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08/10/2024 | FRANCE | N°22TL21989

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 08 octobre 2024, 22TL21989


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

-d'annuler la décision implicite du maire de Muret sur sa demande préalable de reconnaissance du droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et de versement de la nouvelle bonification indiciaire sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative concernant les agents relevant des effectifs de la police municipale, du cen

tre communal d'action sociale et le concierge du stade municipal Marcel Calmes ;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

-d'annuler la décision implicite du maire de Muret sur sa demande préalable de reconnaissance du droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire et de versement de la nouvelle bonification indiciaire sur le fondement de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative concernant les agents relevant des effectifs de la police municipale, du centre communal d'action sociale et le concierge du stade municipal Marcel Calmes ;

-de reconnaître aux agents relevant des effectifs de la police municipale et du centre communal d'action sociale ainsi qu'au concierge du stade municipal Marcel Calmes le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire depuis la date d'affectation au sein des établissements et au plus tôt au 1er janvier 2015 ;

-de mettre à la charge de la commune de Muret une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2005057 du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a reconnu le droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire instituée par le décret du 3 juillet 2006 dans sa version issue du décret du 30 octobre 2015 aux fonctionnaires territoriaux de la ville de Muret en tant seulement qu'il concerne les agents exerçant des fonctions d'assistants socio-éducatifs au sein du centre communal d'action sociale de la commune, a reconnu le droit de ces agents au versement de cette nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er janvier 2015 ou à compter de leur date d'affectation dans l'établissement en cas de nomination postérieure à cette date, a condamné la commune de Muret à verser 1 000 euros au syndicat requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande et les conclusions présentées par la commune de Muret sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2022, et des mémoires enregistrés le 2 juillet 2024 qui n'ont pas été communiqués, la commune de Muret, représentée par Me Herrmann, demande à la cour :

1°) d'annuler et réformer partiellement le jugement n°2005057 du tribunal administratif de Toulouse du 15 juillet 2022 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège ainsi que l'appel incident ;

3°) de mettre à la charge du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement de première instance n'a pas été ratifié, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le mémoire du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège enregistré le 27 mai 2022 au greffe du tribunal, n'a pas été communiqué à la défenderesse de première instance, sans qu'il soit démontré qu'il n'a pas été pris en compte aux fins de statuer, de sorte que le principe du contradictoire a été méconnu ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la requête de première instance était irrecevable, dès lors que la secrétaire du syndicat ne justifiait pas de sa qualité pour agir au nom du syndicat ;

- le syndicat ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- le droit à la nouvelle bonification indiciaire ne peut être reconnu aux assistants socio-éducatifs du centre communal d'action sociale dès lors qu'il n'est pas démontré que ces agents seraient majoritairement en relation directe avec des usagers résidant dans les quartiers prioritaires de la ville, le centre communal d'action sociale ayant vocation à exercer ses fonctions au bénéfice de tous les habitants de la ville, dont la population des deux quartiers prioritaires que sont " Saint-Jean " et " Centre-Ouest " ne représente que 20% ;

- ce droit ne peut davantage être reconnu aux agents de police municipale et au gardien du stade Marcel Calmes, dont il n'est pas établi, comme l'a jugé le tribunal, que les fonctions sont exercées en majeure partie avec des usagers issus de quartiers prioritaires de la ville ;

- la date du 1er janvier 2015 retenue par le tribunal concernant le droit au versement de la nouvelle bonification indiciaire pour les assistants socio-éducatifs du centre communal d'action sociale ne peut être retenue, d'une part alors que la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo n'a signé le contrat de ville que le 16 juillet 2015, d'autre part en application du principe de non-rétroactivité des actes administratifs et au nom de la prescription quadriennale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2023, le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège, représenté par Me Laclau, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de reconnaissance des droits de certains agents du centre communal d'action sociale et des agents de police municipale et la mise à la charge de la commune de Muret d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la commune de Muret quant à la régularité du jugement ne sont pas fondés ;

- il justifiait en première instance d'un intérêt pour agir et de la qualité pour agir de sa secrétaire ;

- les agents de la police municipale exercent des fonctions visées au point 31 de l'annexe du décret du 3 juillet 2006, et ce en majeure partie en relation avec les usagers issus des quartiers prioritaires de la ville, eu égard à la proximité des locaux de la police municipale avec ces quartiers, de la nature des fonctions exercées, de la place centrale des quartiers prioritaires de la ville au sein de la commune de Muret et de la concentration des actions des forces de police dans ces quartiers.

Par ordonnance du 3 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n°780-2006 du 3 juillet 2006, dans sa version issue du décret n°2015-1386 du 30 octobre 2015 ;

- le décret n° 2104-1750 du 30 décembre 2014 ;

- le décret n°2015-1386 du 30 octobre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Herrmann, représentant la commune de Muret, et de Me Laclau, représentant le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège a formé, le 24 décembre 2019, auprès du maire de Muret, une réclamation préalable de reconnaissance de droits au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire pour les agents relevant des effectifs de la police municipale, du centre communal d'action sociale et le concierge du stade municipal Marcel Calmes. Par jugement du 15 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a reconnu le droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire instituée par le décret du 3 juillet 2006 dans sa version issue du décret du 30 octobre 2015 aux fonctionnaires territoriaux de la commune de Muret en tant seulement qu'il concerne les agents exerçant les fonctions d'assistants socio-éducatifs au sein du centre communal d'action sociale, a fait droit au versement de cette nouvelle bonification indiciaire à ces agents à compter du 1er janvier 2015 ou à compter de leur date d'affectation dans l'établissement en cas de nomination postérieure à cette date et a mis à la charge de la commune de Muret le versement de la somme de 1 000 euros au syndicat requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Muret doit être regardée comme relevant appel de ce jugement, en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la requête de première instance du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège. Par la voie de l'appel incident, ce dernier demande la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas reconnu le droit des agents de la police municipale de la commune de Muret et de certains agents du centre communal d'action sociale au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". En l'espèce, il résulte de l'instruction que la minute du jugement contesté a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen soulevé tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signatures de la minute, manque en fait et doit donc être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe.(...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pas pu préjudicier aux droits des parties.

4. Il ne ressort pas des motifs du jugement attaqué que, pour accueillir partiellement la demande du syndicat requérant, le tribunal administratif de Toulouse se serait fondé sur des éléments figurant dans le mémoire du syndicat CFDT Interco enregistré le 27 mai 2022 au greffe du tribunal, lequel, s'il n'a pas été communiqué, a été visé. Par suite, la commune de Muret n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. Elle peut tendre au bénéfice d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d'un préjudice. / Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public mis en cause. (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, peut être demandée la reconnaissance de droits individuels résultant de la loi ou du règlement tels que l'administration doit en faire application, eu égard aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes.

6. Aux termes de l'article 5 des statuts du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège : " But du syndicat : Le syndicat a notamment pour but : de regrouper les travailleurs et travailleuses d'un même secteur d'activité en vue d'assurer la défense individuelle et collective de leurs intérêts professionnels, économiques et sociaux, par les moyens les plus appropriés (...). ". L'action en reconnaissance de droits introduite par le syndicat a pour objet de voir reconnaître un droit économique, tiré du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire, à certaines catégories d'agents de la commune de Muret, à savoir ceux relevant des effectifs de la police municipale, des effectifs du centre communal d'action sociale ou exerçant la fonction de gardien du stade municipal Marcel Calmes. Dès lors, et sans qu'y fassent obstacle les circonstances que les agents concernés ne sont pas syndiqués et que l'action introduite par le syndicat ne concerne que certains fonctionnaires territoriaux de la commune, le syndicat requérant justifie, au regard de ses statuts, d'un intérêt suffisant pour introduire cette action en reconnaissance de droit. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir du syndicat doit être écartée.

7. En second lieu, un syndicat est régulièrement engagé par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de le représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant et notamment lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie.

8. Aux termes de l'article 12 des statuts du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège, dans leur version en vigueur à la date d'introduction de la requête devant le tribunal administratif de Toulouse : " Représentation en justice et actions juridiques : Pour l'exercice de sa personnalité civile, le syndicat est représenté dans tous les actes de la vie juridique par son secrétaire général ou toute autre personne désignée en son sein par le conseil syndical. (...) Le conseil syndical décide des actions en justice du syndicat et désigne le membre qui le représente. Entre deux réunions, le secrétaire général peut engager toute procédure et en avertit aussitôt les membres du conseil./ Le fond du débat sera abordé au conseil syndical à sa prochaine réunion. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que la requête a été présentée, au nom du syndicat, par Mme A..., secrétaire générale du syndicat, et qu'elle a été enregistrée le 8 octobre 2020, quatre jours avant la prochaine séance du conseil syndical, réuni le 12 octobre 2020, au cours de laquelle a d'ailleurs été portée à l'ordre du jour l'information relative au dépôt de la requête. Dès lors, la secrétaire générale du syndicat était habilitée, en application des dispositions de l'article 12 des statuts du syndicat, pour présenter la requête au nom de ce dernier. Par suite, la commune de Muret n'est pas fondée à soutenir que la secrétaire générale du syndicat, statutairement habilitée, n'avait pas qualité pour agir au nom du syndicat.

En ce qui concerne la reconnaissance du droit à nouvelle bonification indiciaire des agents relevant des effectifs de la police municipale et du centre communal d'action sociale :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale exerçant dans des zones à caractère sensible, dans sa version applicable au présent litige résultant de sa modification par le décret du 30 octobre 2015 : " Les fonctionnaires territoriaux exerçant à titre principal les fonctions mentionnées en annexe au présent décret dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville dont la liste est fixée par le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements métropolitains et par le décret n° 2014-1751 du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et en Polynésie française et dans les services et équipements situés en périphérie de ces quartiers et assurant leur service en relation directe avec la population de ces quartiers bénéficient de la nouvelle bonification indiciaire. ". Aux termes de l'annexe au décret du 3 juillet 2006 : " 1. Fonctions de conception, de coordination, d'animation et de mise en œuvre des politiques publiques en matière sociale, médico-sociale, sportive et culturelle : Désignation des fonctions éligibles dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : 1. (...) 4. Assistant socio-éducatif (...) 18. Assistance ou encadrement intermédiaire dans le secteur sanitaire et social et en matière d'administration générale. (...) 2. Fonctions d'accueil, de sécurité, d'entretien, de gardiennage, de conduite des travaux - Désignation des fonctions éligibles dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : (...) 28. Fonctions polyvalentes liées à l'entretien, à la salubrité, à la conduite de véhicules et tâches techniques (...) 31. Police municipale (...). ". Aux termes du décret du 30 décembre 2014 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements métropolitains, les quartiers " Saint-Jean " et " Centre-Ouest " de la commune de Muret sont des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

10. Il résulte des dispositions précitées qu'ont droit à une nouvelle bonification indiciaire les fonctionnaires territoriaux qui exercent leurs fonctions à titre principal au sein d'une des zones ou quartiers mentionnés ci-dessus ou dans un service situé à leur périphérie, sous réserve, dans ce second cas, que l'exercice des fonctions assurées par l'agent concerné le place en relation directe avec des usagers résidant dans ces zones ou quartiers.

S'agissant des agents relevant des effectifs de la police municipale :

11. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que les locaux de la police municipale de la commune de Muret se situent avenue d'Europe, en périphérie des quartiers prioritaires " Saint-Jean " et " Centre-Ouest ". Les missions des agents de police, détaillées dans les fiches de poste tiennent à la veille et la prévention en matière de maintien du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publique, notamment en matière de respect du code de la route et du stationnement et de bon déroulement des manifestations publiques, au relevé des infractions, à la rédaction et la transmission d'écrits professionnels et à l'accueil, l'information et l'orientation des publics. Si ces missions sont majoritairement exercées sur le terrain, le territoire concerné s'étend à tout le territoire communal, dont les deux quartiers prioritaires de la ville précités représentent 6,4%, et concentrent 20% de la population muretaine. Si, comme le souligne le syndicat, le quartier " Centre-Ouest " comporte une forte concentration de voies à stationnement réglementé, cette circonstance n'implique pas que les agents en charge du contrôle et du respect des règles de stationnement soient particulièrement au contact de la population résidant dans ce quartier, alors qu'il est plus probable que les usagers de ces places de stationnement ne résident pas sur place, au regard du caractère réduit de la durée de stationnement autorisée. Il n'est par ailleurs pas établi par la seule mention des " vendredis de l'été " en centre-ville, que les quartiers prioritaires de la ville soient un lieu particulièrement concerné par les manifestations publiques nécessitant la surveillance des agents de police municipale. Enfin, l'affichage d'une volonté politique affichée du maire de Muret de déployer des patrouilles en centre-ville et dans les quartiers, et les considérations générales qu'avance le syndicat sur la surreprésentation des mis en cause et des délinquants dans les quartiers prioritaires de la ville, ne suffisent pas à démontrer que les agents relevant de la police municipale sont, pour l'exercice de l'ensemble de leurs missions, de façon significative en relation directe avec la population issue des quartiers prioritaires de la ville.

S'agissant des agents relevant des effectifs du centre communal d'action sociale :

12. Il résulte de l'instruction que le centre communal d'action sociale de la commune de Muret se situe en dehors des quartiers prioritaires de la ville " Centre-Ouest " et " Saint-Jean " mais en périphérie de ce dernier, et intervient sur l'ensemble du territoire communal.

13. Cette structure compte des assistants sociaux et aides éducatives ayant pour missions respectives principalement d'informer, orienter et soutenir les familles connaissant des difficultés sociales et d'accueillir et accompagner les familles dans leurs difficultés de gestion budgétaire. Or il résulte de l'instruction, en particulier du document statistique produit par le syndicat, comparant les données démographiques et sociales des quartiers prioritaires de la commune de Muret par rapport à la population de la communauté d'agglomération Le Muretain Agglo, que les deux quartiers prioritaires " Saint-Jean " et " Centre-Ouest " se caractérisent par une surreprésentation de foyers aux faibles revenus, de demandeurs d'emploi et de ménages non imposés, tandis que les prestations sociales représentent en moyenne une part plus importante dans les revenus des ménages de ces quartiers que dans ceux des ménages de l'agglomération. Compte tenu par ailleurs de la part de la population communale que représentent les deux quartiers concernés, rappelée au point 11, et de la nature des missions, rappelées ci-dessus, exercées par les assistants sociaux et les aides éducatives, ces derniers doivent être regardés comme exerçant leurs fonctions de manière significative au contact direct des usagers résidant dans les quartiers prioritaires de la ville. Par suite, le droit à la nouvelle bonification indiciaire que prévoit le décret du 3 juillet 2006 pour les agents exerçant des fonctions d'assistant socio-éducatif doit leur être reconnu.

14. En revanche, il n'est pas établi que les agents du centre communal d'action sociale exerçant les fonctions de coordonnatrice ou gestionnaire du " secteur seniors et personnes handicapées " et aide à domicile soient en relation directe, de façon significative, avec la population résidant dans les quartiers prioritaires, en l'absence de spécificité démontrée de ces quartiers au regard des prestations ainsi assurées. Par ailleurs, il ressort de leurs fiches de postes respectives que les agents occupant les fonctions de directeur adjoint, d'assistante de direction-secrétariat, d'assistante administrative-secrétariat exercent pour leur majeure partie des missions n'impliquant pas de contact avec les usagers. Enfin, eu égard à la diversité des prestations assurées par le centre communal d'action sociale et des publics concernés, il n'est pas établi que l'agent en charge de l'accueil et du standard soit de façon significative en relation directe avec les usagers résidant dans les quartiers prioritaires de la ville. Par suite, il n'y a pas lieu de reconnaître le droit à la nouvelle bonification indiciaire des agents du centre communal d'action sociale autres que ceux évoqués au point précédent.

15.

En second lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 30 octobre 2015 relatif à la nouvelle bonification indiciaire attribuée aux fonctionnaires de la fonction publique territoriale au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville, à la suite de la création des quartiers prioritaires de la politique de la ville : " Le présent décret entre en vigueur à compter du 1er janvier 2015, à l'exception du dernier alinéa de l'article 1er et de l'article 6 qui entrent en vigueur le lendemain de sa publication. ".

16. La liste des quartiers prioritaires de la ville fixée par décret du 30 décembre 2014, en vigueur à compter du 1er janvier 2015, mentionne les quartiers " Saint-Jean " et " Centre-Ouest " de la commune de Muret. Tout d'abord, dès lors, par ailleurs, qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 que l'application de la nouvelle bonification indiciaire soit subordonnée à la signature d'un contrat de ville, la circonstance que la commune de Muret a signé un tel contrat postérieurement au 1er janvier 2015 est sans incidence sur la reconnaissance du droit des assistants sociaux et aides éducatives du centre communal d'action sociale à la novelle bonification indiciaire. Ensuite, compte tenu de l'objet de l'action en reconnaissance de droits, qui ne tend pas au versement d'une somme, la commune de Muret ne peut davantage utilement invoquer les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Enfin, eu égard à l'objet de l'action en reconnaissance de droit, le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ne fait pas obstacle à ce que le droit en cause soit reconnu à compter d'une date antérieure à celle du jugement. Par suite, les agents exerçant à titre principal les fonctions d'assistants sociaux et d'aides éducatives au sein du centre communal d'action sociale de Muret ont droit à la nouvelle bonification indiciaire prévue par le décret du 3 juillet 2006 à compter du 1er janvier 2015 ou à compter de leur date d'affectation dans l'établissement en cas de nomination postérieure à cette date.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Muret n'est pas fondée à demander l'annulation partielle du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 juillet 2022 et que les conclusions d'appel incident du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège doivent être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Muret au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par ce syndicat sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Muret est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par le syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Muret et au syndicat CFDT Interco de la Haute-Garonne et de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL21989


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21989
Date de la décision : 08/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS THALAMAS LACLAU

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-08;22tl21989 ?
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