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17/09/2024 | FRANCE | N°22TL22488

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 17 septembre 2024, 22TL22488


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Trois A a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 du préfet de l'Hérault fixant une période d'ouverture annuelle maximale " du samedi inclus qui précède le 14 mars (au) samedi inclus qui suit le 14 octobre de chaque année " du camping " Beach Farret ", qui se trouve sur la commune de Vias.



Par un jugement n° 2101425 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de M

ontpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Trois A a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 du préfet de l'Hérault fixant une période d'ouverture annuelle maximale " du samedi inclus qui précède le 14 mars (au) samedi inclus qui suit le 14 octobre de chaque année " du camping " Beach Farret ", qui se trouve sur la commune de Vias.

Par un jugement n° 2101425 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 décembre 2022, et un mémoire du 8 août 2024, la société Trois A, représentée par Me Gil-Fourrier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2021 du préfet de l'Hérault ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :

- le jugement est insuffisamment motivé, contrairement à ce qu'impose l'article L. 9 du code de justice administrative, dans sa réponse au moyen tiré du caractère stéréotypé de la motivation de l'arrêté préfectoral du 1er février 2021, ainsi qu'à ceux tirés de l'erreur de fait et quant au bien-fondé de cet arrêté ;

Elle soutient, au fond, que :

- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne précise pas les " études d'aléas et de connaissance du risque " sur lesquelles il se fonderait et qu'il vise les " campings ", sans se rapporter à la situation particulière du camping " Beach Farret " ; l'arrêté préfectoral n'indique pas les dates des différents événements météorologiques qui seraient survenus ;

- l'insuffisance de motivation révèle par ailleurs un défaut d'examen de la situation particulière du camping ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure faute d'information sur les études d'aléas et de connaissance du risque donnée lors de la procédure contradictoire, le projet d'arrêté visant les " études d'aléas et de connaissance du risque " étant à cet égard trop imprécis , ce qui ne lui a pas permis de présenter utilement des observations ; la circonstance selon laquelle le courrier du 18 janvier 2021, qui lui a été adressé par le préfet en réponse à ses observations présentées le 5 janvier 2021 dans le cadre de la procédure contradictoire, lui apportait à cet égard des éléments d'information, ne saurait pallier cette irrégularité de procédure ;

- par l'arrêté litigieux, le préfet, en visant les articles L. 2212-1, L. 2212-2 et L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, a entendu se fonder sur la procédure de substitution du préfet au pouvoir de police du maire, prévue par l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, mais cette procédure n'a pas été respectée, dès lors qu'elle impose notamment une mise en demeure préalable du maire, laquelle n'a pas été effectuée ;

- l'arrêté préfectoral repose sur des faits matériellement inexacts et présente un caractère disproportionné dès lors que si l'arrêté est fondé sur la situation du camping en zone inondable, au titre d'un " risque de crue avérée ", l'objet de l'arrêté se trouve ainsi cantonné à la prise en compte de l'aléa fluvial, et à cet égard le camping " Beach Farret " n'est soumis qu'à un aléa fluvial modéré ; si les premiers juges se sont fondés sur le risque de submersion marine ou de déferlement, lequel était évoqué par le préfet dans son mémoire en défense du 1er juillet 2021 présenté en première instance, ni l'arrêté attaqué, ni le courrier du 10 décembre 2020 l'invitant à présenter des observations, ne font mention d'un risque de submersion marine ou de déferlement ; la seule existence de l'aléa de crue ne pouvait donc justifier l'arrêté de fermeture ;

- le camping n'a jamais été inondé, y compris lors d'épisodes météorologiques particulièrement intenses, que ce soit lors de la crue du Libron et de l'Hérault du 30 janvier 1996, ou lors de l'épisode méditerranéen du 21 au 29 octobre 2019 ; il été construit près d'une digue se trouvant à la côte NGF, 2,5 mètres, alors que la côte des plus hautes eaux connues était de 2, 1 mètres, et que les vitesses d'écoulement sont quasi-nulles ; le camping n'est donc pas inondable ;

- par ailleurs, le camping est concerné par un aléa au délai de prévenance long, ce qui permet la préparation d'une évacuation, si nécessaire, sans danger pour la sécurité des personnes et des biens ; le camping a par ailleurs fait l'objet d'un avis favorable du 25 novembre 2016 de la sous-commission départementale de sécurité des terrains de camping ; il dispose d'un cahier de prescriptions de sécurité, tenu par l'exploitant, et transmis à la commune, qui détaille, au regard des risques, les mesures de vigilance, d'intervention et d'évacuation pouvant être mises en œuvre ;

- s'agissant des mesures de vigilance, au-delà des alertes de vigilance Météo France, le camping dispose d'un abonnement complémentaire auprès de Météo France lui permettant de mettre en œuvre plus efficacement encore les mesures de vigilance, d'intervention et d'évacuation prévues par le cahier de prescriptions de sécurité ;

- s'agissant des conditions d'évacuation, les voies d'accès et d'évacuation sont concernées par un aléa modéré, si bien qu'en cas d'inondation le camping pourrait être évacué, sans danger pour la sécurité des personnes.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du tourisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.

- et les observations de Me Cros pour la société Trois A.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 1er février 2021, le préfet de l'Hérault a fixé la période d'ouverture du camping " Beach Farret ", qui compte 74 emplacements situé à Vias, " du samedi inclus qui précède le 14 mars au samedi inclus qui suit le 14 octobre de chaque année ". La société Trois A, qui exploite ce camping, relève appel du jugement du 2 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er février 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à que soutient la société Trois A, les premiers juges ont répondu, de manière suffisamment détaillée, au point 5 de leur jugement, au moyen invoqué en première instance par la société Trois A tiré de ce que l'arrêté du préfet de l'Hérault était insuffisamment motivé. Ils ont également, au point 6 du jugement, répondu aux moyens tirés de l'erreur de fait et du caractère disproportionné de l'arrêté du 1er février 2021 par un raisonnement suffisamment détaillé et ainsi conforme à l'obligation de motivation imposée par l'article L. 9 du code de justice administrative.

3. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué invoqué par la société appelante doit donc être écarté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 331-8 du code du tourisme : " Les préfets peuvent, par arrêté, imposer des normes spéciales d'équipement et de fonctionnement en vue de la protection contre les dangers d'incendie et les risques naturels et technologiques majeurs. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les préfets peuvent imposer aux gestionnaires de terrains de camping situés en zones submersibles des normes de fonctionnement allant jusqu'à la fermeture périodique desdits terrains, notamment pendant les périodes traditionnelles de crue des cours d'eau à proximité desquels ils sont situés. L'arrêté en litige faisant application de ces dispositions, le moyen tiré de l'incompétence du préfet de l'Hérault pour l'édicter doit être écarté.

5. En deuxième lieu, ainsi qu'il est indiqué au point 4 du présent arrêt, l'arrêté du 1er février 2021 est pris sur le fondement de l'article R. 331-8 du code du tourisme, qui donne le pouvoir au préfet de règlementer les périodes d'ouverture des campings, et non par substitution du préfet au maire, après mise en demeure vainement adressée à ce dernier, dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale sur le fondement du code général des collectivités territoriales. Par suite, et alors même que l'arrêté en litige comporte dans ses visas une référence à l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que cet arrêté été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute de mise en demeure adressée préalablement au maire.

6. En troisième lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, par courrier du 10 décembre 2020, le préfet de l'Hérault a informé la société Trois A de ce qu'il envisageait de prendre un arrêté dont il joignait le projet en annexe, fixant une période d'ouverture maximale du camping " Beach Farret - du samedi inclus qui précède le 14 mars au samedi inclus qui suit le 14 octobre ", et l'a invitée à formuler ses observations à cet égard dans un délai de quinze jours. Ce courrier comportait une description suffisamment détaillée de la nature des risques d'inondation pesant sur le terrain d'assiette du camping. Si aucun document relatif aux aléas et risques auxquels est soumis le camping en dehors de la période précitée n'a été joint à cette lettre, cette circonstance n'est pas, en elle-même, de nature à avoir empêché la société de présenter utilement des observations, ce qu'elle a fait le 5 janvier 2021. Au demeurant, les informations dont la société se plaint de ne pas avoir été destinataire, qui se rapportaient au contenu du plan de prévention des risques naturels d'inondation, étaient disponibles sur le site internet de la préfecture. Par conséquent et alors même que la société appelante n'aurait pas, comme elle l'allègue, reçu le courrier du 18 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a apporté des précisions complémentaires quant à la situation du camping " Beach Farret " au regard du plan de prévention des risques naturels d'inondation, le moyen tiré de l'absence de respect d'une procédure contradictoire, en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté.

7. En quatrième lieu, si la société appelante, persiste en appel à soutenir que l'arrêté du 1er février 2021 du préfet de l'Hérault serait insuffisamment motivé en fait, cet arrêté, en se fondant sur le fait que " ...dans l'Hérault, les campings situés en zone inondable des basses plaines de l'Orb, de l'Hérault, du Vidourle, de l'Aude, et sur la bande littorale sont soumis à un risque de crue élevé ", sur " l'historique de la survenance des évènements météorologiques intense de type " cévenols " ou " méditerranéens ", pour en déduire ensuite qu'il " convient de limiter la vulnérabilité des personnes et des biens du camping " qui est " exposé à un risque de crue avéré ", est suffisamment motivé au regard des éléments de fait, et permettait ainsi à la société d'en comprendre les considérations qui le fondaient. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé et qu'il procède d'un examen insuffisant de la situation particulière du camping qu'elle exploite.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société appelante, l'arrêté en litige, eu égard aux motifs qu'il retient, est fondé à la fois sur le risque de débordement fluvial et sur le risque de submersion marine dès lors qu'il évoque la situation des campings situés sur " la bande littorale " et qu'il fait référence, sur le fondement notamment de l'article L 125-2 du code de l'environnement relatif au droit à l'information sur les risques naturels prévisibles, aux études d'aléas et de connaissance du risque auquel se trouve exposé le camping " Beach Ferret " du fait de sa situation inondable au regard du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Vias approuvé le 4 avril 2014, lequel place ce camping en zone d'aléa fluvial modéré, mais en zone d'aléa fort relativement au risque de submersion marine. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à se prévaloir de la seule circonstance que le terrain d'assiette du camping est en zone d'aléa fluvial modéré pour soutenir que l'arrêté en litige serait illégal.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un extrait du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Vias, ainsi que de la fiche technique établie le 9 juin 2017 par le préfet de l'Hérault, laquelle porte spécifiquement sur le camping " Beach Ferret ", que le terrain d'assiette de celui-ci est classé, au regard de l'aléa inondation, en zone rouge de déferlement RD, zone inondable d'aléa fort, et en zone rouge RN, soit un secteur soumis à un aléa fort de submersion marine. Si la société Trois A, comme en première instance, se prévaut d'une étude hydraulique, qu'elle ne produit au demeurant pas, indiquant l'existence d'une digue calée à la cote 2,5 mètres NGF, elle ne justifie pas que cette digue protègerait la zone dans laquelle se trouve le camping. Si elle se prévaut également d'une étude, au demeurant non produite, qui aurait été réalisée en 1996 par la société d'ingénierie pour l'eau et l'environnement mentionnant une cote des plus hautes eaux de 2,1 mètres NGF avec des vitesses d'écoulement quasi nulles, cette étude ancienne doit, du fait notamment des évolutions climatiques, être regardée comme ne présentant pas la même fiabilité que celle ayant permis l'adoption du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Vias en avril 2014.

10. En dépit des circonstances invoquées par la société appelante selon lesquelles le camping se trouve en zone d'aléa fluvial modéré, la longueur du délai de prévenance lui permettrait de se préparer au risque, un avis favorable a été donné à l'exploitation du camping par la sous-commission départementale de sécurité des terrains de camping, elle tient un cahier de prescriptions de sécurité détaillant les mesures de vigilance, d'intervention et d'évacuation pouvant être mises en œuvre, et que son camping n'a jusque-là subi aucune inondation, il n'en demeure pas moins que son terrain d'assiette est soumis à des risques d'inondation importante ainsi qu'il a été dit précédemment. Un tel risque justifie, dans les circonstances de l'espèce, la mesure de fermeture décidée pour la partie de l'année exclue " du samedi inclus qui précède le 14 mars au samedi inclus qui suit le 14 octobre de chaque année ", période d'ouverture fixée par l'arrêté en litige qui permet ainsi à la société d'exploiter son camping pendant les saisons touristiques. Ce faisant, le préfet de l'Hérault, qui ne s'est pas fondé sur des éléments matériellement inexacts quant à la réalité du risque, a pris une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée au regard de la finalité poursuivie.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Trois A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée Trois A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Trois A, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de France et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami , première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

F.Faïck

La greffière,

C.Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL22488 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22488
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-03-01-04 Police. - Police générale. - Sécurité publique. - Police des lieux dangereux. - Terrains inondables.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : GIL, CROS SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;22tl22488 ?
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