Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... et Mme A... B..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le maire de Sorbs a implicitement rejeté leur demande du 17 novembre 2020 tendant à faire usage de pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales et du règlement sanitaire départemental de l'Hérault en vue de mettre un terme aux nuisances qu'ils estiment subir du fait de la présence d'un élevage porcin à proximité de leur propriété.
Par un jugement n° 2100846 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2022, la commune de Sorbs, représentée par Me Constans, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 novembre 2022 ;
2°) de rejeter la demande de M. et Mme D... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire a implicitement rejeté leur demande du 17 novembre 2020 tendant à faire usage de pouvoirs de police qu'il tient des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales et du règlement sanitaire départemental de l'Hérault en vue de mettre un terme aux nuisances qu'ils estiment subir du fait de la présence d'un élevage porcin à proximité de leur propriété ;
3°) de faire application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative en supprimant le passage des écritures de M. et Mme D... commençant par " 3 - Sur les fausses informations et les altérations de la vérité " et finissant par " 3° Soit dans le dessein de faciliter la commission d'un crime ou de procurer l'impunité à son auteur " ;
4°) de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance, que :
- c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tiré de la tardiveté de la demande alors que la décision en litige est purement confirmative de celle née le 22 mai 2018 devenue définitive à défaut d'avoir été contestée dans le délai raisonnable d'un an ;
Elle soutient, au fond, que :
- le jugement attaqué est entaché d'une dénaturation des faits et d'une erreur dans la qualification juridique des faits en ce qu'il a qualifié l'abri en litige de bâtiment renfermant des animaux et d'élevage porcin sur lisier ;
- les dispositions l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental ne trouvaient pas à s'appliquer dès lors, d'une part, que le local en litige ne constitue pas un bâtiment renfermant des animaux au sens de ces dispositions mais un simple abri et, d'autre part, qu'il s'agit d'un simple élevage familial et non d'un élevage porcin sur lisier en l'absence de système de caillebotis ou de fosse de récupération du lisier ;
- les articles 153-3 et 154-2 du règlement sanitaire départemental ne trouvaient pas à s'appliquer ; à supposer que l'abri en litige puisse être qualifié d'établissement d'élevage, les conditions d'exploitation sont normales ; en outre, il n'est pas démontré en quoi la présence de porcs à proximité du domicile des intimés, situé en milieu rural, serait constitutive à leur endroit d'une nuisance excessive d'une gravité telle que le maire aurait été tenu de faire usage de ses pouvoirs de police pour y remédier ;
- il ne saurait être reproché au maire une quelconque carence dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale qu'il tient de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales en l'absence de péril grave résultant d'une situation particulièrement dangereuse ou de nuisances ayant atteint un certain seuil de gravité justifiant qu'il fasse usage de ces pouvoirs ;
- la seule circonstance selon laquelle l'élevage porcin en litige a été déclaré à l'établissement de l'élevage (EDE) n'a pas pour effet de le faire regarder comme ayant le caractère d'un élevage professionnel au sens et pour l'application du règlement sanitaire départemental ; une telle déclaration étant obligatoire tant pour les éleveurs professionnels que pour les particuliers ;
- la présence d'ossements de porcs dans leur jardin, la distribution de carcasses de porcs en putréfaction à des poules et le déversement de sang de porc dans le lit de la rivière, dont se sont prévalus les intimés, ne sont pas établis, les deux photographies d'ossements produites par les intéressés étant dépourvues de valeur probante pour établir la gravité des nuisances dont ils s'estiment victimes ;
- le maire n'a pas fait preuve d'inaction pour résoudre ce conflit de voisinage dès lors qu'il a reçu à plusieurs reprises les intimés et leurs voisins, en présence du maire de la commune voisine et a recueilli l'avis des services de l'État ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que le passage dont il était demandé la suppression ne présentait pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire au sens de l'article L. 741 2 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, M. et Mme D..., représentés par Me Miralves-Boudet, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Sorbs au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande n'était pas tardive dès lors que la décision rejetant implicitement leur demande ne présente pas de caractère confirmatif et comporte un objet distinct en ce qu'elle tend à faire appliquer les dispositions du règlement sanitaire départemental ;
- les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée au préfet de l'Hérault, lequel n'a pas produit d'observations.
Un mémoire a été produit par la commune de Sorbs, le 1er février 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée, par une ordonnance du 24 novembre 2023, au 21 décembre 2023 à 12 heures.
Par un courrier du 10 septembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le tribunal a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur la demande des époux D... tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire de Sorbs a implicitement refusé de faire usage de ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances occasionnées par un élevage porcin situé à proximité de leur propriété dès lors que cet élevage a été déplacé dans une autre commune postérieurement à l'introduction de la demande.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi du 29 juillet 1881 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;
- les observations de Me Lalubie pour la commune de Sorbs.
Trois notes en délibéré , présentées pour M. et Mme D..., ont été enregistrées les 20 et 23 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 17 novembre 2020, reçu le 19 novembre suivant, M. et Mme D..., propriétaires d'une maison située à Sorbs (Hérault), ont demandé au maire de cette commune de faire usage des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales en faisant respecter les dispositions du règlement sanitaire départemental afin de faire cesser les nuisances résultant, selon eux, de l'exploitation, à proximité de leur propriété, d'un élevage porcin. Le silence gardé par le maire sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet dont M. et Mme D... ont demandé l'annulation au tribunal administratif de Montpellier. Par un jugement du 2 novembre 2022, dont la commune de Sorbs relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision par laquelle le maire a implicitement rejeté la demande de M. et Mme D....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, de la police municipale (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-2 dudit code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'État, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière : (...) - de salubrité (...) de tous les milieux de vie de l'homme ; (...) / - d'exercice d'activités non soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement ; / - d'évacuation, de traitement, d'élimination et d'utilisation des eaux usées et des déchets ; (...) ". L'article L. 1311-2 du même code dispose que : " Les décrets mentionnés à l'article L. 1311-1 peuvent être complétés par des arrêtés du représentant de l'État dans le département ou par des arrêtés du maire ayant pour objet d'édicter des dispositions particulières en vue d'assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune (...) ". En application de ces dispositions, le département de l'Hérault est doté d'un règlement sanitaire départemental qui impose, notamment, aux bâtiments abritant des animaux le respect de normes de salubrité et de distance d'implantation vis-à-vis des habitations.
4. En vue de faire disparaître, notamment, une cause d'insalubrité, il appartient au maire tant de faire respecter les dispositions du règlement sanitaire départemental que de prendre, en application de ses pouvoirs de police générale, les mesures rendues nécessaires par la situation à laquelle il s'agit de remédier.
5. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite opposé par le maire de Sorbs de faire usage de ses pouvoirs de police, à l'égard des propriétaires de l'élevage porcin situé à proximité de la maison d'habitation des époux D..., réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le maire de prendre une telle mesure. Il s'ensuit qu'une demande tendant à l'annulation du refus de ce maire d'exercer son pouvoir de police, et qui ne peut plus donner lieu à aucune mesure d'exécution de sa part, est devenue sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
6. Pour annuler la décision implicite de rejet opposée par le maire de Sorbs tendant à faire usage de ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances liées à l'implantation d'un élevage porcin à proximité de la maison d'habitation des époux D..., le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur la circonstance que le bâtiment abritant des porcs se situait à 40 mètres de leur habitation, en méconnaissance de la règle d'implantation prévue à l'article 153.4 du règlement sanitaire départemental de l'Hérault imposant une distance minimale de 100 mètres entre les élevages porcins à lisier et les immeubles habités. Le tribunal s'est également fondé sur la circonstance que cet établissement d'élevage ne respectait pas les prescriptions des articles 153.3 et 154.2 du même règlement en ce que l'absence d'enlèvement du lisier était à l'origine d'importantes nuisances olfactives et de la prolifération de mouches engendrant des nuisances excessives pour le voisinage.
7. Or, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'acte de cession des parts sociales du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) " Chèvre d'Altou ", et du courriel de la direction de la protection des populations du Gard du 31 mars 2023, que les exploitants agricoles dont la propriété jouxtait celle des époux D... ont cessé leur activité à la fin de l'année 2021. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier de l'attestation conjointement établie le 24 mars 2022 par les maires des communes de Sorbs et de Vissec, situées respectivement dans les départements de l'Hérault et du Gard, que l'élevage porcin à l'origine des nuisances dont M. et Mme D... se plaignaient a été déplacé, au plus tard fin 2021, sur le territoire de la commune limitrophe de Vissec, située dans le Gard. Il ressort, dès lors, des pièces de la procédure suivie tant devant le tribunal que devant la cour que le maire de Sorbs ne pouvait plus, à la date à laquelle le tribunal a statué, exercer ses pouvoirs de police afin de faire cesser les nuisances invoquées dès lors que, en cours d'instance, l'élevage en litige ne se trouvait plus sur le territoire de la commune de Sorbs et que son lieu d'implantation sur cette commune a été occupé par une autre exploitation appartenant au GAEC " Chèvre d'Altou ". Dans ces conditions, l'annulation de la décision implicite de refus en litige ne pouvait plus donner lieu à aucune mesure d'exécution de la part du maire de Sorbs. Par suite, les conclusions des époux D... tendant à l'annulation du refus implicite du maire étaient devenues sans objet et il n'y avait plus lieu d'y statuer, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui en a prononcé l'annulation. Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 novembre 2022 qui a statué sur cette demande, doit, dès lors, être annulé en tant qu'il a, aux articles 1er et 2 de son dispositif, annulé la décision implicite de rejet en litige et mis à la charge de la commune une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de la demande des époux D..., ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance, et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir soulevées devant le tribunal. Il y a également lieu pour la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les conclusions de la commune présentées sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Sur les conclusions tendant à la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires :
9. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, relative à la liberté de la presse, reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
10. Le passage figurant dans la requête des époux D... enregistrée le 17 février 2021 devant le tribunal qui commence par " 3 - Sur les fausses informations et les altérations de la vérité " et se termine par " 3° Soit dans le dessein de faciliter la commission d'un crime ou de procurer l'impunité à son auteur ", dont la suppression est demandée par la commune de Sorbs, excède par son contenu le droit à la libre discussion et présente un caractère injurieux et diffamatoire. Par suite, c'est à tort qu'à l'article 3 du dispositif de son jugement, le tribunal a rejeté les conclusions de la commune présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, il y a lieu de prononcer la suppression des passages incriminés et d'annuler en conséquence l'article 3 du jugement.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué doit être annulé.
Sur les frais liés au litige
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sorbs, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, la somme demandée par M. et Mme D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... la somme que demande la commune de Sorbs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 novembre 2022 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : Le passage de la requête de M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Montpellier du 17 février 2021 commençant par les mots " 3 - Sur les fausses informations et les altérations de la vérité " et se terminant par les mots " 3° Soit dans le dessein de faciliter la commission d'un crime ou de procurer l'impunité à son auteur " est supprimé.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Sorbs et de M. et Mme D... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sorbs, à M. C... D... et à Mme A... B... épouse D....
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22TL22617