Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui renouveler son autorisation provisoire de séjour accordée du fait de l'état de santé de son fils, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2106727 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Lafon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 avril 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 14 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'une nouvelle autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnant d'un étranger mineur malade est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile ; son fils, dont l'état de santé ne s'est pas amélioré, ne pourra pas accéder effectivement aux soins nécessaires au traitement de sa pathologie dans son pays d'origine dès lors qu'elle ne bénéficie pas du système d'assurance maladie marocain et que le coût de son traitement médical est particulièrement onéreux ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 29 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 13 février 2024 à 12 heures.
Par une décision du 7 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante marocaine, née le 1er janvier 1983, est entrée sur le territoire national le 8 août 2018. Le 2 mars 2020, elle a obtenu une autorisation provisoire de séjour valable du 2 mars 2020 au 1er mars 2021 à la suite d'un avis du collège des médecins de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration favorable à ce que son fils bénéficie d'un traitement médical en France pendant une durée de douze mois. Le 3 juin 2021, Mme B... a demandé le renouvellement de son admission au séjour en raison de l'état de santé de son enfant. Par arrêté du 14 septembre 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer une nouvelle autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnante de son fils malade et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai trente jours pour rejoindre le pays dont elle a la nationalité ou tout pays dans lequel elle est légalement admissible. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 8 avril 2022, dont Mme B... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. "
3. Aux termes de l'article L. 425-9 de ce code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
4. Il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu des pièces du dossier, si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Le fils de Mme B... souffre d'un diabète insulinodépendant de type 1, instable et diagnostiqué en 2013, pour lequel il fait l'objet d'un suivi en France depuis 2018, et a été hospitalisé à plusieurs reprises en 2018 ainsi qu'en 2019. Le traitement de sa maladie s'effectuait au moyen de plusieurs injections quotidiennes par pompe à insuline à la date de la décision attaquée.
6. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par un avis du 18 août 2021, a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour ce dernier des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé marocain, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
7. Pour contredire l'avis du collège des médecins concernant la disponibilité d'un traitement approprié à la pathologie de son fils, l'appelante, qui admet que les traitements à base d'insuline sont disponibles au Maroc, soutient que son fils ne pourra pas effectivement accéder dans son pays d'origine aux soins nécessaires au traitement de sa maladie en raison de leur coût, qui ne sera pas couvert par le système public de sécurité sociale marocain. Toutefois, d'une part, par les pièces qu'elle produit, Mme B... n'établit ni qu'elle ne serait pas affiliée à l'assurance maladie obligatoire marocaine ou à une autre couverture médicale ni qu'elle ne disposerait pas des ressources nécessaires pour financer les soins médicaux de son fils. D'autre part, si elle soutient que le régime d'assistance médicale aux personnes économiquement démunies ne lui permettrait pas de se procurer l'insuline nécessaire au traitement du diabète de son fils, ce régime dont le but est de garantir le droit aux soins pour les personnes économiquement défavorisées qui ne bénéficient pas de l'assurance maladie obligatoire, propose néanmoins un panier de soins identiques à ceux de l'assurance maladie obligatoire, dispensés dans les hôpitaux publics de santé et services sanitaires relevant de l'État. Dans ces conditions, Mme B... ne parvient pas à utilement contredire l'appréciation émise par le préfet sur la base de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, en refusant de lui délivrer une nouvelle autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnante de son fils malade sur le fondement de l'article L. 452-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "
9. A la date de la décision attaquée, Mme B... qui se déclare séparée de son époux, résidait avec ses trois enfants en France depuis trois ans. Si elle se prévaut d'une formation suivie à la fin de l'année 2020 pour acquérir les compétences linguistiques nécessaires à son insertion professionnelle et sociale, d'une attestation délivrée le 19 janvier 2021 de réussite du niveau A2 au test de connaissance de la langue française, et de sa participation à un atelier hebdomadaire de français organisé par l'association " Les Restaurants du cœur ", ces éléments ne permettent pas d'établir une insertion sociale particulière en France. De plus, alors que le titre de séjour délivré l'autorise à travailler sur le territoire français, Mme B... ne justifie avoir exercé une activité salariée pour l'emploi d'aide-ménagère que pour les mois de juillet et d'août 2020. Enfin, si elle se prévaut de la scolarisation de ses enfants en France, pour certains d'entre eux depuis plusieurs années, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers ne pourraient pas la suivre dans son pays d'origine et y poursuivre leurs études. Enfin, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dès lors, compte tenu de ces éléments, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect d'une vie familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peuvent qu'être écartés.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
11. Pour les motifs exposés au point 9, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant, pour refuser à Mme B... l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, qu'elle ne présentait aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel.
12. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
13. La décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'appelante de ses enfants âgés respectivement de 18 ans, 14 ans et 10 ans. Elle n'a pas davantage pour objet ou pour effet de faire obstacle à la scolarité de ses enfants, laquelle pourra se poursuivre dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. FaïckLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23TL00224