Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Maroc comme pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard, subsidiairement de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2201447 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2023, et un dépôt de pièces, enregistré le 12 septembre 2023, Mme A... C... épouse B..., représentée par Me Badji Ouali, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 8 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 650 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de l'insuffisance de motivation de l'arrêté et s'agissant du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- il est également irrégulier en ce que les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que rien n'atteste que Mme C... entre dans une catégorie ouvrant droit au regroupement familial et que cette dernière a développé des liens personnels et familiaux sur le territoire justifiant son droit au séjour au titre de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est également irrégulier en ce que les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ; la situation personnelle de Mme C... n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est privée de base légale ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 1er septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 septembre 2023.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55% par une décision du 11 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 3 août 1984, déclare être entrée en France le 15 avril 2016, munie d'un visa de court séjour valable du 14 avril 2016 au 14 mai 2016. Le 21 juin 2021, Elle a sollicité son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 8 février 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Maroc comme pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a épousé, le 19 août 2017, M. B..., ressortissant marocain, titulaire d'une carte de résident valable de 2018 à 2028, et que deux enfants sont nés de cette union, respectivement le 23 avril 2017 et le 30 septembre 2019. Mme C... produit pour la première fois en appel des documents administratifs et médicaux attestant de la continuité de son séjour en France depuis 2016. Il ressort en outre de ces documents, qui sont adressés au domicile de l'époux de Mme C... et utilement corroborés notamment par les photographies jointes au dossier, les attestations de voisins et membres de la famille, que Mme C... réside au domicile de son époux avec leurs enfants. Eu égard à l'ancienneté du séjour en France de l'intéressée, à la nature des liens familiaux, stables et durables qu'elle entretient sur le territoire français, la décision attaquée a porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive par rapport aux objectifs poursuivis. Par suite, la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation du refus de séjour du préfet de l'Hérault du 8 février 2022. L'annulation de cette décision entraîne par voie de conséquence l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que le préfet de l'Hérault délivre à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous réserve de l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat. (...) ".
7. Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55%. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Badji Ouali, avocat de Mme C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 650 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2201447 du 30 juin 2022 et l'arrêté du préfet de l'Hérault du 8 février 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve d'un changement des circonstances de fait ou de droit.
Article 3 : L'Etat versera à Me Badji Ouali, avocat de Mme C... une somme de 650 (six cent cinquante) euros sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au préfet de l'Hérault, au ministre de l'intérieur et à Me Badji Ouali.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL00507 2