Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 par lequel le préfet de la Lozère a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Il a également demandé au tribunal d'annuler l'arrêté du même jour portant assignation à résidence.
Par un jugement n° 2203683 du 5 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté en tant qu'il refuse à M. A... un délai pour quitter le territoire français et emporte interdiction de retour sur le territoire national et a immédiatement mis fin à l'assignation à résidence de ce dernier.
Par une ordonnance en rectification d'erreur matérielle du 8 décembre 2022 du président de ce tribunal, l'article 3 du dispositif de ce jugement a été modifié et complété comme suit : " Les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet lui a refusé un titre de séjour, les conclusions aux fins d'injonction afférentes à cette décision ainsi que celles relatives à l'admission à l'aide juridictionnelle sont renvoyées en formation collégiale. L'article 3 de ce dispositif en devient l'article 4 et ce dernier en devient l'article 5 ".
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 mars et 13 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Hamza, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2022 dans cette mesure ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Lozère de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente de cet examen de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et ce, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- par la voie de l'exception, la décision portant refus d'admission au séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen, notamment en ce qui concerne sa situation professionnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait substantielle en ce qui concerne le caractère contrefait de ses documents d'identité qui constitue le motif principal du rejet de sa demande ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2023, le préfet de la Lozère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé
Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2024 à 12 heures.
Par une décision du 25 janvier 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen se disant né le 5 février 2002, a sollicité, le 16 mai 2022, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 28 novembre 2022, le préfet de la Lozère a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Saisi d'une requête tendant, notamment, à l'annulation du premier arrêté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a, par un jugement du 5 décembre 2022, renvoyé en formation collégiale l'examen de la demande d'annulation du refus de titre de séjour, puis annulé le refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français dont était assorti l'arrêté en litige. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 28 novembre 2022.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. A l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français en litige, M. A... excipe de l'illégalité de la décision portant refus d'admission exceptionnelle au séjour.
3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément relatif à sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. La demande dont a été saisi le préfet de la Lozère par M. A... était intitulée " autorisation exceptionnelle au séjour salarié afin de répondre à une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée ". L'intéressé avait ainsi entendu présenter une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa situation professionnelle. Si le préfet a examiné la situation de l'intéressé au titre de sa vie privée et familiale, il s'est toutefois abstenu d'apporter la moindre appréciation sur les considérations relatives à la situation professionnelle de M. A... dont celui-ci, ainsi qu'il vient d'être dit, s'était expressément prévalu dans sa demande à laquelle il avait joint, en outre, une promesse d'embauche. Dans ces circonstances particulières, le préfet de Lozère, en omettant de procéder à une telle appréciation, a insuffisamment examiné la situation de M. A... et méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'illégalité dont est ainsi entaché le refus de titre de séjour entraîne celle de l'obligation de quitter le territoire français en litige, laquelle est fondée sur ce refus.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français contenue dans l'arrêté du 28 novembre 2022.
Sur les conclusions en injonction :
7. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
8. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire implique que
M. A... soit muni d'une autorisation provisoire de séjour en application des dispositions précitées. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Lozère de délivrer immédiatement à M. A... cette autorisation et, dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt, de réexaminer la situation administrative de ce dernier. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Hamza, avocate de M. A..., de la somme de 1 500 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE:
Article 1er : Le jugement n° 2203683 du 5 décembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes, en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français contenue dans la décision du 28 novembre 2022, et la décision du 28 novembre 2022 du préfet de la Lozère en tant qu'elle porte obligation de quitter le territoire français, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Lozère de se prononcer sur la situation de M. A... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour dès la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Hamza une somme de 1 500 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de son renoncement à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Lozère.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00536