Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société BH Espaces Verts a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 20 octobre 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge, pour l'emploi de deux ressortissants étrangers non autorisés à travailler, la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, à hauteur de la somme de 106 200 euros.
Par un jugement n° 2006450 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de la société BH Espaces Verts tendant à l'annulation de cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2022, et un mémoire enregistré le 31 janvier 2023, la société BH Espaces Verts, représentée par Me Chambaret, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse;
2°) d'annuler la décision du 20 octobre 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge, pour l'emploi de deux ressortissants étrangers non autorisés à travailler, la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail à hauteur de la somme de 106 200 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société BH Espaces Verts soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne comporte pas notamment l'ensemble des considérations de fait qui en constituent le fondement ;
- la procédure contradictoire est entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article R.8253-2 du code du travail dans la mesure où elle n'a pas été mise à même de présenter utilement ses observations, dès lors que le courrier du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 septembre 2020 ne l'invitait à présenter ses observations que sur la base de l'indication de la mise à sa charge éventuelle d'une contribution spéciale de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L.3231-12 du code du travail, alors que, finalement, la décision du 20 octobre 2020 porte sur un montant représentant 15 000 fois ce taux ;
- par ailleurs, à la suite du courrier du 3 septembre 2020 par lequel le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'a invitée à présenter ses observations, la société a, par un courrier du 16 septembre 2020, demandé la communication de l'intégralité des documents fondant la sanction ainsi qu'un délai supplémentaire pour présenter ses observations, et il n'a pas été donné suite à ses demandes ;
- la décision attaquée repose sur un procès-verbal du 16 février 2018 des services de l'inspection du travail, lequel se fonde sur une convocation à un entretien du 1er février 2018 en " audition pénale libre " auquel il aurait été convoqué le 30 janvier 2018, alors qu'il n'a jamais retiré ce courrier à cette date, ayant retiré ce courrier seulement le 10 février 2018, soit dans le délai de garde de quinze jours prévu par la réglementation postale ; le gérant de la société n'a ainsi pas été mis en mesure d'être entendu, alors qu'il a demandé à l'administration, par courrier du 10 février 2018 reçu le 12 février 2018, d'être convoqué à un nouvel entretien ; la décision attaquée est entachée d'irrégularité au regard des disposition du I de l'article 28 du code de procédure pénale ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré que cette absence d'entretien, qui est mentionnée dans le procès-verbal du 16 février 2018 et dans la décision du 20 octobre 2020, n'aurait pas eu d'incidence sur le sens de cette décision ; la décision du 20 octobre 2020 ne mentionne pas, par ailleurs, la correspondance du 21 septembre 2020, qu'il a adressée dans le cadre de la procédure contradictoire ;
-en ce qui concerne la légalité interne, la décision du 20 octobre 2020 est entachée d'une erreur de droit résultant d'un défaut d'examen particulier de sa situation alors que la contribution spéciale lui est appliquée au taux maximal prévu par l'article R. 8253-1 du code du travail ; la sanction infligée devait prendre en compte le fait qu'est en cause non l'absence de toute autorisation de travail, mais le dépassement de la durée de validité des autorisations de travail obtenues en 2014 par les salariés employés.
Par une ordonnance du 12 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 août 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code pénal ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président assesseur
- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique
- et les observations de Me Chambaret pour la société BH Espaces Verts.
Une note en délibéré a été présentée pour la société BH Espaces Verts le 22 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Lors d'un contrôle effectué le 7 septembre 2017 par les services de l'inspection du travail de la Haute-Garonne, il a été constaté l'emploi par la société BH Espaces Verts de deux ressortissants marocains démunis de titres les autorisant à travailler en France. Par une décision du 10 septembre 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la société BH Espaces Verts la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger, prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 106 200 euros, et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger d'un montant de 4 218 euros en application de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par premier jugement n° 1804663 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision pour vice de procédure. Le 20 octobre 2020, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a repris une décision mettant à la charge de la société BH Espaces Verts la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 106 200 euros. La société BH Espaces Verts a demandé au tribunal administratif d'annuler cette nouvelle décision.
2. La société BH Espaces Verts relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2020.
Sur la légalité de la décision du 20 octobre 2020 :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui (...) infligent une sanction ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'une décision qui met à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, qui constitue une sanction administrative, doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent cette sanction.
5. La décision attaquée est suffisamment motivée en droit dès lors qu'elle mentionne les articles L. 8253-1, R. 8253-2 et R. 8253-4 du code du travail, dont l'Office français de l'immigration et de l'intégration a fait application. Au titre des considérations de fait, cette décision indique qu'elle est prise en raison de l'emploi de deux travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à travailler à la suite des constatations consignées par les services de l'inspection du travail consignées dans le procès-verbal établi après le contrôle du 7 septembre 2017. Elle précise que la société avait déjà été sanctionnée pour des faits de même nature en 2014, de sorte que la réitération de l'infraction justifie l'application, pour le calcul du montant de la contribution, d'un taux de 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L.3231-12 du code du travail. Dans ces conditions, la décision en litige est suffisamment motivée alors même qu'elle ne fait pas état du jugement n° 1804663 du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse avait annulé la première sanction du 10 septembre 2018 ni des correspondances échangées entre la société BH Espaces Verts et l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans le cadre de la procédure contradictoire.
6. En deuxième lieu, et d'une part, aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I. - Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. (...) / IV. - Le montant de la contribution spéciale est porté à 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction ". Selon l'article R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 (...) ".
7. Il résulte des dispositions précitées que la contribution spéciale instituée par les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail constituant une mesure à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense, applicable même sans texte, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande.
8. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 3 septembre 2020, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a informé la société BH Espaces Verts qu'il envisageait de lui appliquer la contribution spéciale à raison de faits constatés le 7 septembre 2017, et l'a invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours, ce que la société a fait par un courrier du 21 septembre 2020. Si la société BH Espaces Verts fait valoir que la procédure contradictoire ne saurait être regardée comme ayant été respectée dès lors que le courrier du 3 septembre 2020 ne l'invitait à présenter ses observations qu'en se référant à l'application éventuelle d'une contribution spéciale calculée sur la base de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L.3231-12 du code du travail, alors que la décision en litige retient finalement une base de 15 000 fois ce taux, les termes du courrier du 3 septembre 2020 se bornaient en réalité à indiquer que " le montant de la contribution spéciale serait en principe de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L.3231-12 du code du travail ". Une telle mention n'excluait donc pas l'application du taux de 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu par l'article R. 8253-2 du code du travail, lequel était cité dans le courrier du 3 septembre 2020 et reproduit au verso de ce courrier, ainsi que le faisait valoir l'Office français de l'immigration et de l'intégration en défense en première instance, sans contestation à cet égard de la société BH Espaces Verts. Dans ces conditions, et dès lors que, par ailleurs, l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'était pas tenu de répondre favorablement à la demande de délai complémentaire pour présenter des observations, sollicité par la société BH Espaces Verts par courrier du 16 septembre 2020, la procédure contradictoire ne peut être regardée comme se trouvant entachée d'irrégularité.
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant. ".
10. Ni l'article L. 8253-1 du code du travail ni l'article L. 8251-1 relatifs à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant. Toutefois, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus.
11. Il résulte de l'instruction qu'au courrier précité du 3 septembre 2020 était annexé le procès-verbal constatant les faits d'emploi de travailleurs en situation irrégulière relevés lors du contrôle effectué le 7 septembre 2017. La société appelante ne conteste pas avoir reçu ce procès-verbal comprenant cinq pages détaillant les faits qui lui sont reprochés. Si par un courrier du 16 septembre 2020, la société BH Espaces Verts a demandé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la " communication de(s) copies des documents susceptibles de fonder (la) décision ", il ne résulte pas de l'instruction qu'auraient existé dans le dossier de la société BH Espaces Verts des éléments autres que ceux rappelés dans le procès-verbal, dont les manquements qu'ils relèvent ont été retenus pour fonder la sanction en litige.
12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision 20 octobre 2020 doit être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article 28 du code de procédure pénale, inclus dans le chapitre 1er " de la police judiciaire " du Livre Ier " de la conduite de la politique pénale, de l'exercice de l'action publique et de l'instruction " : " Les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire exercent ces pouvoirs dans les conditions et dans les limites fixées par ces lois. Lorsque la loi prévoit que ces fonctionnaires et agents peuvent être requis par commission rogatoire du juge d'instruction, ils exercent, dans les limites de la commission rogatoire, les pouvoirs qui leur sont conférés par les lois spéciales mentionnées au premier alinéa du présent article. D'office ou sur instructions du procureur de la République, ces fonctionnaires et agents peuvent concourir à la réalisation d'une même enquête avec des officiers et agents de police judiciaire, le cas échéant, en les assistant dans les actes auxquels ils procèdent. Ces fonctionnaires et agents peuvent, sur instruction du procureur de la République, procéder à la mise en œuvre des mesures prévues à l'article 41-1. Lorsque ces fonctionnaires et agents sont autorisés à procéder à des auditions, l'article 61-1 est applicable dès lors qu'il existe à l'égard de la personne entendue des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. (...) ".
14. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 8112-1 du code du travail : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail (...) sont chargés (...) de veiller à l'application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail, ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail (...) Ils sont également chargés concurremment avec les officiers et agents de police judiciaire, de constater les infractions à ces dispositions et stipulations (...) ". De même, l'article L. 8271-6-1 du même code relatif à la lutte contre le travail illégal : " Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur (...) Conformément à l'article 28 du code de procédure pénale, l'article 61-1 du même code est applicable lorsqu'il est procédé à l'audition d'une personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. ".
15. Si la société appelante soutient que la décision attaquée se fonde sur un procès-verbal de l'inspection du travail du 16 février 2018, reposant sur une convocation à un entretien du 1er février 2018 qu'elle aurait reçue postérieurement à la date de cet entretien, il est constant que cette convocation est intervenue dans le cadre d'une " audition pénale libre " menée par l'inspectrice du travail sur le fondement des dispositions précitées du code de procédure pénale, laquelle n'est pas détachable de la procédure pénale. Dans ces conditions, et alors que la sanction en litige est fondée sur les éléments de fait relatés dans le procès-verbal d'infraction dont la société appelante a eu connaissance et qu'elle a pu contester en temps utile dans le cadre de la procédure administrative suivie par l'office, son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'audition pénale libre est inopérant et ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". L'article L. 8253-1 de ce même code prévoit que " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. (...) ". En vertu de l'article L. 8256-2 dudit code, " Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-6 dans sa rédaction applicable du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 et notifie sa décision à l'employeur ainsi que le titre de recouvrement ". Aux termes de l'article L. 8271-8 de ce code : " Les infractions aux interdictions du travail dissimulé sont constatées au moyen de procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire (...)
17. S'il ne saurait interdire de fixer des règles assurant une répression effective des infractions, le principe de nécessité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 implique qu'une sanction administrative ayant le caractère d'une punition ne puisse être appliquée que si l'autorité compétente la prononce expressément en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi comme juge de plein contentieux d'une contestation portant sur une sanction prononcée sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision et de prendre, le cas échéant, une décision qui se substitue à celle de l'administration. L'administration devant apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l'employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé, notamment quant à d'éventuelles difficultés financières, le juge peut, de la même façon, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire par les dispositions précitées ou en décharger l'employeur.
18. Il résulte de l'instruction et notamment du procès-verbal d'infraction, lequel fait foi jusqu'à preuve contraire en vertu de l'article 431 du code de procédure pénale et de l'article L. 8271-8 précité du code du travail, que la présence en action de travail de deux ressortissants de nationalité marocaine, titulaires de titres de séjour en cours de validité mais non accompagnés des autorisations nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle en France, a été constatée lors d'un contrôle effectué dans l'entreprise le 7 septembre 2017.
19. Si la société BH Espaces Verts fait valoir que la décision du 20 octobre 2020 serait entachée d'une erreur de droit faute pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'avoir procédé à un examen circonstancié de sa situation, il résulte de l'instruction que, comme il est indiqué au point 5 du présent arrêt, la décision du 20 octobre 2020 procède d'un examen particulier de la situation de la société. La circonstance que la décision attaquée ne précise pas que les travailleurs employés irrégulièrement étaient non pas démunis d'autorisations de travail, mais titulaires d'autorisations de travail dont la durée de validité était expirée, ne révèle pas un défaut d'examen circonstancié de la situation de la société.
20. En second lieu, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que la sanction qui lui a été appliquée revêt un caractère disproportionné au seul motif que les travailleurs étrangers qu'elle employait étaient non pas démunis de toute autorisation de travail, mais titulaires d'autorisations périmées dès lors que cette dernière circonstance permet elle aussi d'établir une situation d'emploi irrégulier de travailleurs étrangers, et qu'elle avait déjà été sanctionnée pour les mêmes faits en 2015.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la société BH Espaces verts n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la société tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2020 et à la décharge de la contribution spéciale en litige ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. L'Office français de l'immigration et de l'intégration n'étant pas, dans la présente instance, partie perdante, les conclusions présentées par la société BH Espaces Verts sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société BH Espaces Verts est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société BH Espaces Verts et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck,président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
F.Faïck
La greffière,
M.M- Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22653