La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2024 | FRANCE | N°23TL01016

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 18 juillet 2024, 23TL01016


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2021 par lequel la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2100624 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
r>

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023 2024, M. B..., représenté par Me Kosseva-Venzal, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2021 par lequel la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2100624 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2023 2024, M. B..., représenté par Me Kosseva-Venzal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ariège de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou à tout le moins de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une irrégularité de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- la décision portant refus d'un titre de séjour est entachée d'erreurs de fait en ce qui concerne son état matrimonial et la date de son mariage ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 18 juillet 2023, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2024 à 12 heures.

Par une décision du 5 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. B... l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant camerounais né le 23 avril 1964, est entré en France selon ses déclarations en mars 2014. Il a fait l'objet, le 11 janvier 2017, d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter de territoire français pris par le préfet de la Gironde. À la suite de son mariage, le 15 juin 2019, avec une ressortissante de nationalité française, M. B... a sollicité, le 12 février 2020, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français. Par un arrêté du 13 janvier 2021, la préfète de l'Ariège a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 11 octobre 2022 dont M. B..., relève appel, rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige et alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour " l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2, alors applicable, du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 de ce code, alors en vigueur : " (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour (...) ".

3. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 313-11 et L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, que la production par l'étranger d'un visa de long séjour est une condition pour la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au titre du 4° de l'article L. 313-11. Si l'article L. 211-2-1, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'un étranger conjoint de ressortissant français présente sa demande de délivrance d'un visa de long séjour sur place, en même temps que sa demande de carte de séjour temporaire, cette procédure est toutefois notamment subordonnée à la preuve d'une entrée régulière sur le territoire français.

4. Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit l'application d'une taxe à la délivrance d'un visa de long séjour, n'ouvre pas droit à l'obtention d'un visa de long séjour à l'étranger qui remplirait les autres conditions posées par le 4° de l'article L. 313-11 du même code. Dans ces conditions, dès lors que M. B... ne justifie ni d'une entrée régulière en France, ni d'un visa de long séjour, le préfet a pu légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

5. En deuxième lieu, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, même si la décision attaquée mentionne à tort que M. B... vit en état de polygamie, alors que la dissolution de son premier mariage est intervenue suite au décès de sa première épouse le 19 octobre 2016, et comporte une erreur sur l'année de son second mariage, il résulte de l'instruction que la préfète de l'Ariège aurait pris la même décision, fondée notamment sur l'absence de visa de long séjour, et aurait procédé à la même appréciation sur la vie privée et familiale de l'appelant. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'erreurs de fait doit être écarté.

6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au présent litige et alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit :/ (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. Il est constant que M. B... est entré irrégulièrement en France et s'y est maintenu malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre le 11 janvier 2017 par le préfet de la Gironde. Si sa première épouse, de nationalité camerounaise, avec laquelle il s'est marié le 24 avril 2008 et a eu deux enfants, est décédée le 19 octobre 2016 à Yaoundé, son mariage, le 15 juin 2019, à Pamiers, avec une ressortissante française datait de moins de deux ans au jour de la décision attaquée et présentait donc un caractère récent. En outre, la communauté de vie du couple, avant leur mariage, n'est pas établie par les pièces du dossier. Par ailleurs, l'appelant se prévaut de l'état de santé de son épouse, atteinte d'un glaucome invalidant, en affirmant que cela nécessite sa présence continuelle à ses côtés, pour faire valoir qu'il ne peut retourner au Cameroun. Toutefois, il ne démontre, par les pièces produites, ni que l'état de santé de son épouse ne nécessiterait un accompagnement que depuis leur mariage, ni que les conditions dans lesquelles cet accompagnement était réalisé avant leur rencontre ont évolué ni enfin qu'elle ne pourrait pas être accompagnée par une tierce personne ou par un membre de sa famille. Enfin, si deux sœurs de M. B... vivent en France, il est constant que celui-ci dispose d'attaches fortes dans son pays d'origine où vivent ses trois enfants, dont deux mineurs. De plus, malgré son implication dans les activités sportives du club de football de Pamiers et son projet de création d'une association promouvant l'intégration et l'accès à la citoyenneté des jeunes dans cette commune par le biais de ce sport, il ne justifie pas d'une insertion sociale ou professionnelle particulière. Ainsi, si la préfète ne pouvait, dans son appréciation de l'atteinte à la vie privée et familiale de M. B... prendre en compte la circonstance qu'il était polygame du fait de la dissolution de son premier mariage, il ressort des pièces du dossier que même en l'absence de cette circonstance erronée et compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, elle aurait pris la même décision. Compte tenu de ces éléments, la préfète de l'Ariège, qui n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect d'une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cet arrêté, n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance tant des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

9. En quatrième lieu, les circonstances dont M. B... se prévaut n'établissent pas une considération humanitaire ou un motif exceptionnel, au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. (...) ". Le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues pour la délivrance des titres visées par cet article.

11. M. B... n'étant pas, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète n'était pas tenue de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

12. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 8, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 janvier 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01016


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01016
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : KOSSEVA-VENZAL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;23tl01016 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award