Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... épouse C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux requêtes enregistrées sous les n°s 2301960 et 2301961, d'annuler les arrêtés du 15 mai 2023 par lesquels la préfète du Gard leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de leur accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Ils ont également demandé à ce tribunal d'annuler les arrêtés du même jour par lesquels cette même autorité préfectorale les a assignés à résidence dans le département du Gard pour une durée de 45 jours et les a astreints à une obligation de pointage auprès des services de la police aux frontières.
Par un jugement n°s 2301960 - 2301961 du 6 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes, après avoir renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour contenues dans les arrêtés préfectoraux du 15 mai 2023, a annulé les décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et assignation à résidence.
Par un jugement n°s 2301960 - 2301961 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Nîmes, statuant en formation collégiale, a annulé les décisions portant refus de titre de séjour contenues dans les arrêtés préfectoraux du 15 mai 2023 et enjoint à la préfète du Gard de délivrer à M. et à Mme C... un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 juin 2023, la préfète du Gard doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 juin 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande de M. et Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an contenues dans les arrêtés préfectoraux du 15 mai 2023 ainsi que les arrêtés du même jour portant assignation à résidence.
Elle soutient qu'elle n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de leurs enfants en édictant une mesure d'éloignement à l'encontre de M. et Mme C..., une telle décision n'impliquant pas une séparation de la cellule familiale qui pourra se reconstituer en Albanie où les enfants pourront poursuivre leur scolarité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Chabbert-Masson, doivent être regardés comme concluant au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 29 mars 2024.
Par une ordonnance du 12 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 janvier 2024, à 12 heures.
Par un courrier du 26 août 2024, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement n°s 2301960-2301961 du 13 octobre 2023, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Nîmes, statuant en formation collégiale, a annulé les décisions de la préfète du Gard du 15 mai 2023 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. et Mme C..., cette annulation ayant entraîné, par voie de conséquence, l'annulation des décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et assignation à résidence.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Nadia El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants albanais nés respectivement en 1973 et 1980, déclarent être entrés en France au mois d'octobre 2016 accompagnés de leurs quatre enfants, en provenance d'Italie en vue d'y solliciter l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté leurs demandes d'asile par des décisions du 27 juin 2017, leur recours ayant été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile le 20 novembre 2017. Le réexamen de leur demande d'asile a également été rejeté comme irrecevable par des décisions de l'Office du 9 février 2018, et le recours formé contre cette demande de réexamen a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile le 18 mai 2018. M. et Mme C... ont fait l'objet de mesures d'éloignement édictées par des arrêtés préfectoraux du 12 juin 2018, les recours formés contre ces décisions ayant été rejetés par le tribunal administratif de Nîmes puis la cour administrative d'appel de Marseille. À la suite du rejet des demandes d'autorisation de séjour motivée par l'état de santé de l'une de leurs filles, le préfet du Gard leur a fait obligation de quitter le territoire français par des arrêtés du 2 juillet 2018. Le 11 juillet 2018, M. et Mme C... ont sollicité la délivrance de titres de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète du Gard relève appel du jugement de la magistrate désignée du 6 juin 2023 en tant qu'il a annulé les décisions du 15 mai 2023 prises à l'égard de M. et Mme C... portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et assignation à résidence.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Pour annuler les décisions en litige, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a estimé que la préfète du Gard avait méconnu les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors, d'une part, que les quatre enfants des époux C... sont scolarisés en France de manière ininterrompue depuis leur entrée sur le territoire, d'autre part, que l'aîné, majeur et titulaire du baccalauréat, a déposé une demande de titre de séjour toujours en cours d'instruction, les trois plus jeunes étant respectivement scolarisés en classe de première, de sixième et de CM1 et, enfin, que les résultats obtenus et les appréciations des enseignants témoignaient du sérieux et de l'assiduité dont les enfant des intimés font preuve, chacun à leur niveau.
3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ".
4. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.
5. Si la préfète du Gard conteste le motif retenu par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes pour annuler les décisions du 15 mai 2023 en litige, il ressort toutefois des pièces du dossier que, par un jugement n°s 2301960 - 2301961 du 13 octobre 2023, le tribunal administratif de Nîmes, statuant en formation collégiale, a annulé les décisions par lesquelles elle a refusé de délivrer un titre de séjour aux époux C.... Ce jugement, devenu définitif et revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, a une portée rétroactive.
6. La décision faisant obligation à M. et Mme C... de quitter le territoire français, qui a été prise sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'aurait pas pu légalement être prise en l'absence de décision leur refusant la délivrance d'un titre de séjour. Ainsi, l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 15 mai 2023 refusant à M. et Mme C... la délivrance d'un titre de séjour par la formation collégiale du tribunal emporte, par voie de conséquence, tant l'annulation des décisions subséquentes du même jour portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an contenues dans le même arrêté que l'annulation des arrêtés préfectoraux du même jour portant assignation à résidence.
7. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Gard n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés préfectoraux du 15 mai 2023 en tant qu'ils font obligation à M. et Mme C... de quitter le territoire français, leur refusent un délai de départ volontaire, fixent le pays de destination, leur font interdiction de retour pendant un an ainsi que les arrêtés du même jour prononçant leur assignation à résidence.
Sur les frais liés au litige :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que M. et Mme C... sollicitent au bénéfice de leur conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de la préfète du Gard est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... épouse C..., à M. A... C..., à Me Chabbert Masson et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23TL01523