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19/09/2024 | FRANCE | N°23TL02135

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 23TL02135


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2105019 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :





Par une requête, enregistrée le 21 août 2023, M. A..., représenté par Me Barbot-Lafitte, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105019 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2023, M. A..., représenté par Me Barbot-Lafitte, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 juillet 2021 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus d'admission au séjour :

-le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen sérieux et approfondi de sa situation individuelle ;

-la décision querellée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 5° de l'article 6 de de l'accord franco-algérien, eu égard, d'une part, à la présence en France de sa fille, qui souffre d'un handicap, de la mère de celle-ci qui est en situation régulière, et de sa famille proche et, d'autre part, de l'impossibilité pour lui de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine ;

-le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, dès lors qu'il produit une promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée dans le domaine de la boucherie, identifié comme un secteur " en tension " ;

-en raison de la durée de son séjour et de la présence de sa famille en France, l'arrêté attaqué contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant obligation de quitter français :

-l'arrêté litigieux est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

-la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en contradiction avec l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard de la présence en France de sa fille et d'une partie de sa fratrie ;

Sur la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

-la décision est illégale car prise sur le fondement d'une décision portant obligation de quitter le territoire français elle-même entachée d'illégalité ;

-elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de circonstances exceptionnelles de nature à lui octroyer un délai supplémentaire, tenant notamment à la présence de sa fille dont il s'occupe continuellement ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

-la décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter sur le territoire ;

- il ne possède pas le centre de ses intérêts en Algérie et sa famille nucléaire ne sera pas en mesure de le suivre dans son pays d'origine, de sorte que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 8 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision 19 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 30 novembre 1981 à El-Malah (Algérie) et de nationalité algérienne, a sollicité le 14 août 2020 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 23 juillet 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. A... fait appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne de la décision portant refus d'admission au séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux, qui rappelle de manière détaillée les conditions d'entrée et de séjour de M. A... et les motifs pour lesquels un titre de séjour ne peut lui être délivré en application des stipulations du 5° de l'article 6 et du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, comporte un énoncé suffisamment précis des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Les motifs de l'arrêté attaqué mentionnent notamment que l'intéressé n'établit pas la continuité de sa présence en France, en particulier entre 2014 et 2017, et qu'il ne justifie pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie privée et familiale dans son pays d'origine. En outre, la décision contestée énonce que M. A... ne détient pas de visa de long séjour ni de contrat visé par les services compétents pour pouvoir prétendre à un titre de séjour en qualité de salarié. Ainsi, la motivation de l'arrêté, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments invoqués à l'appui de la demande de titre de séjour, révèle que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. A....

3. En deuxième lieu, l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié stipule que : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a séjourné régulièrement en France après son mariage le 7 février 2014 avec une personne de nationalité française dont il a divorcé par la suite. S'il fait état d'une ancienneté de séjour en France pour être rentré d'abord en France en 2010 puis être revenu en 2015 après son mariage, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet, par un arrêté du 21 janvier 2019, d'une décision prise par le préfet de la Haute-Garonne portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. A l'appui de sa demande tendant à obtenir son admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale, l'appelant se prévaut d'une relation avec une compatriote titulaire d'un certificat de résidence valable jusqu'en mars 2028 et de la naissance de leur fille le 4 mars 2020, dont l'état de santé nécessiterait sa présence en France. Toutefois, si les pièces produites établissent la prise en charge dont bénéficie l'enfant de M. A... en France, il ressort des pièces du dossier que M. A... vit séparé de la mère de son enfant. Si l'appelant établit par des photographies et des factures d'achats de vêtements qu'il entretient des liens avec sa fille, cette seule circonstance ne suffit pas, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé, lequel n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement, à démontrer qu'en refusant son admission au séjour en France, l'arrêté en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par ailleurs, la seule production d'une promesse d'embauche du 9 février 2021 pour un poste de boucher ne suffit pas à caractériser une intégration socio-professionnelle particulière. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

5. En dernier lieu, l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié stipule que : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord / (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) ". En outre, l'article 9 de ce même accord stipule que : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. (...) ".

6. M. A... fait valoir qu'il a obtenu une promesse d'embauche pour occuper un poste de boucher dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et que les secteurs de la charcuterie et des traiteurs sont catégorisés comme des secteurs en tension par l'arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est pas titulaire du visa de long séjour exigé par les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-algérien. Il ne justifie pas davantage d'un contrat de travail visé par l'administration du ministère chargé de l'emploi, contrairement à ce qui est exigé par les stipulations du b) de l'article 7 du même accord. Enfin, il ne justifie pas d'une compétence ou d'une expérience professionnelle particulière pour l'emploi de boucher. Par suite, c'est sans méconnaître le b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien que le préfet a refusé l'admission au séjour de l'intéressé. Pour les mêmes motifs, le refus de séjour en litige ne peut être regardé comme étant entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation professionnelle de l'appelant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige, ni des termes de la décision contestée que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'appelant.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance par la mesure d'éloignement contestée de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

9. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée de l'illégalité alléguée, le moyen tiré de ce que la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

11. L'appelant soutient qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé eu égard à la présence en France de sa fille. Cependant, cette circonstance n'est pas de nature, au sens des dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à justifier une telle prolongation. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai supérieur à trente jours.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée de l'illégalité alléguée, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

13. En second lieu, en se bornant à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'appelant n'apporte aucune précision ni aucune justification permettant à la cour d'apprécier la portée et le bien-fondé d'un tel moyen.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Barbot-Lafitte et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le président-rapporteur,

D. ChabertLe président-assesseur,

T. Teulière

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02135
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : BARBOT - LAFITTE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;23tl02135 ?
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