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08/10/2024 | FRANCE | N°22TL21990

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 08 octobre 2024, 22TL21990


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

-d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a rejeté sa demande préalable de reconnaissance du droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et de versement de la nouvelle bonification indiciaire sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative aux fonc

tionnaires territoriaux de la communauté d'agglomération exerçant à titre principal leurs ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

-d'annuler la décision implicite par laquelle le président de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a rejeté sa demande préalable de reconnaissance du droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et de versement de la nouvelle bonification indiciaire sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative aux fonctionnaires territoriaux de la communauté d'agglomération exerçant à titre principal leurs fonctions en périphérie des quartiers prioritaires de la politique de la ville et assurant leur service en relation directe avec la population de ces quartiers ;

-de reconnaître aux agents relevant des écoles Pierre Fons, Vasconia, Mermoz et Saint-Exupéry ainsi que de la crèche Bernadette Didier le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire depuis leur date d'affectation au sein des établissements et au plus tôt au 1er janvier 2015 ;

-de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2005058 du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a reconnu le droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire instituée par le décret du 3 juillet 2006 dans sa version issue du décret du 30 octobre 2015 aux fonctionnaires territoriaux de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo exerçant les fonctions d'animateur de centre de loisirs associé à l'école, d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles, d'agent polyvalent entretien-restauration, agent d'accueil petite enfance, adjoint de direction d'un multi-accueil, agent de restauration, directrice de structure et éducateur de jeunes enfants au sein des écoles Pierre Fons, Vasconia, Mermoz et Saint-Exupéry et de la crèche Bernadette Didier, et a reconnu le droit de ces fonctionnaires au versement de cette nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er janvier 2015 ou à compter de leur date d'affectation dans l'établissement en cas de nomination postérieure à cette date, a mis à la charge de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo le versement de la somme de 1 000 euros au syndicat requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande et les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2022, et un mémoire en réplique enregistré le 2 juillet 2024 qui n'a pas été communiqué, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, représentée par Me Herrmann, demande à la cour :

1°) d'annuler et réformer partiellement en toutes ses dispositions le jugement n°2005058 du tribunal administratif de Toulouse du 15 juillet 2022 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège ;

3°) de mettre à la charge du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement de première instance n'a pas été ratifié, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le mémoire du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège enregistré le 5 mai 2022 au greffe du tribunal, n'a pas été communiqué à la défenderesse de première instance, sans qu'il soit démontré qu'il n'a pas été pris en compte aux fins de statuer, de sorte que le principe du contradictoire a été méconnu ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la requête de première instance était irrecevable, dès lors que la secrétaire du syndicat ne justifiait pas de sa qualité pour agir au nom du syndicat ;

- le syndicat ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- le droit à la nouvelle bonification indiciaire ne peut être reconnu aux agents relevant des écoles Pierre Fons, Vasconia, Mermoz et Saint-Exupéry ainsi que de la crèche Bernadette Didier, dès lors que le service rendu par ces établissements n'est assuré que minoritairement à destination des populations des deux quartiers prioritaires de la ville que compte la commune de Muret ;

- la date du 1er janvier 2015 ne peut être retenue, d'une part alors que la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo n'a signé le contrat de ville que le 16 juillet 2015, d'autre part en application du principe de non-rétroactivité des actes administratifs et au nom de la prescription quadriennale.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2023, le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège, représenté par Me Laclau, conclut au rejet de la requête et sollicite le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il fait valoir que les moyens soulevés par la commune d'agglomération Le Muretain Agglo ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n°780-2006 du 3 juillet 2006, dans sa version issue du décret n°2015-1386 du 30 octobre 2015 ;

- le décret n° 2104-1750 du 30 décembre 2014 ;

- le décret n°2015-1386 du 30 octobre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Herrmann, représentant la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, et de Me Laclau, représentant le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège.

Une note en délibéré présentée pour le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège a été enregistrée le 1er octobre 2024 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège a formé, le 24 décembre 2019, auprès du président de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, une réclamation préalable de reconnaissance de droits au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire pour les agents relevant des effectifs des écoles Pierre Fons, Vasconia, Mermoz et Saint-Exupéry ainsi que de la crèche Bernadette Didier. Par son silence, le président de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a implicitement rejeté cette demande. Par jugement du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a reconnu le droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire instituée par le décret du 3 juillet 2006 dans sa version issue du décret du 30 octobre 2015 aux fonctionnaires de la communauté d'agglomération exerçant les fonctions d'animateur de centre de loisirs associé à l'école, d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles, d'agent polyvalent entretien-restauration, d'agent d'accueil petite enfance, d'adjoint de direction d'un multi-accueil, d'agent de restauration, de directrice de structure et éducateur de jeunes enfants au sein des écoles Pierre Fons, Vasconia, Mermoz et Saint-Exupéry ainsi que de la crèche Bernadette Didier, a reconnu le droit de ces fonctionnaires au versement de cette nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er janvier 2015 ou à compter de leur date d'affectation dans l'établissement en cas de nomination postérieure à cette date et a mis à la charge de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo le versement de la somme de 1 000 euros au syndicat requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La communauté d'agglomération Le Muretain Agglo relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En l'espèce, il résulte de l'instruction que la minute du jugement contesté a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen soulevé tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signatures de la minute, manque en fait et doit donc être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe.(...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pas pu préjudicier aux droits des parties.

4. Il résulte de l'instruction que le dernier mémoire présenté pour le syndicat a été enregistré le 15 avril 2022 et a été communiqué à la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo. Cette dernière n'est par suite pas fondée à soutenir qu'un mémoire du syndicat enregistré le 5 mai 2022 n'aurait pas été communiqué et que le principe du contradictoire aurait été ainsi méconnu.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. Elle peut tendre au bénéfice d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d'un préjudice. / Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public mis en cause. (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, peut être demandée la reconnaissance de droits individuels résultant de la loi ou du règlement tels que l'administration doit en faire application, eu égard aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes.

6. Aux termes de l'article 5 des statuts du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège : " But du syndicat : Le syndicat a notamment pour but : de regrouper les travailleurs et travailleuses d'un même secteur d'activité en vue d'assurer la défense individuelle et collective de leurs intérêts professionnels, économiques et sociaux, par les moyens les plus appropriés (...). ". L'action en reconnaissance de droits introduite par le syndicat a pour objet de voir reconnaître un droit économique, tiré du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire, à certaines catégories d'agents de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, exerçant leurs fonctions au sein des écoles Pierre Fons, Vasconia, Mermoz et Saint-Exupéry ainsi que de la crèche Bernadette Didier. Dès lors, et sans qu'y fassent obstacle les circonstances que les agents concernés ne sont pas syndiqués et que l'action introduite par le syndicat ne concerne que certains fonctionnaires territoriaux de la communauté d'agglomération, le syndicat requérant justifie, au regard de ses statuts, d'un intérêt suffisant pour introduire cette action en reconnaissance de droits. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo tirée du défaut d'intérêt pour agir du syndicat doit être écartée.

7. En second lieu, un syndicat est régulièrement engagé par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de le représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant et notamment lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie.

8. Aux termes de l'article 12 des statuts du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège, dans leur version en vigueur à la date d'introduction de la requête devant le tribunal administratif de Toulouse : " Représentation en justice et actions juridiques : Pour l'exercice de sa personnalité civile, le syndicat est représenté dans tous les actes de la vie juridique par son secrétaire général ou toute autre personne désignée en son sein par le conseil syndical. (...) Le conseil syndical décide des actions en justice du syndicat et désigne le membre qui le représente. Entre deux réunions, le secrétaire général peut engager toute procédure et en avertit aussitôt les membres du conseil./ Le fond du débat sera abordé au conseil syndical à sa prochaine réunion. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que la requête a été présentée, au nom du syndicat, par Mme B..., secrétaire générale du syndicat, et qu'elle a été enregistrée le 8 octobre 2020, quatre jours avant la prochaine séance du conseil syndical, réuni le 12 octobre 2020, au cours de laquelle a d'ailleurs été portée à l'ordre du jour l'information relative au dépôt de la requête. Dès lors, la secrétaire générale du syndicat était habilitée, en application des dispositions de l'article 12 des statuts du syndicat, pour présenter la requête au nom de ce dernier. Par suite, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo n'est pas fondée à soutenir que la secrétaire générale du syndicat, statutairement habilitée, n'avait pas qualité pour agir au nom du syndicat.

En ce qui concerne la reconnaissance du droit à nouvelle bonification indiciaire de certains agents exerçant leurs fonctions au sein des écoles Pierre Fons, Vasconia, Mermoz et Saint-Exupéry ainsi que de la crèche Bernadette Didier :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale exerçant dans des zones à caractère sensible, dans sa version applicable au présent litige résultant de sa modification par le décret du 30 octobre 2015 : " Les fonctionnaires territoriaux exerçant à titre principal les fonctions mentionnées en annexe au présent décret dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville dont la liste est fixée par le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements métropolitains et par le décret n° 2014-1751 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et en Polynésie française et dans les services et équipements situés en périphérie de ces quartiers et assurant leur service en relation directe avec la population de ces quartiers bénéficient de la nouvelle bonification indiciaire. ". Aux termes de l'annexe au décret du 3 juillet 2006 : " 1. Fonctions de conception, de coordination, d'animation et de mise en œuvre des politiques publiques en matière sociale, médico-sociale, sportive et culturelle : désignation des fonctions éligibles dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : 1. Encadrement, élaboration de projets et mise en œuvre des politiques socio-éducatives ; (...) 5. Educateur de jeunes enfants ; 6. A... de réception, d'animation et d'hygiène des très jeunes enfants, préparation et mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement ; (...) 10. Direction d'établissements et de services d'accueil de la petite enfance ou de centres protection maternelle et infantile ; (...) 16. Animation ; 28. Fonctions polyvalentes liées à l'entretien, la salubrité, à la conduite de véhicule et tâches techniques.". Aux termes du décret du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements métropolitains, les quartiers " Saint-Jean " et " Centre-Ouest " de la commune de Muret sont des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

10. Il résulte des dispositions précitées qu'ont droit à une nouvelle bonification indiciaire les fonctionnaires territoriaux qui exercent leurs fonctions à titre principal au sein d'une des zones ou quartiers mentionnés ci-dessus ou dans un service situé à leur périphérie, sous réserve, dans ce second cas, que l'exercice des fonctions assurées par l'agent concerné le place en relation directe avec des usagers résidant dans ces zones ou quartiers.

11. Concernant les agents des écoles, il résulte de l'instruction que deux quartiers prioritaires de la ville " Saint-Jean " et " Centre-Ouest " ne comptent aucune école en leur sein mais quatre écoles publiques dans leur périphérie qui sont les écoles Vasconia, Pierre Fons, Mermoz et Saint-Exupéry. Le contrat de ville signé par la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo le 16 juillet 2015 précise que les écoles accueillant les enfants des quartiers prioritaires sont les écoles Vasconia et Pierre Fons pour le quartier " Centre Ouest ", les écoles Mermoz et Saint-Exupéry, ainsi que l'école privée La Calendreta, pour le quartier " Saint-Jean ". Au regard des nouvelles pièces produites en appel par la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, les écoles Mermoz, Pierre Fons, Saint-Exupéry et Vasconia comptent dans leurs effectifs d'élèves, respectivement 70,2%, 37,5% (et non 31 % comme le soutient l'appelante), 31% et 34,9% d'enfants issus des deux quartiers prioritaires muretains, tandis que les élèves de ces écoles bénéficiaires des services de restauration et de l'accueil de loisir sont issus de ces mêmes quartiers à hauteur respectivement de 71,4%, 31% , 29,7% et 35,7%, pour l'année scolaire 2021-2022. Si les chiffres ainsi produits concernent une année postérieure à la réclamation faite par le syndicat, les documents produits par ce dernier pour la période antérieure, qui recensent notamment les effectifs des écoles primaires et maternelles situées en quartier prioritaire ou à moins de 100 mètres de celui-ci, sans indication sur le lieu de résidence des élèves, ne permettent pas d'établir que les données fournies par la commune ne seraient pas pertinentes. Eu égard à la part que représentent les élèves issus des quartiers prioritaires de la ville dans les établissements scolaires Pierre Fons, Saint-Exupéry et Vasconia, les agents exerçant leurs fonctions dans ces établissements ne peuvent être regardés comme assurant leur service de façon significative au contact d'usagers issus des quartiers prioritaires de la ville. En revanche, compte tenu de la proportion de ses élèves issus d'un quartier prioritaire, à plus de 70%, les agents exerçant leurs fonctions dans la seule école Mermoz doivent être regardés comme exerçant leurs fonctions de manière significative au contact des usagers issus des quartiers prioritaires de la ville, de sorte que le droit à la nouvelle bonification indiciaire prévue par l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 doit être reconnu pour les agents exerçant les fonctions d'animateur de centre de loisirs associé à l'école, d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles, et d'agent polyvalent entretien-restauration de ce seul établissement.

12. Concernant les agents de la crèche Bernadette Didier, s'il n'est pas contesté que les deux quartiers prioritaires de la ville mentionnés au point précédent ne comportent aucune crèche, il résulte des pièces nouvellement produites en appel par la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo que la crèche Bernadette Didier, située en périphérie du quartier compte dans ses effectifs, pour l'année 2021-2022, une proportion de 18,2% d'enfants issus des quartiers prioritaires de la ville dont il n'est pas démontré qu'elle se singulariserait par l'origine géographique des effectifs par rapport aux autres années. Dès lors, le caractère significatif du contact avec les usagers issus des quartiers prioritaires de la ville dans la manière d'exercer leurs fonctions des agents de la crèche Bernadette Didier n'est pas établi. Par suite, le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège n'est pas fondé à demander la reconnaissance pour ces agents du droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire prévue par l'article 1er du décret du 3 juillet 2006.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 30 octobre 2015 relatif à la nouvelle bonification indiciaire attribuée aux fonctionnaires de la fonction publique territoriale au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville, à la suite de la création des quartiers prioritaires de la politique de la ville: " Le présent décret entre en vigueur à compter du 1er janvier 2015, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1er et de l'article 6 qui entrent en vigueur le lendemain de sa publication. ".

14. La liste des quartiers prioritaires de la ville fixée par décret du 30 décembre 2014, en vigueur à compter du 1er janvier 2015, mentionne les quartiers " Saint-Jean " et " Centre-Ouest " de la commune de Muret. Tout d'abord, dès lors, par ailleurs, qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 que l'application de la nouvelle bonification indiciaire soit subordonnée à la signature d'un contrat de ville, la circonstance que la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo a signé un tel contrat postérieurement au 1er janvier 2015 est sans incidence sur la reconnaissance du droit des agents concernés à la nouvelle bonification indiciaire. Ensuite, au regard de l'objet de l'action en reconnaissance de droits, qui ne tend pas au versement d'une somme, la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo ne peut davantage utilement invoquer les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Enfin, eu égard à l'objet de l'action en reconnaissance de droits, le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ne fait pas obstacle à ce que le droit en cause soit reconnu à compter d'une date antérieure à celle du jugement. Par suite, les agents exerçant au sein de l'école Mermoz, mentionnés au point 11 du présent arrêt, ont droit à la nouvelle bonification indiciaire prévue par le décret du 3 juillet 2006 à compter du 1er janvier 2015 ou à compter de leur date d'affectation dans l'établissement en cas de nomination postérieure à cette date.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a reconnu le droit des agents de la crèche Bernadette Didier et des écoles Vasconia, Pierre Fons et Saint-Exupéry à la nouvelle bonification indiciaire en application de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006, dans sa version issue du décret du 30 novembre 2015.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce syndicat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme demandée par la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°2005058 du 15 juillet 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé, en tant qu'il reconnaît le droit des agents de la crèche Bernadette Didier et des écoles Vasconia, Pierre Fons et Saint-Exupéry, situées sur le territoire de la commune de Muret au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire en application de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 et leur droit au versement de cette bonification à compter du 1er janvier 2015 ou de leur date d'affectation dans l'un des établissements concernés.

Article 2 : La demande du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège tendant à la reconnaissance de droit des agents de la crèche Bernadette Didier et des écoles Vasconia, Pierre Fons et Saint-Exupéry situées sur le territoire de la commune de Muret au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire en application de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 et du droit au versement de cette bonification à compter du 1er janvier 2015 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo et au syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL21990


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21990
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS THALAMAS LACLAU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;22tl21990 ?
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