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03/10/2024 | FRANCE | N°23TL00692

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 03 octobre 2024, 23TL00692


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2106576 rendu le 9 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

P

rocédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 22 mars 2023, Mme A... B..., représenté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2106576 rendu le 9 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2023, Mme A... B..., représentée par Me Badji Ouali, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant le moyen de sa demande tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige ; le jugement est lui-même entaché d'une insuffisance de motivation sur ce point ;

- les premiers juges ont commis des erreurs manifestes d'appréciation en écartant les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la décision portant refus de titre de séjour est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- la même décision est insuffisamment motivée ; le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation personnelle avant de prendre sa décision ;

- la décision portant refus de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la même décision est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le préfet a motivé le refus de titre de séjour par l'existence d'un trouble à l'ordre public ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de sa base légale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la même décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 5 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 février 2024.

Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 17 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain signé le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine, née le 29 septembre 1976 à Oudja (Maroc), présente depuis le 31 mars 2018 sur le territoire français où elle est entrée sous couvert d'un visa de court séjour à entrées multiples valable du 30 mai 2016 au 29 mai 2020, a sollicité, le 11 janvier 2021, auprès des services de la préfecture de l'Hérault, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté pris le 30 avril 2021, le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande de titre de séjour, a obligé Mme B... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par sa requête, l'intéressée interjette appel du jugement du 9 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". En l'espèce, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier a indiqué avec précision, au point 2, les raisons pour lesquelles il a écarté le moyen soulevé par la requérante tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral en litige. Par suite, le jugement n'est entaché d'aucune insuffisance de motivation sur ce point.

3. L'appelante soutient par ailleurs que les premiers juges auraient commis des erreurs manifestes d'appréciation en écartant les moyens de sa demande tenant à l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige et à l'atteinte excessive portée à son droit au respect de la vie privée et familiale. De tels moyens se rapportent toutefois au bien-fondé du jugement et sont dès lors sans incidence sur sa régularité. Ils relèvent en outre du contrôle du juge de cassation et non pas de celui du juge d'appel, auquel il appartient seulement de se prononcer, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 30 avril 2021.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions et stipulations dont le préfet de l'Hérault a fait application et mentionne les éléments de la situation personnelle et familiale de Mme B... sur lesquels il s'est fondé pour lui refuser le titre de séjour sollicité. Il indique notamment que les pièces jointes à la demande de titre de séjour ne permettent pas d'établir l'existence d'une communauté de vie habituelle et continue entre l'intéressée et le ressortissant français avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité. La décision portant refus de titre de séjour est ainsi suffisamment motivée. En outre, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni des autres pièces du dossier, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de la requérante avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté contesté, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 423-23 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ".

6. D'une part, si Mme B... se prévaut du pacte civil de solidarité contracté avec un ressortissant français le 5 décembre 2019 à Montpellier, la stabilité de la relation de couple et la continuité de la vie commune avec l'intéressé ne sont pas établies par la seule production de factures d'électricité portant leurs deux noms à partir du 2 décembre 2019 ainsi que de deux attestations rédigées par des amis, alors qu'aucune autre pièce antérieure à l'arrêté en litige ne mentionne les deux noms, que l'appelante a élu domicile auprès du centre communal d'action sociale de Montpellier le 22 avril 2020 et qu'elle a indiqué une adresse distincte de celle de ce ressortissant français à l'appui de sa demande de titre de séjour le 11 janvier 2021. D'autre part, Mme B... n'est présente sur le territoire national que depuis trois ans au plus à la date de l'arrêté contesté et n'y justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle à cette même date, son investissement bénévole dans les activités de l'association Croix-Rouge n'ayant débuté qu'à partir du mois de mai 2021. Enfin, la requérante n'est pas dépourvue d'attaches personnelles au Maroc, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans en y exerçant une activité d'enseignante et où résident toujours ses parents ainsi que ses quatre frères selon ses propres déclarations. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne porte pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, la décision en cause ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme B....

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dont les dispositions figurent désormais à l'article L. 432-13 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. / (...) ".

8. Il résulte de ce qui a été exposé au point 6 du présent arrêt que Mme B... ne remplissait pas les conditions requises pour bénéficier de plein droit du titre de séjour visé au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable. Dès lors, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur la situation de l'intéressée. En conséquence, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.

9. En quatrième lieu, si l'arrêté critiqué mentionne que Mme B... est connue des services de police à raison de faits de vol à l'étalage commis en octobre et décembre 2018, pour lesquels la requérante a d'ailleurs été condamnée à une amende délictuelle par le tribunal de grande instance de Montpellier le 27 juin 2019, il ressort des termes mêmes de cet arrêté que le préfet de l'Hérault n'en a pas déduit que le comportement de l'intéressée représenterait une menace pour l'ordre public et qu'il ne s'est pas fondé sur une telle circonstance pour lui refuser le titre de séjour sollicité le 11 janvier 2021. Dans ces conditions, l'appelante ne peut utilement soutenir que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur d'appréciation sur ce point.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, le dixième alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 613-1 de ce code, précise que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision relative au séjour sur laquelle elle se fonde. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'autorité préfectorale ne se serait pas livrée à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de l'appelante avant de prendre sa décision.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 à 9 ci-dessus que la décision portant refus de séjour n'est pas illégale. Par voie de conséquence, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement serait privée de sa base légale.

12.

En troisième lieu, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés pour les motifs mentionnés au point 6 du présent arrêt.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 avril 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelante et n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions en injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, lequel n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque à la requérante au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Badji Ouali et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00692
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : BADJI OUALI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;23tl00692 ?
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