Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision tacite par laquelle le maire de Val-d'Aigoual ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux présentée par M. C... A... le 15 juin 2020 pour la réalisation d'un mur de soutènement et d'une plateforme sur la parcelle cadastrée section B n° 1666 située au lieu-dit " Le Pont Neuf ".
Par un jugement n° 2003713 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande et a mis à la charge de Mme D... une somme de 1 200 euros à verser à la commune de Val-d'Aigoual au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023, Mme B... D..., représentée par Me Joseph-Barloy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 avril 2023 ;
2°) d'annuler la décision tacite de non-opposition prise par le maire de Val-d'Aigoual sur la déclaration préalable de travaux présentée par M. A... ;
3°) d'enjoindre au maire de Val-d'Aigoual de dresser un procès-verbal d'infraction à l'encontre de M. A... dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Val-d'Aigoual une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son action est recevable dès lors qu'elle justifie d'un intérêt pour agir à l'encontre de la décision tacite de non-opposition en litige en sa qualité de voisine du terrain d'assiette des travaux litigieux et au regard de l'importance de ces travaux ;
- les premiers juges ont commis des erreurs de droit en estimant que la décision tacite de non-opposition ne méconnaissait pas les prescriptions du plan local d'urbanisme et du plan de prévention des risques d'inondation applicables à la parcelle ;
- les travaux déclarés par M. A... ne peuvent être légalement autorisés au regard des prescriptions du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Val-d'Aigoual régissant la zone naturelle N au sein de laquelle est classée la parcelle ;
- les mêmes travaux ne peuvent être légalement autorisés au regard des prescriptions du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Val-d'Aigoual applicables à la zone de danger F-NU au sein de laquelle est classée la parcelle ;
- lesdits travaux ne peuvent être légalement autorisés en raison de l'exposition de la parcelle à un aléa fort au titre du risque de glissement de terrain.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, la commune de Val-d'Aigoual, représentée par Me Bras, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requérante n'est pas recevable à contester la décision implicite en litige dès lors qu'elle ne justifie pas d'un intérêt pour agir suffisant ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, M. C... A..., représenté par Me Bras, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la requérante n'est pas recevable à contester la décision implicite en litige dès lors qu'elle ne justifie pas d'un intérêt pour agir suffisant ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat le 20 février 2024 sur le fondement de l'article L. 611-11-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- et les observations de Me Benkrid, représentant la commune de Val-d'Aigoual et M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., propriétaire d'un ensemble de parcelles sises au lieu-dit " Le Pont Neuf " sur le territoire de la commune de Val-d'Aigoual (Gard), a déposé une déclaration préalable de travaux, le 15 juin 2020, pour la réalisation d'un mur de soutènement et d'une plateforme de stationnement sur la parcelle cadastrée section B n° 1666. Par un courrier daté du 16 juin 2020, le maire de cette commune a indiqué à l'intéressé, d'une part, que le dossier de déclaration préalable devait être complété dans un délai de trois mois par la production d'un plan de masse précisant l'implantation des travaux sur le terrain et, d'autre part, que le délai d'instruction de ladite déclaration ne commencerait à courir qu'à compter de la date de réception de cette pièce, pour une durée portée à deux mois compte tenu de la nécessité de recueillir l'avis du service hydraulique départemental. M. A... ayant transmis le plan de masse au service instructeur le 22 juin 2020 et le maire ne s'étant pas expressément prononcé sur la déclaration préalable dans le délai de deux mois suivant cette date, une décision tacite de non-opposition est intervenue le 22 août 2020. Par la présente requête, Mme D... interjette appel du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision tacite et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros à verser à la commune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire (...) ". Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge administratif d'éléments relatifs à la nature, l'importance ou la localisation du projet.
3. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section B n° 437, sur laquelle se situe la maison d'habitation de Mme D..., n'est séparée de la parcelle B n° 1666, sur laquelle porte la déclaration préalable en litige, que par un chemin rural très étroit et par la parcelle B n° 472 constituant l'assiette de la maison d'habitation de M. A.... Il ressort plus particulièrement des vues aériennes et des photographies produites par la requérante que la plateforme litigieuse se trouve à seulement 42 mètres des bâtiments implantés sur la parcelle B n° 437 et qu'elle est notamment visible depuis une pièce habitable à usage de bureau située à l'étage de l'un de ces bâtiments. Eu égard à la proximité des propriétés, à l'importance de la plateforme en cause, laquelle présente une superficie de 270 m2 et une hauteur atteignant jusqu'à 2,20 mètres, ainsi qu'à la situation du secteur en zone d'aléa fort au titre du risque d'inondation, Mme D... justifie d'un intérêt à agir suffisant pour contester la décision tacite par laquelle le maire de Val-d'Aigoual ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par M. A.... Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce point doit être écartée.
En ce qui concerne la légalité de la décision tacite en litige :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Val-d'Aigoual applicable à la zone naturelle N au sein de laquelle est classée la parcelle de M. A..., sont interdits : " Toutes constructions, installations et aménagements autres que ceux autorisés sous conditions à l'article 2 (...) ". Selon l'article 2 du même règlement auquel il est ainsi renvoyé, sont notamment autorisés, d'une part, " Les travaux de confortement, d'amélioration ou les extensions des constructions d'habitation existantes à la date d'approbation du plan local d'urbanisme, sans création de logements supplémentaires ni changement de destination d'une superficie de 40 m2 maximum de surface de plancher et sous réserve de ne pas dépasser, annexes comprises, 250 m2 de surface de plancher et d'emprise au sol " et, d'autre part, " Les affouillements et les exhaussements de sols nécessaires à la construction d'un bâtiment ou la réalisation d'un aménagement autorisé sur la zone. ".
5. D'une part, les travaux déclarés par M. A... consistent en l'aménagement d'une plateforme, présentée comme destinée au stationnement de véhicules, sur la parcelle cadastrée section B n° 1666, à une distance de plusieurs dizaines de mètres de la maison d'habitation de l'intéressé, laquelle est implantée sur la parcelle cadastrée section B n° 472. De tels travaux ne peuvent être regardés comme constituant des travaux d'amélioration de l'habitation existante au sens et pour l'application de l'article 2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone N. D'autre part, les travaux d'exhaussement de sol en cause ne peuvent pas davantage être regardés comme nécessaires à la réalisation d'un bâtiment ou d'un aménagement autorisé dans la zone N dès lors que l'édification d'une telle plateforme n'entre dans aucune des exceptions à l'interdiction de principe posée à l'article 1er du même règlement. M. A... ne peut à cet égard sérieusement soutenir qu'un tel ouvrage serait nécessaire à sa maison d'habitation alors que son terrain présente une superficie conséquente permettant déjà de stationner les quatre véhicules personnels évoqués dans sa déclaration préalable de travaux. Dans ces conditions, les travaux en litige méconnaissent les prescriptions précitées du règlement du plan local d'urbanisme.
6. En second lieu, aux termes de l'article 1er du règlement du plan de prévention des risques d'inondation applicable sur le territoire de la commune de Val-d'Aigoual régissant la zone rouge de danger F-NU dans laquelle se situe le terrain d'assiette des travaux en litige, sont notamment interdits dans cette zone, " à l'exception des travaux, constructions, aménagements, ouvrages ou installations qui font l'objet de prescriptions obligatoires dans l'article 2 suivant : / (...) / 5) tous remblais, dépôts de matériaux et conditionnements susceptibles d'être emportés, de gêner les écoulements ou de polluer les eaux en cas de crue et, en particulier, les décharges, dépôts d'ordures, de déchets ou de produits dangereux ou polluants ". Le paragraphe 2-3 de l'article 2 du même règlement auquel il est ainsi renvoyé mentionne, d'une part, que : " l) Les parcs de stationnement de plus de 10 véhicules, non souterrains, sont admis sous réserve (...) qu'ils ne créent pas de remblais (et) ne créent pas d'obstacle à l'écoulement des crues " et prévoit, d'autre part, que : " r) Les opérations de déblais/remblais sont admises à condition qu'elles ne conduisent pas à une augmentation du volume remblayé en zone inondable ".
7. Le règlement du plan de prévention des risques d'inondation précise dans sa partie introductive que la zone rouge de danger F-NU correspond à la zone non urbanisée inondable par un aléa fort représentant des hauteurs d'eau supérieures à 50 centimètres, au sein de laquelle il convient non seulement de ne pas implanter de nouveaux enjeux, mais également de préserver les capacités d'écoulement et de stockage des crues. Dans un courrier adressé aux services de la direction départementale des territoires et de la mer du Gard le 22 juin 2020 dans le cadre de l'instruction de la déclaration préalable de M. A..., le maire de Val-d'Aigoual a considéré que, bien que situés en zone inondable, les remblais et murs de soutènement déclarés par l'intéressé " ne s'érigent pas en opposition à l'écoulement du fleuve Hérault " et " ne représentent en aucune manière un obstacle " et que lesdits murs constitueraient même " une protection plus importante " pour le terrain en ce qu'ils remplaceraient des murs en pierres sèches présentant un risque d'effondrement en cas de fortes précipitations. Il apparaît toutefois que la création d'une plateforme d'une superficie de 270 m2 et de murs atteignant jusqu'à 2,20 mètres de hauteur représente nécessairement un obstacle au bon écoulement des crues sur ce terrain de pente modérée, localisé à une vingtaine de mètres seulement du lit de l'Hérault et identifié comme soumis à un risque fort d'inondation. Il ressort en outre des pièces du dossier que les murs dont s'agit ne remplacent pas les murs de pierres sèches existant sur la propriété, mais constituent à l'inverse un obstacle supplémentaire pour l'expansion des eaux. Par suite, les travaux en litige méconnaissent les prescriptions précitées du plan de prévention des risques d'inondation.
8. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, l'autre moyen soulevé par la requérante, tiré de ce que les travaux déclarés par M. A... ne peuvent pas être légalement autorisés en raison de l'exposition de la parcelle à un aléa fort au titre du risque de glissement de terrain, n'apparaît pas de nature à justifier, en l'état du dossier, l'annulation de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable en litige.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision tacite de non-opposition née sur la déclaration préalable de M. A... et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros à verser à la commune de Val-d'Aigoual sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt prononce l'annulation de la décision tacite de non-opposition prise par le maire de Val-d'Aigoual au nom de la commune et n'implique pas nécessairement que la même autorité dresse, au nom de l'Etat, un procès-verbal d'infraction aux règles d'urbanisme à l'encontre de M. A.... Il s'ensuit que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme D... au titre de la présente instance ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., laquelle n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à la commune de Val-d'Aigoual ou à M. A... au titre des frais exposés par ces derniers et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Val-d'Aigoual une somme de 1 500 euros à verser à Mme D... au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 13 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La décision tacite par laquelle le maire de Val-d'Aigoual ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux présentée par M. A... le 15 juin 2020 est annulée.
Article 3 : La commune de Val-d'Aigoual versera à Mme D... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à la commune de Val-d'Aigoual et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet du Gard, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL01265