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10/10/2024 | FRANCE | N°23TL00419

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 10 octobre 2024, 23TL00419


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme à responsabilité limitée 2C Blagnac a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle la direction départementale des finances publiques de Haute-Garonne a rejeté sa demande d'aide exceptionnelle pour le mois de novembre 2020 au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidé

mie de Covid-19.



Par un jugement n° 2102817 du 2 janvier 2023, le tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme à responsabilité limitée 2C Blagnac a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision implicite par laquelle la direction départementale des finances publiques de Haute-Garonne a rejeté sa demande d'aide exceptionnelle pour le mois de novembre 2020 au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19.

Par un jugement n° 2102817 du 2 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 février et 25 juillet 2023, la société 2C Blagnac, représentée par Me Marouby, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 janvier 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la direction départementale des finances publiques de Haute-Garonne a rejeté sa demande d'aide exceptionnelle pour le mois de novembre 2020 au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui verser une somme de 10 000 euros au titre du fonds de solidarité précité pour le mois de novembre 2020 ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision de rejet de sa demande d'aide n'est pas signée ;

- cette décision n'est pas motivée ;

- la condition de calcul de l'effectif de salariés méconnaît le principe d'égalité tel que protégé par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de commerce ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société 2C Blagnac exerce à Blagnac une activité de restauration traditionnelle. Elle a sollicité le bénéfice du fonds de solidarité institué par l'ordonnance pour prévenir la cessation d'activité de très petites entreprises touchées par les conséquences économiques du virus Covid-19, au titre du mois de novembre 2020. En l'absence d'une réponse de l'administration pendant deux mois, sa demande d'aide a fait l'objet d'une décision implicite de rejet.

2. La société 2C Blagnac relève appel du jugement du 2 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite précitée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par la société, ont expressément répondu, de manière suffisamment circonstanciée, au moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité. Par suite, la société 2C Blagnac n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. La société 2C Blagnac reprend en appel les moyens tirés de l'insuffisance de la motivation de la décision litigieuse et de l'incompétence de son auteur, sans assortir ces moyens d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. D'une part, l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance tout mesure relevant du domaine de la loi afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de cette épidémie et " notamment afin de prévenir et limiter la cessation d'activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l'emploi, en prenant toute mesure : / a) D'aide directe ou indirecte à ces personnes dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces personnes ainsi que d'un fonds (...) ". Sur le fondement de cette habilitation, l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation a institué un fonds de solidarité à destination des " personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 3-14 du décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation: " I. Les entreprises mentionnées à l'article 1er du présent décret bénéficient d'aides financières prenant la forme de subventions destinées à compenser la perte de chiffre d'affaires subie au cours du mois de novembre 2020, lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes : (...) / 5° Lorsqu'elles sont contrôlées par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, la somme des salariés des entités liées respecte le seuil fixé au 7° du présent I ; (...) / 7° Leur effectif est inférieur ou égal à cinquante salariés. Ce seuil est calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale. (...) ". Selon l'article L. 130 du code de la sécurité sociale : " I. Au sens du présent code, l'effectif salarié annuel de l'employeur, y compris lorsqu'il s'agit d'une personne morale comportant plusieurs établissements, correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente. (...) ".

8. Il est constant que la société 2C Blagnac est contrôlée par la société anonyme à responsabilité limitée H2C au sens de l'article L. 233 du code de commerce et que la somme des effectifs des entités liées contrôlées par cette dernière société, tels que calculés selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale, dépasse le seuil de cinquante salariés.

9. Si l'appelante soutient que ces dispositions méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans, du reste, préciser quelles stipulations de ce dernier texte seraient méconnues, en établissant une différence de traitement entre les groupes d'entreprises contrôlés par une société commerciale, ceux contrôlés par une société civile et ceux contrôlés par des personnes physiques, toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. En l'espèce, les groupements d'entreprises contrôlés par une société commerciale, par une société civile et ceux contrôlés par une personne physique, se trouvent dans des situations objectivement différentes en ce que, notamment, les obligations juridiques et comptables incombant aux sociétés commerciales diffèrent considérablement de celles qui concernent les sociétés civiles et les entrepreneurs individuels, en particulier s'agissant de la responsabilité des associés, limitée à leurs apports, et en ce qui concerne les modalités de soutien aux entités contrôlées. En instituant des modalités différentes de calcul de l'effectif salarié, le décret a fixé un critère objectif et rationnel, en rapport direct avec l'objectif poursuivi, lequel est de compenser, pour les entreprises les plus fragiles, les effets de la crise sanitaire. Il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité par les dispositions réglementaires précitées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société 2C Blagnac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du livre des procédures fiscales doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de la société 2C Blagnac est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée 2C Blagnac et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.

Le président-rapporteur,

É. Rey-Bèthbéder

Le président-assesseur,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00419


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00419
Date de la décision : 10/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

14-05-04 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. - Défense de la concurrence. - Aides d’Etat.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Eric Rey-Bèthbéder
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : MAROUBY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-10;23tl00419 ?
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