Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 2 février 2022 par lequel la préfète du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2201203 du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2023, Mme A..., représentée par Me Laurent-Neyrat, demande à la cour :
1°) avant-dire droit, d'ordonner la production de son entier dossier de demande de titre de séjour pour raisons de santé ;
2°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;
3°) d'annuler l'arrêté du 2 février 2022 par lequel la préfète du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
4°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal n'a pas ordonné la production de son entier dossier de demande de titre de séjour pour raisons de santé alors qu'il comporte de nombreux éléments utiles à la solution du litige ;
- la décision portant refus de titre de séjour n'a pas été précédée d'un examen attentif de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 7 juin 2023.
Par une ordonnance du 13 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juillet 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante congolaise née le 8 mai 1955, est entrée en France le 19 décembre 2018, sous couvert d'un visa de court séjour à entrées multiples valable jusqu'au 19 mars 2019 en vue de subir une opération des genoux prévue à Nîmes le 21 mars 2019. Le 27 avril 2019, elle a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en vue de bénéficier des soins post-opératoires nécessités par son état de santé. La préfecture du Gard lui a délivré une autorisation provisoire de séjour d'une durée de trois mois, valable du 13 mai au 12 août 2019 afin de lui permettre de poursuivre ses soins auprès d'un établissement hospitalier. Le 30 janvier 2020, Mme A... a présenté une demande de titre de séjour pour soins sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration ayant estimé, par un avis du 6 avril 2020, que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pour une durée de six mois, une nouvelle autorisation provisoire de séjour lui a délivrée jusqu'au 27 novembre 2020. Le 22 juillet 2021, Mme A... a de nouveau sollicité son admission au séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 2 février 2022, la préfète de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Mme A... relève appel du jugement du 5 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation exhaustive de l'arrêté en litige que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de l'appelante.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".
4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
6. Par son avis du 16 décembre 2021, dont l'autorité préfectorale pouvait s'approprier les termes pour forger sa propre appréciation, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, l'appelante a versé au dossier les éléments relatifs à sa situation médicale, en particulier des certificats médicaux qui permettent à la cour d'apprécier sa situation, sans qu'il soit besoin de demander l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ce collège.
7. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier, sur lesquelles l'intéressée a accepté de lever le secret médical, que Mme A... souffrait d'une gonarthrose bilatérale invalidante au décours d'une chute survenue dans son pays d'origine pour laquelle elle a bénéficié de la pose de prothèses de genou effectuée au centre hospitalier universitaire de Nîmes.
8. En se bornant à produire des certificats médicaux peu circonstanciés, faisant état de la circonstance selon laquelle elle ne pourra pas bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine en raison d'une pénurie de soins, sans établir les conséquences graves susceptibles de s'attacher à l'absence de prise en charge médicale, Mme A... ne remet pas utilement en cause, ainsi que cela lui incombe, le sens de l'avis du collège des médecins de l'Office selon lequel le défaut de prise en charge médicale en cas de retour dans son pays d'origine ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. À l'inverse, il ressort des pièces du dossier que Mme A... avait bénéficié d'une prise en charge opératoire et post-opératoire complète à la date de la décision en litige et qu'elle fait seulement l'objet, selon le certificat médical de son médecin traitant du 9 juin 2022, d'une surveillance médicale associée à des séances de kinésithérapie. Dans ces conditions, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des pièces médicales produites par Mme A..., que l'état de santé de cette dernière nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la préfète du Gard n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Pour les mêmes motifs, l'appelante ne peut utilement soutenir que la décision attaquée a méconnu l'article L. 425-9 dès lors qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il est toutefois loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle de l'intéressé.
11. Saisi d'une demande de titre de séjour présentée uniquement au titre de l'état de santé de l'étranger, le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office si le demandeur est susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre. En conséquence, sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif qui sont ceux de la décision administrative attaquée.
12. Dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande de titre de séjour présentée uniquement pour soins, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui du recours formé contre une décision de refus motivée uniquement par le rejet d'une demande de titre de séjour pour raisons de santé, l'invocation des stipulations de l'article 8 étant sans incidence sur l'appréciation que doit porter l'autorité administrative sur les conditions posées à l'article L. 424-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un tel titre de séjour.
13. Il ne ressort des pièces du dossier ni que Mme A... aurait sollicité son admission au séjour en se prévalant de ses liens privés et familiaux en France ni que l'autorité préfectorale aurait, d'office, examiné son droit au séjour sur ce fondement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant en tant qu'il est dirigé contre la décision portant refus de titre de séjour pour soins.
14. En quatrième et dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8 l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelante qui est entrée en France en vue d'y être soignée y vit de manière isolée alors qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 63 ans. Si elle se prévaut du décès de sa fille qui résidait en France et de la circonstance selon laquelle elle prend en charge son petit-fils dont les liens avec le père sont distendus, elle ne produit toutefois aucun élément circonstancié de nature à établir qu'elle serait la seule à pouvoir prendre en charge l'enfant et que le père de ce dernier ferait preuve d'une carence parentale qui nécessiterait la mise en œuvre d'une mesure d'assistance éducative. Dans ces circonstances, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01785