Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel la préfète du Tarn a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
Par un jugement n°2107542 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2023, M. A... C... B..., représenté par Me Bouix, demande à la cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 janvier 2023 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel la préfète du Tarn a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
4°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, la mention " salarié ", dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bouix renonce à percevoir la part contributive de l'Etat ou, en l'absence d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, de mettre à la charge de l'Etat la même somme à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2023, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par une décision du 19 avril 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- et les observations de Me Bouix, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen né le 17 octobre 2001 à Conakry (Guinée), est entré en France le 18 juillet 2017 selon ses déclarations. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du Tarn par un jugement du 4 décembre 2017. Le 1er octobre 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par un arrêté du 3 décembre 2019, la préfète du Tarn a refusé de faire droit à cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par jugement n° 2000785 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté. Sur injonction du tribunal, M. B... s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " valable du 21 juillet 2020 au 20 juillet 2021. Le 26 mai 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre séjour au titre de sa vie privée et familiale, sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au titre de son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 435-3 du même code. Par un arrêté du 12 octobre 2021, la préfète du Tarn a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par une ordonnance n° 2107546 du 11 janvier 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a suspendu l'exécution de cet arrêté jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête au fond. Par un jugement n° 2107542 du 12 janvier 2023, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à
l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président (...) ". Par une décision du 19 avril 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français en 2017, alors qu'il était mineur. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du Tarn par un jugement du 4 décembre 2017 et a ensuite bénéficié d'un contrat de jeune majeur renouvelé à deux reprises et qui était au jour de l'arrêté attaqué valable jusqu'au 2 juillet 2022. Il a obtenu le 4 juillet 2019, un certificat d'aptitude professionnelle en maintenance des véhicules et le 7 octobre 2021, soit quelques jours avant l'arrêté attaqué, son baccalauréat professionnel portant la même spécialité. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier de l'attestation établie par ses conseillères principales d'éducation, qu'il a fait preuve de sérieux, de motivation et d'investissement dans ses études, s'est " très bien intégré à sa classe " et que ses périodes de formation en milieu professionnel ont donné pleinement satisfaction aux chefs des entreprises concernées. Si le contrat de travail à durée indéterminée dont se prévaut M. B... a été conclu postérieurement à l'arrêté attaqué et est par conséquent sans incidence sur sa légalité, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'au jour de l'arrêté attaqué, il bénéficiait d'un accompagnement pour trouver un emploi et était à ce titre suivi par la Mission locale Tarn Sud au titre de la " garantie jeune ", ainsi que les services du Centre régional information jeunesse Occitanie. Enfin, si le préfet lui oppose la présence dans son pays d'origine de ses parents et de ses deux sœurs, M. B... fait valoir ne plus avoir de contact avec sa mère depuis la séparation de ses parents et que ses relations avec son père et sa belle-mère sont dégradées. Dans ces conditions, en refusant de renouveler son titre de séjour, la préfète du Tarn a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle la préfète du Tarn a refusé de renouveler son titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Tarn du 12 octobre 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet du Tarn délivre à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bouix, conseil de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de M. B....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n°2107542 du 12 janvier 2023 est annulé.
Article 3 : L'arrêté de la préfète du Tarn du 12 octobre 2021 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet du Tarn de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Me Bouix, conseil de M. B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., à Me Bouix, au préfet du Tarn et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL00720