le coût unitaire d'un sapin est de 6 153, 42 euros toutes taxes comprises, ainsi que l'établit une facture du 9 décembre 2013 dont se prévaut la commune, il y a lieu de fixer à 12 306,84 euros, toutes taxes comprises, le montant de la réparation due à la suite de la destruction de deux sapins lumineux, et de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme excédant ce montant.

Quant à l'appel incident présenté par la commune de Toulouse :

19. Si la commune demande, par la voie de l'appel incident, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 23 839, 20 euros, toutes taxes comprises, correspondant au coût d'acquisition de cinq sapins lumineux, des " Décor 3D " coniques et des " Plot Béton ", elle ne justifie pas, à l'exception des deux sapins lumineux mentionnés au point 18, que ces équipements auraient été endommagés et avoir ainsi été ainsi contrainte de les remplacer. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être rejetées.

S'agissant de la dégradation du centre de vidéo-surveillance de la police municipale :

Quant à l'appel principal du préfet :

20. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le rapport adressé par les services de police au préfet relatant les évènements survenus le samedi 8 décembre 2018 lors de la manifestation C... " mentionne que " le centre de vidéo-surveillance de la police municipale a été saccagé ". Cet évènement est à cet égard décrit de façon circonstanciée par le rapport adressé le 8 décembre 2018 par le policier municipal, chef de salle du centre de vidéo-surveillance, au directeur de la police municipale, ce rapport étant en outre accompagné de photographies montrant, notamment, que deux vitres ont été brisées. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne ne saurait sérieusement soutenir que la réalité des dégradations du centre de vidéo-surveillance de la police municipale ne serait pas établie. En ce qui concerne le coût des travaux inhérents aux destructions et dégradations commises, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné l'Etat à verser à la commune de Toulouse la somme de 616,61 euros au titre du coût des vitrages, et la somme de 1 218 euros au titre de la main-d'œuvre employée pour la pose de ces vitrages, soit au total 1 834,61 euros.

Quant à l'appel incident présenté par la commune de Toulouse :

21. Si la commune demande, par la voie de l'appel incident, que la condamnation prononcée par les premiers juges à l'encontre de l'Etat pour ce même chef de préjudice soit portée à la somme de 10 349,68 euros, sous déduction des 1 834,61 euros mentionnés au point 20 du présent arrêt, il résulte de l'instruction, et notamment du document " Bilan des travaux " produit par la commune de Toulouse, que la somme demandée, qui inclue des travaux de sécurisation sans lien direct avec les dommages litigieux, excède le montant des réparations des vitres brisées faisant suite aux dégradations du centre de vidéo-surveillance de la police municipale commises le 8 décembre 2018. Dans ces conditions, l'appel incident présenté par la commune de Toulouse sur ce chef de préjudice doit être rejeté.

S'agissant du préjudice lié au coût de la dégradation des kiosques des allées Franklin Roosevelt et de la rue du Rempart-Matabiau :

Quant à l'appel principal du préfet :

22. La commune de Toulouse a produit des photographies du kiosque situé sur les allées Franklin Roosevelt montrant cet équipement entouré de barrières, mais sans dégradations, et du kiosque situé sur la rue du Rempart Matabiau dont le store est déchiré. Pour autant aucun élément de l'instruction, et notamment les photographies précitées qui ne sont pas datées, ne permet d'estimer que l'état du store du second kiosque serait imputable à une dégradation qui aurait été commise lors d'une manifestation C... " le 13 avril 2019. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'Etat à indemniser la commune de Toulouse pour des dégradations commises sur les deux kiosques précités.

Quant à l'appel incident de la commune de Toulouse :

23. Il résulte du point 22 que les conclusions présentées par la commune de Toulouse, par la voie de l'appel incident, tendant à la majoration des sommes accordées en première instance au titre des dégradations commises sur les deux kiosques, ne peuvent être que rejetées.

Sur le surplus des conclusions d'appel incident présentées par la commune de Toulouse :

24. En premier lieu, la commune de Toulouse demande au titre des préjudices afférents à des dégradations qui auraient été commises sur les caméras de vidéoprotection, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 101 771, 93 euros toutes taxes comprises. Toutefois, si la commune verse deux photographies de pylônes supportant des caméras, elle ne produit pas des rapports de police qui auraient permis d'estimer que les dégradations de caméras de vidéoprotection seraient intervenues lors des manifestations C... " ni même ne justifie avoir déposé plainte à raison de ces dégradations, ce qui aurait corroboré davantage encore ses allégations. Quant à l'échange de courriels entre la commune et les services de l'Etat du 12 janvier 2019, et les bons de commandes de matériel de vidéo-surveillance produits au dossier, ils sont à eux seuls insuffisants pour établir la matérialité et l'ampleur des dégradations invoquées ainsi que leur lien avec les manifestations C... ". Dans ces conditions, la commune de Toulouse n'est pas fondée à demander réparation auprès de l'Etat de ce chef de préjudice.

25. En deuxième lieu, la commune demande, au titre des préjudices afférents aux dégradations dont aurait fait l'objet le portail du jardin Raymond VI, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 3 934 euros toutes taxes comprises. Le rapport de police établi à la suite des manifestations du 8 décembre 2018 dont se prévaut la commune, s'il fait état de dégradations et d'actes de vandalisme commis dans le quartier des Abattoirs, ne mentionne pas de dégradations au niveau du portail du jardin Raymond VI, lequel est attenant au musée des Abattoirs. De même, ce rapport ne confirme pas les affirmations de la commune selon lesquelles le portail aurait été enlevé de ses gonds et basculé au sol par les manifestants. Dans ces conditions, la commune de Toulouse, alors même qu'elle produit un devis établi le 8 janvier 2019 par une entreprise pour la " remise en place du portail ", n'établit pas avoir subi un préjudice en lien avec un délit commis à force ouverte ou par violence au cours d'un attroupement ou un rassemblement. Les conclusions présentées sur ce point par la commune de Toulouse doivent donc être rejetées.

26. En troisième lieu, la commune de Toulouse demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 7 250 euros toutes taxes comprises au titre des préjudices afférents au remplacement de la porte du " local poubelle " du marché des Carmes. Toutefois, le rapport de police dont se prévaut la commune de Toulouse, établi à la suite de la manifestation C... " du 5 janvier 2019, s'il fait état de l'incendie de conteneurs poubelles, n'évoque pas spécifiquement une dégradation au niveau du " local poubelle " du marché des Carmes, laquelle n'est pas davantage établie par d'autres pièces du dossier, notamment par des photographies. Dans ces conditions, faute pour la commune de Toulouse d'établir que le préjudice allégué serait en lien avec une manifestation C... ", elle n'est pas fondée à se plaindre du rejet de ces conclusions par le tribunal administratif.

27. En quatrième lieu, tout d'abord, la commune de Toulouse demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser des sommes exposées pour la rémunération de ses agents placiers du fait de leur mobilisation accrue lors des manifestations C... ". Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les obligations imposées par le préfet de faire procéder à l'évacuation des marchés de plein air, à 10 h 30 ou à 13 heures, pour certaines journées et certains marchés, et de faire procéder à la fermeture immédiate du marché de Noël le 15 décembre 2018, aient entraîné une mobilisation particulière et inhabituelle des agents placiers, et l'octroi à ces derniers de rémunérations supplémentaires. Par ailleurs, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, les conclusions présentées par la commune de Toulouse tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1,447 million d'euros au titre des mesures de soutien prises en faveur des commerçants, par délibérations du 8 février 2019 et du 14 juin 2019, ne peuvent être accueillies faute pour la commune d'établir par des éléments suffisamment précis que ces mesures seraient en relation directe avec les manifestations C... ".

28. En cinquième lieu, la commune demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 171 310 euros au titre des préjudices subis du fait de la mobilisation accrue des agents de police municipale pendant la période comprise entre le 17 novembre 2018 et le 25 mai 2019, au cours de laquelle elle soutient avoir été contrainte de leur verser des rémunérations supplémentaires. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le lien entre l'accomplissement d'heures supplémentaires par les agents de la commune et les manifestations C... " ne saurait être écarté par principe. Toutefois, en l'espèce, la commune ne produit aucun élément permettant d'apprécier le volume des heures supplémentaires qui auraient été accomplies par ses agents et la part afférentes à ces heures supplémentaires qui leur aurait été versée au taux qu'elle indique de 35 euros de l'heure. Dans ces conditions, faute de justifications probantes apportées, la commune n'est pas fondée à se plaindre du rejet de ces conclusions indemnitaires par les premiers juges.

29. Il résulte de tout ce qui précède, que le montant de 559 794,49 euros que le tribunal administratif de Toulouse a mis à la charge de l'Etat au profit de la commune de Toulouse doit être ramené à la somme de 135 167,45 euros. Le préfet de la Haute-Garonne est dès lors fondé à demander la réformation dans cette mesure du jugement du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Toulouse.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

30. La commune de Toulouse a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 135 167, 45 euros à compter du 7 mars 2019, date de réception par le préfet de la Haute-Garonne de sa demande préalable et à la capitalisation des intérêts à compter du 7 mars 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

31. Faute pour l'Etat d'être essentiellement partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la commune de Toulouse sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant de 559 794,49 euros que le tribunal administratif de Toulouse a mis à la charge de l'Etat par le jugement n° 1904438 du 21 avril 2002 est ramené à la somme de 135 167, 45 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2019. Les intérêts échus au 7 mars 2020 seront capitalisés à compter de cette date et à chaque échéance annuelle.

Article 2 : Le jugement n° 1904438 du 21 avril 2022 du tribunal administratif de Toulouse est reformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet de la Haute-Garonne et de l'appel incident présenté par la commune de Toulouse est rejeté ainsi que les conclusions de celle-ci tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la commune de Toulouse.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024

Le président-assesseur,

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21485 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21485
Date de la décision : 15/10/2024

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité régie par des textes spéciaux - Attroupements et rassemblements (art - L - 2216-3 du CGCT).


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : GOUTAL ALIBERT & Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 20/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-15;22tl21485 ?
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