Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2101741 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires en production de pièces, enregistrés les 3 mai 2023 et 20 février 2024, M. A..., représenté par Me Francos, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à défaut, de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans le même délai, ou à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délais d'un mois ;
4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au profit de son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant refus de séjour est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 511-1 III alinéa 8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux ;
-elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par ordonnance du 25 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 février 2024.
Par décision du 2 août 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
-le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lasserre, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité algérienne né le 27 juin 1985, est entré en France le 18 septembre 2014 selon ses déclarations, muni d'un passeport algérien et d'un visa Schengen en cours de validité délivré par les autorités espagnoles. Sa demande de titre de séjour comme étranger malade a été rejetée par le préfet de la Haute-Garonne le 16 octobre 2015. Le 12 mai 2020, M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale et du travail sur le fondement des articles 6-5 et 7 b de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par arrêté du 22 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner en France pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que ce dernier ait statué sur le moyen, qui n'était pas inopérant, soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et tiré de ce qu'elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour. Par suite, le jugement est irrégulier en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et doit être annulé dans cette mesure.
3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse et de statuer sur les autres conclusions par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur le fond :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5°) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans enfant. S'il déclare être entré en France en 2014, il ne démontre entre 2014 et 2019 qu'une présence ponctuelle sur le territoire français. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à, a minima, l'âge de 29 ans et où résident ses parents. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier et notamment des nombreuses attestations produites par M. A..., que ce dernier a noué des relations personnelles fortes dans le cadre de ses activités bénévoles comme entraîneur d'une équipe de football et comme membre de l'association de la Case de Santé, cette activité sociale ne suffit pas à elle seule à caractériser une insertion dans la société française telle que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée au droit à sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'appelant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, aux termes du 10ème alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III ".
7. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que la décision portant refus de titre de séjour comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, l'obligation de quitter le territoire, qui en l'espèce, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, est également suffisamment motivée.
8. En deuxième lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, il ressort des termes de l'arrêté en litige que la décision portant refus de titre de séjour comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivé. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant refus de titre de séjour aurait été prise sans examen réel et sérieux de la situation de M. A.... Par suite, pour ces motifs et ceux exposés au point 5 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant l'admission au séjour, pour demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision distincte lui faisant obligation de quitter le territoire français.
9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, les moyens tirés de méconnaissance par la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. A... de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'appelant dont serait entachée cette décision doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ". Aux termes du huitième alinéa de cet article : " (...) le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.
11. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, M. A... ne démontre qu'une présence ponctuelle sur le territoire français entre 2014 et 2019. De plus, s'il peut se prévaloir d'une certaine insertion sur le territoire français, il est constant qu'il n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement et dispose d'attaches familiales dans son pays, où il a vécu jusqu'à, a minima, l'âge de 29 ans. Eu égard à ces circonstances, le préfet de la Haute-Garonne a pu légalement au regard des dispositions précitées, assortir la mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français et fixer la durée de cette interdiction à un an.
12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs qu'évoqués au point précédent, le préfet de la Haute-Garonne n'a entaché sa décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ni d'un défaut d'examen réel et sérieux ni d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelant.
13. Il résulte de ce tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2020 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des autres décisions contenues dans ce même arrêté. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte de la requête de M. A... doivent être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2101741 du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre la mesure portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 22 décembre 2020.
Article 2 : Les conclusions de M. A... présentées devant le tribunal administratif de Toulouse dirigées contre la décision du 22 décembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Francos et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01017