Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Labège a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner solidairement M. B... C... et la société TPF Ingénierie à lui verser la somme de 447 021 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant l'église communale, actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 en vigueur au jour du jugement. Elle a également demandé à ce tribunal de condamner solidairement ces mêmes personnes à lui verser, d'une part, la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices esthétiques et de jouissance subis du fait de l'indisponibilité de l'église durant les travaux de reprise, et, d'autre part, la somme de 24 529, 20 euros au titre des frais d'expertise.
Par un jugement n° 1922780 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes, à qui la requête avait été attribuée par une ordonnance du président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2022, la commune de Labège, représentée par Me Serdan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 septembre 2022 ;
2°) de condamner solidairement M. C... et la société TPF Ingénierie à lui verser la somme de 385 990,74 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant l'église communale, actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 en vigueur au jour de l'arrêt ;
3°) de condamner solidairement ces mêmes personnes à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices esthétiques et de jouissance subis du fait de l'indisponibilité de l'église durant les travaux de reprise ;
4°) de condamner solidairement ces personnes au paiement des frais d'expertise pour un montant de 24 529,20 euros ;
5°) de mettre à la charge solidaire de ces personnes la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de la maîtrise d'œuvre pour manquement à son devoir de conseil doit être engagée ; si les maîtres d'œuvre avaient accompli leur mission en suivant les règles de l'art, ils auraient pu avoir connaissance des vices qui affectaient l'édifice et attirer son attention au moment des opérations de réception des travaux ;
- elle est en droit de prétendre à être indemnisée du coût des travaux de reprise des désordres, évalué par l'expert judicaire à la somme de 372 577,74 euros hors taxes sur la base de laquelle le taux de taxe sur la valeur ajoutée de 3,60 % doit être appliqué dès lors qu'elle ne récupèrera que partiellement la taxe auprès du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- elle doit être indemnisée du préjudice de jouissance correspondant à la durée des travaux de 24 mois environ et du préjudice esthétique supporté par l'église communale.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 février 2023 et le 2 avril 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. C..., représenté par Me Gendre, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à la condamnation de la société TPF Ingénierie venant aux droits de la société Beterem Ingénierie, de la société CGEM et de la société Mendes da Silva à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Labège la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- sa responsabilité pour manquement au devoir de conseil du maître de l'ouvrage ne peut être engagée dès lors que le désordre n'était pas visible lors de la réception des travaux et n'a pas été porté à sa connaissance durant le chantier ; l'entreprise CGEM en charge du gros-œuvre et son sous-traitant, l'entreprise Mendes Da Silva, n'ont pas relevé de problèmes d'humidité et ne l'ont pas alerté sur cette problématique ;
- aucun manquement en lien direct avec les désordres ne peut lui être imputé ; sa mission ne comprenait pas la réalisation d'un diagnostic technique sur l'humidité structurelle du bâtiment et il n'a commis aucun manquement dans l'exécution de sa mission DIAG ;
- à titre subsidiaire, si sa responsabilité contractuelle était engagée, il devrait être garantie des condamnations prononcées à son encontre par les entreprises CGEM et Mendes Da Silva, et par son cotraitant, la société TPF Ingénierie venant aux droits de Beterem ;
- seule la société Beterem, son cotraitant, avait en charge la maîtrise d'œuvre du lot gros œuvre plâtrerie ;
- la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas applicable aux travaux de reprise dès lors que la commune appelante ne démontre pas ne pas être en mesure de la récupérer sur les dépenses de travaux ;
- il ne peut supporter le coût des travaux de reprise préconisés par l'expert dès lors qu'ils aboutissent à une amélioration de l'ouvrage ;
- la commune appelante ne justifie pas de son préjudice de jouissance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2023, la société TPF Ingénierie, représentée par Me Bardon, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que les sociétés CGEM, Mendes Da Silva et M. C... soient condamnés solidairement à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de la commune appelante, ou de tout succombant, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la responsabilité du maître d'œuvre pour manquement à son devoir de conseil lors des opérations de réception ne peut être engagée dès lors que les défauts de conception allégués en phase DIAG sont distincts de la mission incombant à la maîtrise d'œuvre lors de la réception et pour laquelle la responsabilité du groupement de maîtrise d'œuvre est recherchée ; de plus, les éventuels manquements en phase de conception ou de diagnostic ne résultent pas d'une méconnaissance d'une norme ou des règles de l'art mais d'erreurs ou d'omissions qui rélèvent d'un vice de conception ;
- à titre subsidiaire, si sa responsabilité contractuelle était engagée, elle devrait être garantie des condamnations prononcées à son encontre par les entreprises CGEM et Mendes Da Silva et par son cotraitant, M. C... ;
- seul M. C..., son cotraitant, avait en charge la mission diagnostic complète ;
- la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas applicable aux travaux de reprise ;
- elle ne peut supporter le coût des travaux de reprise préconisés par l'expert dès lors qu'ils aboutissent à une amélioration de l'ouvrage ;
- la commune appelante ne justifie pas de son préjudice de jouissance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2024, la société Mendes Da Silva, représentée par Me Lange, doit être regardée comme concluant :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) au rejet des appels en garantie de M. C... et de la société TPF Ingénierie ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de tout succombant la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- sa responsabilité ne peut être engagée et elle doit être mise hors de cause dès lors que l'origine et la principale cause des désordres sont le défaut de diagnostic sur l'état et l'humidité du bâtiment imputable à la maîtrise d'œuvre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2024, la société CGEM, représentée par Me Chevrel Barbier, doit être regardée comme concluant :
1°) à titre principal, au rejet des appels en garantie de la société TPF Ingénierie et de M. C... ;
2°) à titre subsidiaire, si sa responsabilité devait être engagée, à la limitation de sa condamnation à la somme de 298 014,19 euros au titre des travaux de reprise ;
3°) à ce que la commune de Labège soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge de toute partie succombante la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- dès lors que la responsabilité de la maîtrise d'œuvre est engagée pour manquement à son devoir de conseil, la maîtrise d'œuvre ne peut l'appeler en garantie en qualité de constructeur ;
- à titre superfétatoire, sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'aucune faute ne peut lui être imputée, les désordres relevant, selon l'expert judiciaire, de la phase de conception incombant au maître d'œuvre ;
- à titre subsidiaire, les travaux de reprise, préconisés par l'expert, doivent faire l'objet d'un abattement pour vétusté de 20 % ;
- la commune appelante, qui n'a pas la jouissance de l'édifice religieux, n'est pas en droit de réclamer une indemnité au titre du préjudice de jouissance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Serdan, représentant la commune de Labège, celles de Me Bardon représentant la société TPF Ingénierie et celles de Me Lonjou, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement signé le 29 août 2005, la commune de Labège (Haute-Garonne) a confié au groupement de maîtrise d'œuvre composé de M. B... C..., architecte, et de la société Beterem ingénierie, aux droits de laquelle vient la société TPF Ingénierie, la conception et le suivi de l'opération de rénovation de son église construite au 19ième siècle, située au cœur de son centre historique. Les travaux ont été scindés en trois lots. Le lot n°2 " gros œuvre plâtrerie " a été confié à la société CGEM pour un montant de 541 305 euros hors taxes. Le lot n°3 " peinture " a été attribué à la société EGP Albin Pivato pour un montant de 71 543 euros hors taxes. La réception des travaux est intervenue sans réserve le 27 septembre 2010. Quelques années après la réception de l'ouvrage, la commune a constaté l'apparition d'un phénomène de cloques et de décollements de la peinture sur les murs intérieurs de l'église. Constatant une humidité excessive dans l'édifice, la commune a fait procéder à un traitement ponctuel d'assèchement en 2014, sans résultat probant. Le 18 décembre 2014, la commune a fait constater les désordres affectant l'église par voie d'huissier et, parallèlement, a fait procéder à une analyse de la peinture décollée par un laboratoire spécialisé, le CEBTP. Par une requête enregistrée le 22 juin 2016, la commune a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, qui, par une ordonnance du 28 septembre 2016, a désigné un expert chargé de décrire les désordres, d'en déterminer l'origine et de définir les travaux de réparation ainsi que leur coût. L'expert a déposé son rapport le 25 septembre 2018. La commune de Labège relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande de condamnation solidaire de M. C... et de la société TPF Ingénierie à lui verser la somme de 447 021 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant l'église communale et la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices esthétiques et de jouissance subis.
Sur la responsabilité du maître d'œuvre au titre de son devoir de conseil :
2. Si la réception sans réserve met fin à la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre quant à la conception et à la réalisation de l'ouvrage, elle ne met cependant pas fin à la responsabilité que le maître d'œuvre assume vis-à-vis du maître de l'ouvrage à raison d'un manquement à son devoir de conseil, même lorsque ce manquement porte sur un vice de conception de l'ouvrage.
3. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance s'ils avaient accompli leur mission selon les règles de l'art, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'œuvre en avait eu connaissance en cours de chantier. Ce devoir de conseil implique que le maître d'œuvre signale au maître d'ouvrage toute non-conformité de l'ouvrage aux stipulations contractuelles, aux règles de l'art et aux normes qui lui sont applicables, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'ouvrage.
4. Il résulte du rapport d'expertise du 25 septembre 2018 que les murs intérieurs de l'église et des chapelles sont affectés de décollements de peinture, de dégradations superficielles de certains plâtres, de décollements de " toile de type Reno ", et qu'ils présentent en outre des surfaces importantes de peinture écaillée ainsi que des écaillements et divers décollements au niveau des plafonds. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que ces désordres n'ont pas été décelés en raison de l'insuffisance du diagnostic préalable sur l'état et l'humidité du bâtiment dont la maîtrise d'œuvre était chargée. S'agissant d'une opération de rénovation d'un tel édifice, une méthodologie aurait dû être mise en œuvre afin de mieux connaître la structure des constructions examinées et les causes des désordres susceptibles de les affecter, tels que l'humidité qu'une église, ancienne de surcroît, est susceptible de présenter. Or il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'étude et le traitement de l'humidité structurelle, qui constitue un élément capital de la méthodologie propre au diagnostic préalable, ont été négligés par l'architecte et son bureau d'étude. Cette négligence a eu pour effet que, lors de la phase de conception du marché, aucun lot d'assèchement des murs n'a été prévu dans l'appel d'offres.
5. Il résulte ainsi de l'instruction que le caractère incomplet de la méthodologie mise en en œuvre par la maîtrise d'œuvre est à l'origine d'un vice initial dans la conception du marché dont le maître d'œuvre aurait pu avoir connaissance s'il avait respecté les règles de l'art de sa profession. Si M. C... soutient que la mission concernant le diagnostic de l'édifice ne comprenait pas l'investigation technique du bâtiment, il n'apporte cependant aucun élément de nature à démontrer que les règles de l'art ne lui imposaient pas de suivre la méthodologie décrite par l'expert qui aurait permis d'identifier les graves désordres d'humidité affectant l'église alors que le marché conclu par la commune avait précisément pour objet de restaurer et de rénover celle-ci. Dans ces conditions, en n'effectuant pas un diagnostic de l'humidité affectant l'église communale qui s'imposait au stade des opérations préalables à la conception des travaux de rénovation de ce bâtiment ancien, la maîtrise d'œuvre n'a pas accompli sa mission dans le respect des règles de l'art dont elle aurait dû avoir connaissance. Ce manquement a eu pour conséquence que les entrepreneurs sont intervenus sans connaître la problématique posée par l'importante humidité affectant les structures anciennes de l'ouvrage, laquelle aurait pu être traitée, comme le relève l'expert, en prévoyant un lot supplémentaire dédié à l'assèchement des murs de l'édifice. Ainsi, la commune a disposé d'un ouvrage atteint d'importants désordres dus à l'humidité alors que les marchés qu'elle avait conclus avait précisément pour objet de restaurer et de rénover cet édifice. Par ailleurs, l'acte d'engagement du marché de maîtrise d'œuvre ne comportant pas de répartition détaillée des prestations à exécuter par chacun des membres du groupement, mais seulement une répartition des honoraires, il s'ensuit que chaque membre du groupement est responsable envers le maître d'ouvrage de l'exécution des prestations contractuelles du marché de maîtrise d'œuvre. Dès lors, la commune de Labège est fondée à rechercher la responsabilité in solidum pour manquement à leur devoir de conseil de M. C... et de la société TPF Ingénierie, membres du groupement de maîtrise d'œuvre.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Labège est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande indemnitaire au motif que la maîtrise d'œuvre n'avait pas manqué à son devoir de conseil.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les travaux de reprise des désordres :
7. Il résulte du rapport d'expertise que pour remédier aux désordres affectant l'église communale, des travaux extérieurs de drainage des façades et de réfection des enduits, tant sur les façades extérieures que sur les murs intérieurs, sont nécessaires. L'expert estime à 372 517,74 euros hors taxes le coût des travaux de remise en état de l'édifice. Si M. C... et la société TPF Ingénierie font valoir que les travaux préconisés, et notamment la réalisation d'un drainage extérieur, constitueraient des travaux d'amélioration de l'ouvrage devant rester à la charge du maître de l'ouvrage, ils n'apportent cependant aucun élément de nature à démontrer que ces travaux ne seraient pas strictement nécessaires pour remédier aux désordres de l'ouvrage afin de permettre à la commune de disposer d'un édifice conforme aux prévisions contractuelles d'origine et aux règles de l'art. Dès lors, le préjudice matériel subi par la commune, et constitué par le coût des travaux de reprise, doit être évalué à la somme de 372 517,74 euros hors taxes.
En ce qui concerne les préjudices de jouissance et esthétique :
8. Si la commune de Labège allègue subir un préjudice esthétique et de jouissance, elle ne fait état d'aucune circonstances particulières, telles que l'organisation au sein de l'église de manifestations culturelles, ni de ce que l'église constituerait une attraction touristique, de nature à établir la réalité des préjudices ainsi allégués qu'elle évalue à 50 000 euros sans non plus justifier ce montant. Dans ces conditions, et alors que l'édifice est mis à la disposition des fidèles pour l'exercice du culte et non utilisé directement par la commune, celle-ci n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre des préjudices invoqués.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... et la société TPF Ingénierie doivent être condamnés in solidum à verser à la commune de Labège la somme de 372 517,74 euros hors taxes.
En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :
10. Aux termes du I de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales : " Les attributions ouvertes chaque année par la loi à partir des ressources du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des collectivités territoriales visent à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses d'investissement ainsi que sur leurs dépenses pour : / 1° L'entretien des bâtiments publics et de la voirie ; / (...) ".
11. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations.
12. Si, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée vise à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales notamment sur leurs dépenses d'investissement, il ne modifie pas le régime fiscal des opérations de ces collectivités. Ainsi, ces dernières dispositions ne font pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection d'un immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à une collectivité territoriale, maître d'ouvrage, alors même que celle-ci peut bénéficier de sommes issues de ce fonds pour cette catégorie de dépenses.
13. Il appartient toutefois à la victime, à laquelle incombe la charge d'apporter tous les éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, d'établir, le cas échéant, à la date d'évaluation de ce préjudice, qu'elle n'est pas susceptible de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe.
14. Si la commune de Labège allègue récupérer par l'intermédiaire du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des collectivités territoriales une partie seulement de la taxe assise sur les dépenses de travaux, cette seule affirmation, contestée en défense, ne permet cependant pas de déterminer le régime fiscal applicable aux opérations de reprise des travaux en litige. Dès lors que la commune n'apporte aucun élément propre à établir qu'elle n'est pas susceptible de déduire ou de se faire rembourser la taxe sur la valeur ajoutée, le montant du préjudice dont elle est fondée à demander la réparation aux maîtres d'œuvre à raison des désordres affectant l'église communale correspond aux frais qu'elle doit engager pour les travaux de repise des désordres, diminué de la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, les condamnations mises à la charge des maîtres d'œuvre doivent être prononcées hors taxes.
En ce qui concerne l'application d'un coefficient de revalorisation au prix des travaux de réparation :
15. Si la commune de Labège demande l'indexation des sommes allouées sur l'indice BT01 du coût de la construction, l'évaluation des dommages subis doit être faite à la date à laquelle, leur cause ayant été déterminée et leur étendue prévisible étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à y remédier et à les réparer. En l'espèce, cette date est celle du 25 septembre 2018, à laquelle l'expert a déposé son rapport, lequel définit avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires. La commune ne justifie ni même n'allègue s'être trouvée dans l'impossibilité technique ou financière de faire effectuer les travaux à cette période. Sa demande d'actualisation ne peut donc être accueillie.
Sur les conclusions d'appels en garantie :
16. Un constructeur dont la responsabilité est recherchée par un maître d'ouvrage n'est fondé à demander à être garanti par un autre constructeur que si et dans la mesure où les condamnations qu'il supporte correspondent à un dommage imputable à ce constructeur. Au cas d'espèce, la présente décision ayant retenu la responsabilité de M. C... et de la société TPF Ingénierie à raison d'un manquement au devoir de conseil qui leur incombait en leur qualité de maîtres d'œuvre, ces derniers ne sont pas fondés à appeler en garantie les sociétés CGEM et Mendes Da Silva, qui ont exécuté les travaux.
17. M. C... de l'atelier A et A Architectes et la société Beterem Ingénierie étaient, ainsi qu'il a été dit, titulaires du marché de maîtrise d'œuvre. Le marché de maîtrise d'œuvre, s'il ne prévoyait pas une répartition des tâches, précisait néanmoins que les honoraires correspondant aux missions diagnostic et assistance aux opérations de réception seraient répartis à hauteur de 65 % pour le premier et de 35 % pour la seconde. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en condamnant, d'une part, M. C... à garantir la société TPF Ingénierie, venant aux droits de Beterem Ingénierie, à hauteur de 65 % de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci et, d'autre part, la société TPF Ingénierie à garantir M. C... à hauteur de 35 % de la condamnation prononcée à l'encontre de celui-ci.
Sur les frais d'expertise :
18. Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 24 523,20 euros toutes taxes comprises par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse en date du 3 octobre 2018 sont mis à la charge définitive de M. C... à hauteur de 65 % et de la société TPF Ingénierie à hauteur de 35%, parties perdantes à l'instance.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune appelante qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. C... et par la société TPF Ingénierie.
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... et de la société TPF Ingénierie, chacun, une somme de 750 euros à verser à la commune de Labège et une somme de 500 euros à verser tant à la société CGEM qu'à la société Mendes Da Silva au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 septembre 2022 est annulé.
Article 2 : M. C... et la société TPF Ingénierie sont condamnés in solidum à verser à la commune de Labège la somme de 372 517,74 euros hors taxes.
Articler 3 : M. C... garantira la société TPF Ingénierie de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 65 %.
Article 4 : La société TPF Ingénierie garantira M. C... de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 35 %.
Article 5 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 24 523,20 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge définitive de M. C... à hauteur de 65 % et de la société TPF Ingénierie à hauteur de 35%.
Article 6 : M. C... et la société TPF Ingénierie verseront chacun une somme de 750 euros à la commune de Labège et une somme de 500 euros tant à la société CGEM qu'à la société Mendes Da Silva sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Labège, à M. B... C..., à la société par actions simplifiée TPF Ingénierie, à la société à responsabilité limitée Mendes Da Silva et à la société par actions simplifiée CGEM.
Copie pour information en sera délivrée à M. A..., expert.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22406