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24/09/2024 | FRANCE | N°22TL21554

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 24 septembre 2024, 22TL21554


Vu les procédures suivantes :



Procédures contentieuses antérieures :



Sous le n°2005621, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel le maire de Montarnaud l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de trois mois, d'enjoindre à ce maire de le réintégrer dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction du service, et de procéder à la reconstitution et à la régularisation de sa carrière du 12 octobre 2020 jusqu'à la date de sa réintégration et de mettre à la charg

e de la commune de Montarnaud une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du cod...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

Sous le n°2005621, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel le maire de Montarnaud l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de trois mois, d'enjoindre à ce maire de le réintégrer dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction du service, et de procéder à la reconstitution et à la régularisation de sa carrière du 12 octobre 2020 jusqu'à la date de sa réintégration et de mettre à la charge de la commune de Montarnaud une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sous le n°2100553, M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le maire de Montarnaud a prolongé sa suspension pour une durée d'un mois, à compter du 12 janvier 2021, d'enjoindre à ce maire de le réintégrer dans l'emploi qu'il occupait avant son éviction du service, et de procéder à la reconstitution et à la régularisation de sa carrière du 12 octobre 2020 jusqu'à la date de sa réintégration et de mettre à la charge de la commune de Montarnaud une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°s 2005621-2100553 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés du maire de Montarnaud des 12 octobre 2020 et 11 décembre 2020 et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2022, et un mémoire en réplique, enregistré le 22 mars 2023, la commune de Montarnaud, représentée par Me Passet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 2005621-2100553 du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la fin de non-recevoir tirée du défaut d'habilitation du maire pour représenter la commune doit être écartée ;

- le jugement est mal fondé et entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il considère les faits comme ne présentant pas un caractère suffisant de gravité ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les éléments postérieurs au 12 octobre 2020 ne sauraient être invoqués pour justifier l'arrêté querellé ;

- M. C... a tenu des propos déplacés et injurieux à l'encontre de M. A... avec lequel il devait travailler pour la mise en place du projet " Montarnaud au quotidien " ; il a, depuis sa réintégration, critiqué son affectation et les choix de la commune, notamment concernant le projet " Montarnaud au quotidien " ; le maire était suffisamment informé sur la gravité du comportement de M. C... pour décider de le suspendre de ses fonctions ; M. C... n'a pas respecté les consignes données, en refusant les missions qui lui ont été dévolues ; il n'a jamais mis ses compétences professionnelles au service de la collectivité depuis sa reprise et a adopté une posture hostile ; la gravité de la faute résulte de la répétition des manquements de M. C... ; le contexte dans lequel est survenue la mesure de suspension démontre aisément la gravité de la faute ; l'intéressé n'a pas tiré profit du changement de municipalité pour que sa réintégration se déroule sans difficultés ; au contraire, il n'a cessé de contester son affectation au motif qu'il considérait M. A... incompétent, a été incapable d'effectuer ses missions et a fait montre d'un comportement hostile et agressif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2022, M. C..., représenté par la SCP BCEP Avocats Associés agissant par Me Callens, conclut, à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable, à titre subsidiaire, au rejet de la requête comme infondée, à titre plus subsidiaire encore, à l'annulation des arrêtés du maire de Montarnaud et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Montarnaud au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, faute d'habilitation du maire pour représenter la commune à l'instance ;

- à titre subsidiaire, elle est infondée ;

- ni les faits relevés, ni leur contexte, alors que le travail en commun avec M. A... n'a duré que quelques jours, ne sauraient justifier une mesure de suspension ; les conditions de sa réintégration, non conformes à son état de santé, ont pu influencer son comportement.

Par ordonnance du 22 mars 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 17 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, président assesseur,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Passet, représentant la commune de Montarnaud.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., technicien principal de 2ème classe de la commune de Montarnaud (Hérault), exerçait ses fonctions dans le domaine informatique. Par un arrêté du 3 juin 2019, le maire de Montarnaud a prononcé à l'encontre de M. C... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans, dont une année avec sursis, à compter du 1er mai 2019. Par un jugement n° 1903335 du 29 janvier 2021, confirmé par un arrêt de la présente cour n°21TL01266 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté mais seulement en tant qu'il fixait une date de prise d'effet de la sanction antérieure au 7 juin 2019. M. C... a été réintégré dans les effectifs communaux le 1er mai 2020. Placé en autorisation spéciale d'absence en raison de la pandémie de covid 19, puis en congé de maladie ordinaire du 19 juin au 15 septembre 2020, il a repris ses fonctions le 16 septembre 2020 et a été affecté à la mise en œuvre du projet d'application numérique " Montarnaud au quotidien ", aux côtés d'un autre agent, désigné chef de projet. Par un arrêté du 12 octobre 2020, le maire de Montarnaud a suspendu M. C... de ses fonctions pour une durée de trois mois à la suite d'une altercation survenue avec son collègue chef de projet et, par un arrêté du 11 décembre 2020, il a prolongé cette suspension pour une durée d'un mois, à compter du 12 janvier 2021. La commune de Montarnaud relève appel du jugement du 13 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur la fin de non-recevoir :

2. La commune de Montarnaud a produit une délibération du 8 juin 2020 par laquelle le conseil municipal a délégué à son maire la compétence d'intenter au nom de la commune des actions en justice dans les cas définis par le conseil municipal ainsi qu'une délibération du 5 décembre 2022 déléguant au maire cette même compétence devant toute juridiction et quel que soit le montant du litige. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'habilitation du maire pour représenter la commune à l'instance ne saurait être accueillie.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. / Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. S'il fait l'objet de poursuites pénales et que les mesures décidées par l'autorité judicaire ou l'intérêt du service n'y font pas obstacle, il est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai. Lorsque, sur décision motivée, il n'est pas rétabli dans ses fonctions, il peut être affecté provisoirement par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sous réserve de l'intérêt du service, dans un emploi compatible avec les obligations du contrôle judiciaire auquel il est, le cas échéant, soumis. A défaut, il peut être détaché d'office, à titre provisoire, dans un autre corps ou cadre d'emplois pour occuper un emploi compatible avec de telles obligations. L'affectation provisoire ou le détachement provisoire prend fin lorsque la situation du fonctionnaire est définitivement réglée par l'administration ou lorsque l'évolution des poursuites pénales rend impossible sa prolongation. / (...) ".

4. La mesure de suspension prévue par ces dispositions est une mesure à caractère conservatoire, prise dans le souci de préserver l'intérêt du service, qui peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité. Eu égard à la nature de l'acte de suspension et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition de légalité tenant au caractère vraisemblable des faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C..., affecté à compter du 16 septembre 2020 sur une mission consistant à mettre en œuvre un projet d'application dénommé " Montarnaud au quotidien " a eu, le 7 octobre 2020, une vive altercation avec M. A... son chef de projet et qu'il a, à cette occasion, tenu des propos déplacés et injurieux à son égard. Il ressort également des pièces du dossier que ce comportement agressif n'était pas isolé et s'inscrivait dans un contexte de difficultés quotidiennes de travail, marqué par des remarques négatives ou désobligeantes récurrentes et des propos critiques dévalorisants adressés à M. A... ainsi que par une attitude très passive de M. C... dans l'exercice de ses fonctions, manifestant son refus de mettre ses compétences au service de la mission commune confiée. Il ressort également des pièces du dossier qu'alertée par l'adjointe au maire à la culture qui avait relevé l'état de malaise évident et l'abattement de la victime, la directrice générale des services a reçu M. A... en entretien le 9 octobre 2020 et qu'au regard des faits exposés par ce dernier, elle a conclu à une agression verbale et proposé au maire une mesure conservatoire. Il ressort enfin de l'attestation produite en appel de l'adjoint au maire chargé notamment des ressources humaines qu'il a également reçu M. A... le 9 octobre 2020 et que ce dernier a alors exprimé sa crainte d'une agression physique, au regard de la " colère rentrée " de M. C... qu'il avait ressentie et sa peur de travailler à l'avenir à son contact et que cet adjoint a rapporté ces éléments au maire le même jour afin qu'une décision soit prise pour éviter toute nouvelle altercation. Ainsi, au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision et au regard de l'intérêt d'assurer le bon fonctionnement des services communaux, les faits précédemment exposés imputables à l'intéressé, lequel n'établit pas que les conditions de sa réintégration auraient méconnu les préconisations du médecin de prévention, présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité de nature à justifier la mesure conservatoire de suspension de fonctions prise à son encontre d'une durée de trois mois et son renouvellement pour un mois. Par suite, la commune de Montarnaud est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les faits reprochés à l'agent ne présentaient pas un caractère de gravité tel qu'ils nécessitaient que M. C... soit déchargé immédiatement de ses fonctions pendant trois mois.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Montpellier.

7. Il résulte de ce qui a été exposé au point 5 que les moyens tirés de ce que les arrêtés litigieux seraient entachés d'inexactitude matérielle et d'erreur de qualification juridique des faits, de ce que les faits reprochés seraient dépourvus de caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et de ce que les conditions de sa réintégration ne seraient pas conformes à son état de santé ne peuvent qu'être écartés.

8. Il résulte également de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'arrêté du 12 octobre 2020 à l'encontre de l'arrêté du 11 décembre 2020, ni à soutenir qu'il n'était pas nécessaire de prolonger sa suspension de fonctions au motif que la première mesure de suspension n'était, elle-même, pas nécessaire.

9. Il n'est enfin pas établi que l'arrêté du 11 décembre 2020 portant suspension de fonctions de l'intéressé pour une durée d'un mois serait entaché d'un détournement de pouvoir.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Montarnaud est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés susvisés du maire de Montarnaud. Les conclusions à fin d'annulation présentées à l'instance par M. C... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montarnaud, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

12. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Montarnaud et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°s 2005621-2100553 du 13 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Les demandes d'annulation présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Montpellier et les conclusions de ce dernier à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées de même que ses conclusions d'appel à fin d'annulation des arrêtés contestés.

Article 3 : M. C... versera une somme de 1 000 euros à la commune de Montarnaud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié M. B... C... et à la commune de Montarnaud.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

M. Teulière, président assesseur,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22TL21554 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21554
Date de la décision : 24/09/2024

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Suspension.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : B.C.E.P.

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-24;22tl21554 ?
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