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19/09/2024 | FRANCE | N°23TL02087

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 23TL02087


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour portant placement en rétention administrative.



Par un jugement n° 2302599 du 13 juillet 2023, le magistrat

désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision portant interdiction d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour portant placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 2302599 du 13 juillet 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 août 2023 et le 22 avril 2024, M. C..., représenté par Me Bourgeon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2023 du préfet des Alpes-Maritimes portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de procéder au réexamen de sa situation en matière de droit au séjour dans un délai de quinze jours et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter sans délai le territoire français repose sur une motivation stéréotypée et erronée ;

-le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle en méconnaissance des articles 28 et 30 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;

- la mesure d'éloignement prononcée à son encontre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

-le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en retenant l'existence d'un risque de fuite pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire, dès lors qu'il dispose d'un passeport en cours de validité, qu'il n'a jamais fait l'objet auparavant d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il justifie d'une résidence effective ;

-au regard de l'ancienneté de son séjour en France et de ses attaches personnelles et familiales, la décision attaquée porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'a pas été tenu compte de l'intérêt supérieur de sa fille en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- en outre, l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'a pas statué sur la demande de titre de séjour qu'il a présentée avant de prendre la mesure d'éloignement en litige.

La requête a été communiquée le 30 octobre 2023 au préfet des Alpes-Maritimes, lequel n'a pas produit d'observation.

Par une ordonnance en date du 8 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 juillet 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a obligé M. C..., né le 12 janvier 1986 à Santiago (Cap Vert) et de nationalité Capverdienne, à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner en France pendant une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, la même autorité administrative a assigné à résidence l'intéressé. Par la présente requête, M. C... fait appel du jugement du 8 avril 2024 du tribunal administratif de Nîmes en ce qu'il a rejeté ses conclusions visant à obtenir l'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire ainsi que ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté mentionne les textes dont il a été fait application, en particulier la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention relative aux droits de l'enfant et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé. Par ailleurs, il comporte également les motifs de fait, non stéréotypés, qui constituent le fondement de la décision, rappelant que M. C... est entré irrégulièrement en France et ne démontre pas être en possession des documents ou visas exigés à l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il énonce que l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et que, s'il déclare avoir un enfant, il n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de celui-ci. Si M. C... relève que le préfet a mentionné à tort qu'il était dépourvu d'attaches personnelles et familiales en France, cette erreur de fait, à la supposer avérée, n'a pas pour conséquence de faire regarder la décision comme étant insuffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, les motifs de l'arrêté en litige, tels que mentionnés au point précédent, démontrent que le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'appelant, tant pour l'obliger à quitter le territoire français et que pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, et alors que M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 28 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 qui ont été transposées en droit interne par la loi susvisée du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, le moyen tiré du défaut d'examen particulier ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que lors de son interpellation par les services de police le 10 juillet 2023, M. C... n'a pas été en mesure d'établir être entré régulièrement en France et ne bénéficiait d'aucun titre de séjour en cours de validité. S'il soutient qu'il a présenté des demandes d'admission au séjour sur lesquelles le préfet n'a pas statué, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que soit prononcée à son encontre une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le représentant de l'Etat à n'avoir pas statué sur sa demande de titre de séjour avant de prendre à son encontre la mesure d'éloignement en litige ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

8. M. C... se prévaut d'une ancienneté de séjour en France depuis 2006 et de la présence sur le territoire national de plusieurs membres de sa famille. Il précise également être le père d'une enfant née le 22 février 2015 de sa liaison avec Mme A... D..., ressortissante capverdienne titulaire d'une carte de séjour " vie privée et familiale " valable jusqu'au 10 juin 2025. Toutefois et d'une part, l'ancienneté et la continuité de son séjour sur le territoire national n'est pas établie par les pièces produites tant en première instance qu'en appel par l'intéressé. D'autre part, si M. C... allègue qu'il contribue à l'entretien de sa fille, et produit à cet effet des factures de vêtements, d'adhésion à un club de gymnastique et de frais de cantine ainsi que des attestations de la mère et de proches, il est constant que celle-ci, qui n'est pas de nationalité française, vit avec sa mère dont il est désormais séparé. Par ailleurs, la production de deux photographies non datées et d'une attestation établie par la tante de l'appelant indiquant qu'il est un père exemplaire et qu'il s'occupe de sa fille depuis sa naissance ne suffisent pas à démontrer la réalité et l'intensité des liens qu'il entretient avec sa fille. Enfin, l'appelant n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et la promesse d'embauche établie le 13 juillet 2023 dont il se prévaut est postérieure à la décision attaquée. Dans ces conditions, l'arrêté pris à l'encontre de M. C... l'obligeant à quitter sans délai le territoire français après son interpellation par les services de police ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Pour les mêmes motifs, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de l'appelant. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

9. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'obligation de quitter sans délai le territoire français prononcée à l'encontre de l'appelant aurait sur sa situation personnelle et familiale des conséquences d'une gravité exceptionnelle. Par suite, en prenant la décision en litige, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des déclarations faites par l'appelant le 10 juillet 2023 devant les services de police, qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement refuser d'accorder à M. C... un délai de départ volontaire sans méconnaître les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire. Par voie de conséquence, les conclusions de l'appelant aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le président-rapporteur,

D. ChabertLe président-assesseur,

T. Teulière

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23TL02087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02087
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : SCP CABANES & BOURGEON

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;23tl02087 ?
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