Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Société Française du Radiotéléphone (SFR) a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une requête enregistrée sous le n° 2103714, d'annuler le titre exécutoire n° 638 d'un montant de 9 300 euros émis à son encontre par le département du Tarn le 30 janvier 2020. Par une autre requête, enregistrée sous le n° 2103732, la société SFR a demandé au tribunal d'annuler le titre exécutoire n° 4464 d'un montant de 58 500 euros émis à son encontre par ce département le 26 mars 2020 et, enfin, par une troisième requête, enregistrée sous le n° 2103733, d'annuler le titre exécutoire n° 2678 d'un montant de 23 700 euros émis à son encontre le 29 février 2020. Dans le cadre de chacune de ces demandes, la société SFR a demandé au tribunal administratif de Toulouse de la décharger de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge.
Par un jugement n°s 2103714 - 2103732 - 2103733 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ces demandes pour défaut d'intérêt à agir ainsi que les conclusions reconventionnelles présentées par le département du Tarn tendant à ce que les sommes portées sur les titres exécutoires en litige soient assorties des intérêts au taux légal.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juillet 2023 et le 9 avril 2024, la société SFR, représentée par Me Feldman, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler le titre exécutoire n° 638 du 30 janvier 2020 d'un montant de 9 300 euros, le titre exécutoire n° 4464 du 26 mars 2020 d'un montant de 58 500 euros et le titre exécutoire n° 2678 du 29 février 2020 d'un montant de 23 700 euros ;
3°) de la décharger de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge par les titres exécutoires en litige ;
4°) de mettre à la charge du département du Tarn une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa demande de première instance, que :
- c'est à tort que le tribunal a rejeté ses demandes comme irrecevables alors qu'elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ; à cet égard, elle a été destinataire des titres exécutoires en litige et c'est elle qui est désignée sur ces titres comme débitrice des pénalités de retard dont le délégant a fait application en vertu de la convention de délégation de service public ; si la société Tarn Fibre s'est substituée à elle pour l'exécution de la convention, cette substitution n'était pas effective à la date d'émission des titres exécutoires en litige ; aucune des stipulations de la convention ne prévoit que la substitution serait rétroactive.
Elle soutient, au fond, que :
- les titres exécutoires en litige sont entachés d'incompétence de leur signataire ;
- ils n'indiquent pas les bases de leur liquidation ;
- ils n'ont pas été précédés d'une mise en demeure ;
- elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations préalablement à l'édiction des titres exécutoires en litige en méconnaissance des droits de la défense ;
- les pénalités en litige sont infondées dès lors, premièrement, qu'aucune clause contractuelle ne prévoit d'échéance pour la remise des études d'avant-projet définitif du réseau, deuxièmement, qu'aucune pénalité n'est prévue en cas de retard dans la validation de ces études, troisièmement, l'article 5.1.2.3 de la convention de délégation de service public en litige n'a pas vocation à être combiné avec l'annexe 10.07 afin d'en déduire l'existence d'une date de validation des études d'avant-projet définitif du réseau et, enfin, quatrièmement, la validation tacite de ces études ne constitue que l'une des modalités de leur validation ;
- il y a lieu pour le juge de faire usage de son pouvoir de modulation des pénalités.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2024, le département du Tarn, représenté par Me Guellier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société SFR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes de la société SFR comme irrecevables, seule la société Tarn Fibre, subrogée dans les droits et obligations de cette société dispose d'un intérêt suffisant pour contester les titres exécutoires en litige ;
- les autres moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au directeur départemental des finances publiques du Tarn, lequel n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 3 septembre 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
- les observations de Me Feldman, représentant la société SFR, et celles de Me Bonnard, représentant le département du Tarn.
Une note en délibéré a été enregistrée le 29 septembre 2024 pour la société SFR.
Considérant ce qui suit :
1. En 2018, le département du Tarn a entrepris de se doter d'un réseau de communications électroniques à très haut débit, dit " A... d'initiative publique FTTH ", dans les conditions prévues par l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales. Par une délibération du 18 mai 2018, ce département a adopté le principe du recours à une délégation de service public pour créer et exploiter ce réseau d'initiative publique. Par une convention du 30 avril 2019, prenant effet le 19 juin suivant, le département du Tarn a conclu avec la Société Française du Radiotéléphone (SFR), à laquelle s'est substituée la société Tarn Fibre, une convention de délégation de service public ayant pour objet la conception, l'établissement et l'exploitation d'un réseau de communications électroniques à très haut débit dans le département du Tarn. En raison de retards dans la remise des études d'avant-projet définitif relatives à la conception du réseau, prévues par l'article 5.1.2.3 de la convention précitée, le département du Tarn a, par des titres exécutoires n° 638 du 30 janvier 2020, n° 4464 du 26 mars 2020 et n° 2678 du 29 février 2020, mis les sommes respectives de 9 300 euros, 58 500 euros, 23 700 euros à la charge de la société SFR. La société SFR relève appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces titres exécutoires, et à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à sa charge, au motif qu'elle était dépourvue d'intérêt à agir.
Sur l'intérêt pour agir de la société SFR :
2. Aux termes de l'article 1er de la convention conclue entre la société SFR et le département du Tarn, le terme délégataire : " désigne successivement le signataire de la Convention de délégation de service public, puis la société ad hoc que le signataire constituera pour lui transférer les droits et obligations acquis au titre de la Convention de délégation de service public ". Aux termes de l'article 3.1 de cette même convention, " Pour faciliter le contrôle des engagements souscrits et permettre au Délégant d'avoir comme interlocuteur unique une seule entité juridique, le Délégataire s'engage à créer, au plus tard dans un délai de trois (3) mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente Convention, une société ad hoc dédiée exclusivement à l'exécution de ladite Convention, qui se substituera à lui pour l'exécution des missions de service public inhérentes à l'objet de cette Convention de délégation de service public (...) ". Selon le même article, " Dès l'achèvement des formalités de constitution et d'immatriculation de la société ad hoc, le délégataire mentionné en tête des présentes en informera le délégant par lettre recommandée avec accusé de réception, accompagné d'un extrait K-Bis à jour et des statuts de la société. / La substitution de la société ad hoc dans les droits et obligations du Délégataire résultant de la présente Convention de délégation de service public s'opérera de plein droit à la date de réception de la lettre précitée, sous réserve de la parfaite conformité des modalités de constitution de la société ad hoc avec les caractéristiques ci-dessus décrites et avec les modèles de statuts joints en annexe 10.14. À défaut de transmission de ces documents dans le délai de trois mois, la substitution de la société ad hoc sera soumise à l'accord exprès et préalable du Délégant ".
3. Il résulte de l'instruction qu'à compter du 9 avril 2020, date à laquelle le président du conseil départemental du Tarn l'a expressément acceptée, est intervenue la substitution de la société Tarn Fibre dans les droits et obligations de la société SFR dans le cadre de la délégation de service public relative à la conception, à l'établissement et à l'exploitation d'un réseau de communication électronique à très haut débit dans le département du Tarn. Si la société appelante se prévaut du fait que les titres exécutoires en litige ont été émis à son encontre à une date antérieure à celle à laquelle la substitution prévue par la convention a eu lieu, il résulte des stipulations précitées des articles 1er et 3.1 de la convention conclue entre la société SFR et le département du Tarn que, dès lors que la substitution est opérée, les droits et obligations acquis par la société SFR au titre de la convention de délégation de service public sont transférés à la société Tarn Fibre, nouveau délégataire. Ainsi, les droits et obligations découlant de l'émission de ces titres ont été transférés à la société Tarn Fibre dès la date de prise d'effet de la substitution et le recouvrement des sommes correspondantes ne peut, depuis, être poursuivi qu'auprès d'elle. Par suite, la possibilité de contester les titres litigieux en tant que débitrice appartient à la seule société Tarn Fibre, qui l'a du reste fait dans le cadre d'autres instances. Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société SFR était dépourvue d'intérêt à agir.
4. Il résulte de tout ce qui précède que la société SFR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Tarn, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par la société SFR au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SFR une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le département du Tarn et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de la société SFR est rejetée.
Article 2 : La société SFR versera au département du Tarn une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Société Française du Radiotéléphone (SFR) et au département du Tarn.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
Le greffier,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01797