Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 19 août 2022 par lequel la préfète du Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2203045 du 1er décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Ghaem-Ghaemol Sabahy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2022 par lequel la préfète du Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Vaucluse de réexaminer sa situation et de lui remettre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions des articles L. 431-2 et D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le délai prévu par ces dispositions ne lui était pas opposable, conformément à l'annexe 3 de l'instruction ministérielle INTV1906328J du 28 février 2019, faute d'en avoir été informée ;
- la préfète du Vaucluse s'est crue à tort en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour présentée au-delà d'un délai de trois mois ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'un défaut d'examen de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de saisine du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et révèle un refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
- le magistrat désigné n'était pas compétent pour pallier l'absence d'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- l'arrêté litigieux méconnaît le principe général du droit d'être entendu tel que garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Une mise en demeure de produire un mémoire en défense a été adressée le 22 février 2024 à la préfète du Vaucluse.
Par ordonnance du 30 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mai 2024.
Mme B... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 23 mars 1997, a fait l'objet d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 30 mai 2022 portant rejet de sa demande d'asile. Le 7 juillet 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 août 2022, la préfète du Vaucluse a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'un tel arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour (...) ". L'article D. 431-7 du même code précise que les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois, porté à trois mois lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9.
3. Dans le cas où un étranger ayant demandé l'asile a été dûment informé, en application des dispositions de l'article L. 431-2 précitées, des conditions dans lesquelles il peut solliciter son admission au séjour sur un autre fondement et où il formule une demande de titre de séjour après l'expiration du délai qui lui a été indiqué pour le faire, l'autorité administrative peut rejeter cette demande motif pris de sa tardiveté à moins que l'étranger ait fait valoir, dans sa demande à l'administration, une circonstance de fait ou une considération de droit nouvelle, c'est-à-dire un motif de délivrance d'un titre de séjour apparu postérieurement à l'expiration de ce délai. Si tel est le cas, aucun nouveau délai ne lui est opposable pour formuler sa demande de titre. L'étranger ne peut se prévaloir pour la première fois devant le juge d'une telle circonstance.
4. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile le 30 novembre 2020, Mme B... aurait été dûment informée par l'administration, conformément aux dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce que, sous réserve de circonstances nouvelles, elle serait dans l'impossibilité, à l'issue du délai de trois mois prévu à l'article D. 431-7 du même code, de solliciter son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Par suite, la préfète du Vaucluse ne pouvait légalement se prévaloir de l'expiration de ce délai pour refuser d'instruire la demande de titre de séjour présentée le 16 juin 2022 sur le fondement de l'article L. 425-9 du même code. Il s'ensuit que Mme B... est fondée à soutenir qu'en rejetant pour ce seul motif sa demande de titre de séjour présentée en qualité d'étranger malade, sans solliciter le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en vue d'apprécier son droit au séjour au regard de son état de santé, la préfète du Vaucluse a méconnu les dispositions précitées des articles L. 431-2 et D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché son arrêté d'un défaut d'examen de sa demande.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Vaucluse procède à l'examen de la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., au regard des conditions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Ghaem-Ghaemol Sabahy.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes du 1er décembre 2022 et l'arrêté de la préfète du Vaucluse du 19 août 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Vaucluse de procéder à l'examen de la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade présentée par Mme B..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me Ghaem-Ghaemol Sabahy la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Marjane Ghaem-Ghaemol Sabahy et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-BèthbéderLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00567