Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2107382 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2023 Mme B..., représentée par Me Brel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 de la préfète de l'Ariège ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ariège de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation administrative ;
4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au profit de son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2023, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Par ordonnance du 22 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 février 2024.
Par décision du 10 mai 2023, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
-le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lasserre, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante albanaise née le 12 novembre 2001, est entrée sur le territoire français, selon ses déclarations, le 21 juillet 2017 accompagnée de sa mère, de son frère et de sa sœur. La demande d'asile qu'elle a introduite le 16 novembre 2018 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 avril 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 juillet 2021. Le 31 août 2021, Mme B... a sollicité son admission au séjour en qualité d'étudiante. Par un arrêté du 9 décembre 2021, la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code, " si l'étranger séjourne déjà en France, sa demande est présentée dans les délais suivants : (...) ; 2° Au plus tard la veille de son dix-neuvième anniversaire, pour l'étranger mentionné aux articles L. 421-22, L. 421-23, L. 421-26 à L. 421-29, L. 421-30 à L. 421-33, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 424-1, L. 424-3, L. 424-24 ou L. 426-1 ; 3° Au plus tard, deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, s'il ne remplit pas les conditions de délivrance de l'un des titres de séjour mentionnés au 2 ".
3. Pour refuser un titre de séjour en qualité d'étudiante de Mme B..., la préfète de l'Ariège s'est fondée sur le fait que cette dernière ne dispose pas d'un visa de long séjour, qu'elle n'a pas présenté sa demande dans un délai de deux mois suivant son dix-huitième anniversaire en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle ne justifie pas d'une nécessité liée au déroulement de ses études au sens des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 422-1 du même code.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, après avoir commencé ses études en France à l'âge de 16 ans, Mme B... a obtenu un baccalauréat professionnel série gestion-administration au titre de l'année scolaire 2020-2021. Toutefois, il est constant qu'elle a présenté sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiante le 31 août 2021, soit à l'âge de dix-neuf ans. Contrairement à ce qu'elle soutient, la seule circonstance qu'elle ait présenté une demande d'asile enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 décembre 2018 ne permet pas de faire obstacle aux dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient notamment que les demandes de titre de séjour en qualité d'étudiant, y compris celles formées sur le fondement de l'alinéa 2 de l'article L. 422-1 du même code, doivent être présentées dans un délai de deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire lorsque l'étranger séjourne déjà en France. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au regard de ces dispositions doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., entrée de manière irrégulière en France en 2017, a été autorisée à se maintenir sur le territoire uniquement dans le cadre de l'instruction de sa demande d'asile, définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, le 20 juillet 2021. Par ailleurs, célibataire et sans charge de famille, elle ne démontre aucune intégration ni liens particuliers sur le territoire français alors qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 16 ans dans son pays d'origine où sa cellule familiale a vocation à se reconstituer avec ses deux parents qui ont également fait l'objet de mesures d'éloignement. Dans ces conditions, la préfète n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation de l'appelante.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant l'admission au séjour, pour demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision distincte lui faisant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par conséquent, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
9. Si la requérante soutient qu'elle ne pourrait pas retourner vivre en Albanie en raison des risques auxquels elle serait exposée dans ce pays, elle n'apporte strictement aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité de ces risques en se bornant à reprendre les allégations de son récit devant l'office de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, lesquels ont, par ailleurs, rejeté sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance alléguée des articles précités doit être écarté.
10. Il résulte de ce tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Brel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01323